Posted by observatoire de téléologie on October 17, 1999 at 05:48:01 PM EDT:
In Reply to: La vérité est ce qui se vérifie posted by ... on October 16, 1999 at 08:37:42 AM EDT:
Vous avez parfaitement raison de mettre en avant le concept de vérification qui est effectivement un concept clé de la téléologie moderne. Il est vrai que ce concept mérite d'être affiné ; et nous vous remercions d'y contribuer. Vous ne semblez pas, cependant, avoir utilisé tous les développements que l'observatoire de téléologie a mis à disposition sur ce point. Dans 'Croire', vous trouverez esquissée la différence entre vérification théorique et vérification pratique.
Nous avons essayé d'y montrer la tentative de substitution du concept de vérification théorique, dans l'histoire, à toute vérification, et en particulier à la vérification pratique. De sorte que, aujourd'hui, lorsqu'on dit vérification, on pense à la seule vérification théorique. Vous ne semblez pas avoir échappé à cette dérive idéologique imposée par les fossoyeurs de la révolution française.
En effet, vous semblez introduire un temps entre l'expérience et la vérification, que vous ne pouvez pas, sauf erreur de ma part, avoir trouvé dans nos textes. Ce temps est la différence entre la fin de l'expérience et le constat, entre la pratique et la théorie. Nous n'avons pas trouvé par ailleurs, dans les textes que vous citez, ce qui justifie la contradiction entre votre conclusion et la nôtre : cette contradiction ne provient que de ce décalage temporel que vous y introduisez.
La vérification pratique n'a pas besoin d'un constat séparé dans le temps, parce que la vérification y a valeur de constat. Si « le fait d'être en vie » se vérifie en vivant, le constat et la vérification ne viennent pas non plus après l'expérience, mais en elle. De même, la vérification pratique de la mort est le fait de mourir, et non le constat de la mort. On peut constater la mort de quelqu'un d'autre, on peut vérifier théoriquement la mort de quelqu'un d'autre, mais on ne peut faire la vérification pratique de la mort qu'en mourant soi-même. Stricto sensu d'ailleurs la mort, qui est la fin de la vie, est la vérification pratique de la vie. Ma vie ne sera vérifiée, réalisée, que par sa mort. Sans sa fin, la mort, ma vie n'est que l'hypothèse d'être en vie, et non sa réalité. Le principe et le contenu de ma vie ont leur vérification pratique dans son achèvement.
Vous ne pouvez pas dire qu'une « fin acquiert son caractère de vérité après le fait », sauf en théorie. En pratique, une fin est la vérité du fait, le fait acquiert sa vérité par sa fin, et non après. C'est le sens exact de l'étymologie de vérifier, telle que vous la proposez, et telle que nous l'approuvons.
Vous voyez par là que la fin de toutes les vérifications pratiques est elle-même une vérification pratique mais, effectivement, peut-être pas une vérification théorique. Rendre vraie l'humanité, comme rendre vraie une vie particulière, ne peut se faire qu'à sa fin, mais ne peut pas se faire après. C'est pourquoi nous disons : rendre vraie l'humanité est la finir.
Bref, sauf catastrophe, la fin de l'humanité va être vérifiée.
Un mot important sur la théorie en général. L'idéologie de la vérification théorique qui domine dans notre monde voudrait que la théorie soit ou l'hypothèse, donc la spéculation infondée sur le phénomène, ou le constat, donc le rapport sur le phénomène achevé. La théorie est d'abord, sans aucun doute, ces deux appendices du phénomène. Mais comme, en tant que constat, elle vient après le phénomène achevé, elle est aussi déjà partie de la pratique qui dépasse le phénomène. C'est pourquoi « you » disait vite : « l'intérêt des théories réside dans leur vérification pratique », qui en restituant le sens implicite donne : l'intérêt des théories réside dans la vérification pratique de leurs contenus, c'est-à-dire dans l'achèvement du dépassement de ce qui est achevé.