L'Afrique peut se partager en trois : l'Afrique du Sud, qui est séparée, l'Afrique noire et l'Afrique musulmane. L'Afrique noire a été un tissu continu d'émeutes en 1990. L'information occidentale a essayé d'en faire la suite logique de sa croisade pseudo-démocratique dans les pays de l'Est. Mais les émeutiers d'Afrique sont bien plus attirés par la liberté et par la richesse aliénée qu'on appelle « marchandise ». Les dictateurs qui ont accordé l'officialité à quelque opposition ne se sont concilié que l'information occidentale et ceux qui la croient, mais pas leurs populations. Gabon [39], Côte d'Ivoire [40], Zaïre [cf. « La fête au Zaïre »], Madagascar [41], Sierra Leone [42], Zambie [43], Togo [44], Centrafrique [45], Guinée [46], partout la rue s'est fait entendre, puis s'est tue, mais pas parce qu'elle était satisfaite, seulement parce qu'elle était essoufflée, surprise de sa propre et amusante hardiesse, si impunie. Et tout ceci s'est produit en même temps, sans aucune concertation entre les émeutiers d'Etats différents, simple fruit de l'unité spirituelle du monde moderne, où les choses, dans leur pratique subjective (car elles en ont une !), sont bien plus méprisantes des frontières que les humains qui les ont fabriquées.
Hormis la Libye et la Mauritanie (à noter qu'au Sénégal et en Mauritanie l'opposition spontanée des pauvres semble efficacement jugulée, tout au moins pour un temps, depuis la récupération interethnique de l'émeute de Dakar [18], à laquelle les deux Etats se sont échauffés en 1989), les principaux Etats de l'Afrique musulmane ont également été traversés par l'émeute, en 1990. La Somalie [cf. « Mogadiscio »] se dissout depuis l'émeute du 14 juillet 1989, mouvement accéléré depuis celle du 23 octobre 1990, face auquel les diverses guérillas semblent désarmées. Les gouvernements égyptien [47] et tunisien [48], confrontés à une jeunesse de plus en plus insolente et hostile, en enferment les premières émeutes répétées sous le label islamique. En Algérie [15], la fissure des émeutes de 1988 agit encore sur tout ce qui prétend à l'Etat, y compris sur le FIS, par une myriade de violentes émeutes sans lendemain. Enfin, le Maroc [49] a explosé en décembre comme en 1984, comme en 1981. Mais la répression brutale y devient plus difficile, l'adoration pour le roi-dictateur a décru, les Arabes sont moins enfants, moins orientaux chaque jour. Bientôt, ils se reconnaîtront dans ce qui enfante leur réelle existence : marchandises et révolution iranienne.
(Extrait du bulletin n° 2 de la Bibliothèque des Emeutes, texte de 1991.)
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La Naissance d’une idée Tome I : Un assaut contre la société |
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