Posted by observatoire de téléologie on November 11, 1999 at 05:27:25 PM EST:
In Reply to: Si « le fait d'être en vie » se vérifie en vivant... posted by ... on November 06, 1999 at 07:02:12 AM EST:
Dire qu'il y a un temps entre l'expérience et la vérification dont nous parlons, qui est évidemment la vérification pratique (cf. 'Vérification théorique, vérification pratique'), n'est pas davantage adéquat que de dire qu'il y a un temps entre la vie et la mort. Disons que l'expérience est le mouvement pratique d'un concept dont la vérification est la réalisation. La vérification est la partie de l'expérience qui l'achève, elle n'est pas en son commencement, sauf bien entendu lorsque l'expérience est l'expérience d'une vérification. De même pourrait-on dire que l'expérience est le mouvement dont la vérification serait la fin. Ou bien encore que la vérification est l'expérience se prenant pour objet. Utilisons cette analogie dangereuse dans l'état actuel du délabrement des mots : la vérification est à l'expérience ce que le dépassement est au négatif. Ce qui a l'avantage de montrer unité et différence entre ces deux concepts et, j'espère, d'en relativiser votre enchaînement chronologique qui n'est ni obligatoire ni essentiel, quand bien même il est constaté.
Vous voudrez bien nous expliquer en quoi la connaissance immédiate serait produit et résultat de la connaissance médiate.
Quand nous disons que le fait d'être en vie se vérifie en vivant, il faut en effet l'entendre à la lettre : la réalité du fait d'être en vie n'est pas la réalité de la vie. La réalité du fait de courir un 100 mètres n'est pas la réalité du 100 mètres. Le fait de courir un 100 mètres peut être réalisé à tout moment du 100 mètres. Le 100 mètres n'est réalisé qu'à l'arrivée, c'est-à-dire à la fin. Dans le fait d'être en vie, le contenu est une variante de cogito ergo sum. Le contenu pratique de ma vie, par contre, est l'humanité que réalise, ou non, ma vie : il est évidemment trop tôt pour préjuger que ma vie ait un contenu ou non. Mais vous aurez bien deviné que c'est assez peu probable et que, selon son concept, il y a de fortes présomptions pour que ma vie ne se réalise justement pas.
Non seulement vous confondez la réalité du fait de quelque chose et la réalité de ce quelque chose, mais vous confondez le fait qu'une hypothèse puisse se vérifier en elle-même avec le fait qu'elle soit vérifiée. Ma vie est une hypothèse, ma vie se vérifie en elle-même, mais ma vie n'est pas vérifiée. Du moins, pas encore tout à fait.
Nous n'avons pas essayé de vous faire comprendre que la vie et la mort se vérifient toutes deux séparément. La vie et la mort se vérifient en même temps, puisque la mort est la partie de la vie qui est sa vérification. La fin du 100 mètres se vérifie en même temps que le 100 mètres.
Que nous soyons si peu faciles à comprendre tient moins à la difficulté de ce que nous disons qu'à la profondeur à laquelle sont enracinées les croyances que nous combattons. Vous l'illustrez parfaitement : nous avons eu beau réfuter votre idée d'un temps entre expérience et vérification dans 'Vérifier veut dire rendre vrai', puis la citation d'Epicure chez « non identifié » dans 'Extra ball' et les deux réponses qui avaient précédé, vous repartez, frais du museau, du même postulat idéologique de la séparation entre l'expérience et la vérification et entre la vie et la mort, sans dire par quoi elles seraient séparées, comme si nous n'avions jamais répondu à ce lieu commun mystique.
Vous avez raison de souligner que notre conception de la vérification pratique est en contradiction avec la définition de la vérification par le Petit Robert. Mais vous n'avez apparemment pas remarqué que la définition du Petit Robert - comment pourrait-il en être autrement ? - n'est pas une définition de la vérification, mais de la seule vérification théorique. Voilà qui justifie que nous soulignions que l'idéologie de la vérification théorique domine ce monde. Comme le Petit Robert, vous voulez introduire un temps, une extériorité, une réflexion séparée entre l'expérience et la vérification. Dans 'Croire', que vous avez maintenant lu - c'est à se demander comment -, nous avons bien montré, je crois, à qui ça profite.
Nous ne disons pas que la théorie est « une hypothèse donc une spéculation infondée ». Nous disons que la théorie est une hypothèse donc une spéculation infondée d'une part sur le phénomène, ce qui est quelque peu différent, d'autre part dans l'idéologie de la vérification théorique qui domine notre monde, ce qui est un peu plus que quelque peu différent. L'archétype de la théorie qui est une spéculation infondée sur un phénomène non achevé (puisque la seconde partie de la proposition que vous avez charcutée traite du phénomène achevé) est, dans l'idéologie de la vérification théorique, la théorie de Hegel. Le phénomène dont traitait Hegel, l'esprit, n'est pas achevé. Diantre. Que ce soit une spéculation infondée, c'est ce qu'en dit l'idéologie de la vérification théorique. Certes.
Ne soyez pas trop sûr de la finesse de votre ironie à la Papy Ben Schlemoul qui pouffe : elle vous expose mieux qu'elle ne vous protège. Votre petit aparté au bouffon Bueno, toujours aussi dupe, sent son faux cul à pleine chiotte.
Avec sans doute davantage de sérieux que vous, nous croyons que quand tout est fini on n'a plus rien à ajouter.