Posted by observatoire de téléologie on October 21, 1999 at 05:20:03 AM EDT:
In Reply to: la clientele de l'endroit posted by Voitures qui crament on October 20, 1999 at 07:46:56 PM EDT:
Les « voitures qui brulent » ressassant leurs rancunes debordiennes orthodoxes, le « service de désinformation qui nous emploie » nous ordonne de publier leur précédente sottise et notre réponse. Cf. observatoire de téléologie / correspondances / « Les voitures qui brûlent ».
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1) Tract reçu, par courrier, le 17-02-99
Mise au point
Alors même que l'idée de révolution est depuis quelques années devenue une idée absolument imbécile, elle fait rire les employés de la "machine froide" et pleurer de rire nos jeunes qui destroyent le décor de leurs banlieues - plus par esthétisme d'ailleurs que pour tout autre chose - un bouquet de livres sortis de nos rangs nous informe sur l'état précis des forces policières attribuées à la surveillance de nos exploits.
Ailleurs nous dit-on, ils manquent d'effectifs, cest qu'à nous seuls nous mobilisons leurs meilleures troupes...
Ainsi le terrain de nos activités, la critique de ce monde, nous vaut de tels excès de matonage que certaines moustaches sont depuis devenues célèbres. Citons deux stars, d'ailleurs encore actives dans cette bonne ville de PARIS, Serge Quadruppani et le moins connu mais tout aussi nuisible, E-F Lavacquerie. Ces deux là ont tellement servi qu'ils sont usé mais méritent des compliments et de l'avancement. Que méritent ceux qui étaient de leur entourage et qui n'ont pas encore fait leurs excuses ?
Ils ne sont donc pas cocu mais complices... Car nous faisons état ici d'une abondante littérature sortie dés 1993 (@) à leur sujet, cela fait long, trop long pour excuser des "camarades qui se seraient trompé".
Pour ceux, de bonne foi et que la honte étrangle, nous proposons qu'ils se justifient publiquement, c'est un peu tard mais fortement conseillé, car seuls les agents d'état sont par nature dénués de scrupules.
Les voitures qui brûlent
@: Nous parlons ici du dernier livre de Guy Debord, des Cinq livres de Michel Bounan (chez Allia) et de celui interdit depuis le 16 décembre 1998 "Correspondance avec Guy Debord" de Jean-François Martos.
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2) Courrier daté du 12 mars 1999
Pièce jointe : copie du tract déjà reçu, intitulé 'Mise au point'
vendredi 12 mars 1999
Messieurs,
En feuilletant votre revue (no5) nous notons page 69: "C'est de théorie que manque cruellement ce monde d'émeutes."
Votre projet, quant à lui, est bien de répertorier des émeutes et dans une débauche de descriptions et d'analyses, de noyer la théorie. Par ailleurs vous insultez fallacieusement un théoricien, Debord, en le mettant vis à vis d'un JPV qui est, depuis bien longtemps, l'incarnation de la "Pensée de travers", l'oeuvre la plus accomplie de la "Police des Idées" et donc nécessairement votre modèle pratique. Bravo "Messieurs".
Les voitures qui brûlent
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3) Réponse de l'observatoire de téléologie (avril 1999)
1. Notre projet n'est pas « de répertorier des émeutes et, dans une débauche de descriptions et d'analyses, de noyer la théorie ». Notre projet est de finir le monde. Nous pensons que pour y parvenir il faudra une débauche de descriptions et d'analyses incomparablement supérieure à la nôtre. Comme les situationnistes pensaient que les ouvriers devaient devenir dialecticiens, nous pensons que la théorie doit être le mode de communication entre les émeutiers et insurgés.
On peut sans doute falsifier, censurer, mépriser, récupérer la théorie, mais nous ne connaissons personne qui soit capable de « noyer la théorie ». Nous avons, en revanche, frôlé de nombreuses personnes qui se noient dans la théorie : d'une part ceux qui n'en démêlent pas le sens ; d'autre part ceux qui voudraient qu'elle soit simple et indubitable, une fois pour toutes, et qui sont fâchés lorsqu'elle contredit l'idéologie dominante de l'activisme, ou tout simplement lorsqu'elle tend à devenir aussi compliquée que le monde. A en juger par leur façon de critiquer, « Les voitures qui brûlent » sont beaucoup dans la première barque et un peu dans la seconde galère.
2. Nous n'avons jamais mis Debord vis-à-vis de Jean-Pierre Voyer. Dansla réalité, Voyer s'est mis vis-à-vis de Debord tout seul. Rappelons ici comment Guy Debord a vieilli prématurément, par quelles étapes « Abandonnant la recherche de la radicalité, il s'est abandonné lui-même à l'intégration spectaculaire et marchande » :
D'abord Voyer a interpellé Debord sur sa conception de l'économie, qu'il jugeait insuffisamment critique. Debord a refusé de répondre. Observateurs impartiaux, mais qui trouvions la question importante, nous en avons conclu que si quelqu'un est dépositaire de la radicalité de son temps et qu'il refuse de la confronter, il use du droit des lâches, des résignés. A notre grande surprise, donc, Debord était devenu lâche et résigné, mais après tout, qui est à l'abri ?
Puis l'éditeur de Debord a publié sa correspondance avec Voyer, mais tronquée de toute la partie où Voyer commençait à critiquer l'économie. Debord ne s'est pas récrié contre cette falsification manifeste de son éditeur, auquel il a continué à faire confiance. Debord est donc devenu complice de la dissimulation de sa lâcheté et de sa résignation, et par là il est devenu, comme son éditeur, un enculé. Même si personne n'est à l'abri de devenir un enculé, nous pensons qu'il est important de signaler lorsque quelqu'un d'estimable en devient un.
Enfin juste avant sa mort, Debord a confié l'ensemble de ses écrits à l'éditeur Gallimard. En 1969, sur la dernière page du dernier numéro de la revue 'Internationale situationniste', dont Debord était directeur, on pouvait lire une lettre au même Gallimard qui disait « (…) tu n'auras plus jamais un seul livre d'un situationniste. Voilà tout. Tu l'as dans le cul. Oublie-nous. » En confiant à cet éditeur 'la Société du spectacle', Debord a formellement rompu cette parole. Il est donc devenu un menteur. Nous pensons que personne n'est obligé de devenir menteur.
Devenu lâche et résigné, falsificateur et enculé, puis menteur, Debord a largement mérité le sobriquet de Raclure de Bidet, qu'il avait lui-même initié.
3. Si nous sommes d'avis que l'œuvre de Voyer contribue à la « police des idées », ce n'est certainement pas parce qu'elle serait l'incarnation d'une « pensée de travers » ou de quelque autre dénigrement qui fait l'économie de la critique. Nous avons suffisamment expliqué ailleurs (cf. 'Fin du voyérisme paisible') en quoi l'œuvre de Voyer ne pouvait pas être notre « modèle » théorique ; espérons qu'il sera superflu d'ajouter en quoi elle saurait aussi peu être notre modèle pratique.
4. Le tract 'Mise au point', que nous avons donc reçu deux fois, ne mérite pourtant pas d'être relu. Tout y est tellement allusif et sous-entendu qu'on ne peut qu'y supposer : supposer une forme d'orthodoxie debordienne, supposer un petit milieu (si minuscule qu'on n'en avait pas encore entendu parler), supposer quelques petits règlements de comptes et quelques menaces voilées à l'égard d'inconnus. Et on en arrive même à supposer que « Les voitures qui brûlent » sont contre la révolution, ou à supposer qu'ils sont pour ; ce qui n'a pas beaucoup d'importance, du reste, puisqu'il faut supposer que cette question serait pour eux une sorte de détail de l'esthétique.
5. Malgré les critiques radicales et les insultes méritées que nous avons adressées à Voyer et Debord, nous plaignons sincèrement ces deux théoriciens du passé d'avoir mérité aujourd'hui des suivistes aussi approximatifs et mal informés que « Les voitures qui brûlent », auxquels nous répondons ici publiquement, puisqu'ils ne nous ont laissé aucune possibilité de le faire plus directement. Et c'est bien à contrecœur que nous les remercions d'avoir vérifié, à leur corps défendant, ce qu'ils citent de nous en exergue : « C'est de théorie que manque cruellement ce monde d'émeutes. »
(Texte d'avril 1999.)