Notes


 

15. Algérie

Chronologie orientée.

Les semaines du début de l'automne 1988 en Algérie sont marquées par un mouvement de grèves croissant, dont l'UGTA, le syndicat officiel, essaie de prendre la tête. De violents affrontements avec les forces de l'ordre ont au moins eu lieu à la SNVI, à Rouiba. L'UGTA lance une grève générale pour le 5 octobre.
 

  1988
03-10 Fin de l'insurrection en Birmanie.
04-10 Dans la soirée, première émeute dans le quartier de Bab el-Oued à Alger : pillage de magasins, incendies de voitures, affrontements.
05-10 Journée des jeunes d'Alger qui saccagent toute la rue Didouche-Mourad : magasins, compagnies aériennes, commissariats, mairies, boîtes de nuits, voitures de fonctionnaires. Simultanément le même goût de la destruction s'exprime dans toutes les banlieues populaires de la capitale. C'est la jeunesse des émeutiers (souvent dix, onze ans) et leur négativité destructrice qui effraient le plus tous les pouvoirs : ils chipent des camions, conduisent comme des fous, « cannibalisent » les commerces. L'armée n'intervient pas. L'émeute produit une grève de facto, beaucoup plus générale que celle voulue par le syndicat stalinien.
06-10 A midi, l'état de siège est décrété. A Alger l'émeute reprend, et les pillages et destructions continuent. Les mairies d'El Biar et de Bachdjarah et la sous-préfecture de Husseïn Dey flambent. Plusieurs commissariats sont mis à sac, et les insurgés y prennent les armes. Le « centre commercialo-culturel », fière vitrine du régime, et du vieux monde par extension, est détruit, marquant l'unité de la critique contre l'Etat, la marchandise et la culture. De nombreux affrontements, sanglants, ont lieu avec l'armée. L'émeute gagne Blida, Bordj Bou Arreridj.
07-10 Emeutes et affrontements se poursuivent. L'armée panique par moment et tire sur les rassemblements dans les rues d'Alger. Chasses à l'enfant la nuit, accompagnées des youyous des femmes, des huées des hommes, des hurlements des blessés : on retrouve l'ambiance de Téhéran dix ans plus tôt. Les « intégristes » tentent, à la faveur de ce vendredi jour de prière d'entrer dans le mouvement et d'en prendre la direction ; mais alors que certains imams appellent à manifester pacifiquement, d'autres exhortent les émeutiers à rentrer chez eux. Outre Blida, où elle continue, l'émeute gagne Staoueli, Zeralda, Tiaret, Mostaganem, Annaba, Sétif, Fort national, Boufarik et Oran, où l'on saccage le bâtiment du FLN, les principales entreprises et les hôtels de luxe. Enfin, il y a des chasses aux photogr aphes de presse, notamment occidentaux, qui sont battus, et leur matériel de délation, détruit.
08-10 Violents harcèlements des forces de l'ordre dans tous les quartiers populaires d'Alger, à la nuit tombée. L'émeute gagne les villes du désert, Ouargla, Djelfa. L'armée tire sur les mosquées où ont lieu des cérémonies funèbres de victimes. Toutes les estimations dépassent les 200 morts.
10-10 Les tirs d'armes automatiques continuent d'être bravés par de jeunes harceleurs. Le marché d'Alger est miraculeusement réapprovisionné, même de produits qu'on ne trouvait plus au marché noir. Dans la journée, l'armée mitraille une manifestation pacifique d'« intégristes » à Bab el-Oued (25 à 30 morts), et l'information occidentale en fait son spectacle moraliste : c'est ainsi que les islamistes sont consacrés première force de récupération de l'émeute ; la naissance du FIS est imminente. Dans la soirée, discours de Chadli à la télévision.
12-10 Derniers affrontements, à Tizi Ouzou, lors d'une manifestation pro-Chadli attaquée par des contre-manifestants. Levée de l'état de siège. Chadli annonce un référendum constitutionnel : c'est la fin de l'Etat-FLN.
Le bilan officiel est de 176 morts et 900 arrestations ; les estimations officieuses vont jusqu'à 500 morts et 4 000 arrestations. Les condamnations d'émeutiers vont jusqu'à huit ans de prison.

 

(Texte de 1998.)


Editions Belles Emotions
La Naissance d’une idée – Tome I : Un assaut contre la société Précédent   Table des matières   Suivant