t u r n   o v e r

 

 
         

 

 

 

   
Chose publique 

 
         
Une technique de voyérisateur  
 
 
         
         
         
           

 

 

La petite clique voyériste est un excellent objet d’études sur les mœurs de notre temps. Une petite pyramide d’escrocs, tellement encombrée de labyrinthes et de trucages qu’on se dirait parfois : ils ne se rendent plus compte ; ils vivent seuls, en rats, dans les dédales atrophiés de leurs imaginations cancéreuses, et ils se font des illusions de gens qui n’ont rien à dire, qui ne parlent que de leurs peines. C’est leur miroir qui fournit les réponses à leurs hébétudes vaniteuses, parce que personne d’autre ne voudrait leur badigeonner le nombril de la sauce dont ils se rêvent gavés.

Est-ce qu’ils méritent toute cette attention ? Qu’importe. Ils sont un petit poste frontière du grand royaume de la honte, inventifs pour sauvegarder leurs riens auxquels ils croient, dans la honte justement, en secret, avec des envolées de crapauds qui éclatent dans leur propre modestie insupportable. On regarde bien la télévision. On peut bien regarder les voyéristes. Nos amis les bêtes. Nos ennemis les blattes.

Le voyérisateur est le voyériste qui tente de protéger la théorie périmée qui encroûte ce cloaque. Il n’a pas ses moyens dans la dialectique, dans la police ou dans l’argent ; il ne trouve pas ses réponses dans le savoir, dans le monde, dans la biture, dans le crime ; il a peur de perdre, la face, le cul, la tête, le con. Il a le souffle court, l’œil embué, il attrape toutes les armes qu’il trouve. Il ne trouve pas beaucoup d’armes. Donc il est obligé d’en fabriquer. Là où il peut espérer faire mal : dans le faux.

Une des techniques les plus remarquables de cette fabrique du faux est la suivante : le voyérisateur fabrique une citation à son usage qu’il place dans la bouche de son protagoniste. Il invente une phrase de l’autre, l’insère dans son discours, et se met à pérorer sur cette phrase. Il n’oublie pas de mettre soigneusement cette phrase inventée entre guillemets. Il faut que le tiers ne doute pas : cette phrase inventée doit paraître une citation juste. Il faut que le tiers, trompé, pense que la citation inventée est l’œuvre non du voyérisateur, mais de l’autre, le protagoniste du voyérisateur. Ce type de citation est une falsification caractérisée.

Quand le voyérisateur invente cette citation, l’utilise en écrivant, puis en la publiant, on pourrait presque croire qu’il se trompe d’abord lui-même. En effet, la citation en question correspond à ce que le voyérisateur a compris de celui qu’il cite. C’est assez remarquable : le voyérisateur invente et présente comme citation la phrase qui résume et qui décrit ou qui étend ou qui synthétise ce que le voyérisateur a compris ou croit comprendre chez l’autre. Lui-même, qui falsifie alors ce qu’a dit l’autre, est presque sûr que l’autre l’a dit. Puis, probablement, entièrement sûr. Les guillemets confirment l’illusion. C’est donc bien devenu une phrase de l’autre.

Le mécanisme de cette falsification particulière est donc simple. 1. J’ai compris de l’autre ce que j’ai compris. 2. Je synthétise. 3. J’écris la phrase synthétisée. 4. Je l’enserre dans des guillemets. 5. Elle est devenue citation de l’autre. 6. Maintenant, en public, je pose cette citation en l’attribuant à l’autre ; et 7. je l’attaque avec d’autant plus d’à-propos que ce que j’ai dit de l’autre s’y retrouve entièrement et parfaitement. A cela près que je ne dis pas que c’est moi qui pense cela de ce qu’a dit l’autre. Je me suis fabriqué mon adversaire à ma mesure. Je ne réponds pas à ce qu’il dit, lui, mais je lui fais dire ce que je pense qu’il dit, et que je désapprouve, moi. La pensée de l’autre est comprise dans le vase clos de la mienne.

Dans la mise en citation de la pensée de l’autre, il n’y a pas seulement une grossière tromperie. Il y a une prétention de nabot. C’est de penser qu’on a forcément compris l’autre, que sa pensée est identique, que dis-je, littéralement subsumée à notre compréhension. L’inviolabilité de la citation, justement, est l’antidote à cette assurance. Elle est cette qualité de l’écoute qui accorde toujours le respect à la parole. L’une des moindres infirmités des voyéristes est leur très mauvaise qualité d’écoute. Quand ce qu’ils entendent ne leur plaît pas suffisamment, ils le transforment dans leur propre jargon, et prétendent que voilà la vérité. Quelle vanité ! Quel mépris de tout discours !

Je vais prendre trois exemples de voyérisateurs différents ayant usé de ce procédé crapuleux. Le premier est le falsificateur von Nichts. Le second est le falsificateur Weltfaux. Le troisième est le falsificateur Voyer.


1. Dans un message intitulé ‘Ici radio Londres, les Français parlent aux Français’, sur le forum appelé debord of directors, ce von Nichts cite deux fois Voyer et deux fois Adreba Solneman. Voyer a validé les deux citations qui lui sont attribuées, affirmant que son complice, qui l’a cité faux sur la forme, l’avait cité juste sur le fond. Adreba Solneman nie les deux citations qui le concernent sur la forme et sur le fond. Les deux citations falsifiées de von Nichts ne témoignent que d’une seule chose : von Nichts, le falsificateur, ne comprend pas l’objection d’Adreba Solneman à l’encontre de la conception de l’économie de Voyer. Cette objection, en effet, ne porte nulle part sur la réalité de l’économie, comme essaie de le montrer le falsificateur von Nichts à l’aide de ses citations inventées, mais sur la différence entre existence et réalité qui fait qu’il est impossible d’affirmer, comme Voyer l’avait fait en pure esbroufe, intenable depuis, que « l’économie n’existe pas ». Il est remarquable que la démonstration de von Nichts, pourtant clairement démentie dans une réponse immédiate (‘Les progrès d’un falsificateur’) qui dénonçait cette falsification, et qui réexpliquait le point de vue d’Adreba Solneman, sert aujourd’hui d’argument à l’imbécile Voyer qui croit toujours en 2003, alors que tant d’encre a coulé sur cette affaire, ce que croyait faussement von Nichts en 1999. Le torrent de boue informe de ce Voyer, intitulé ‘La peste soit des imbéciles malveillants’, témoigne très clairement que si la falsification du paltoquet von Nichts n’a trompé qu’une seule personne, c’est bien ce Voyer, qui lit si mal ce dont il parle par conséquent si mal.

Il est remarquable que ce procédé se soit développé dans une secte qui traite systématiquement ses adversaires d’imbéciles malveillants mais surtout de « malcomprenants ». Là où ils sont persuadés d’avoir raison sur le fond (avoir raison commence par la compréhension du discours de l’autre), ils s’autorisent toutes les libertés sur la forme, dans la mesure où ils croient ne pas trahir le fond. Quand le gourou Voyer donne raison au falsificateur von Nichts, qui s’appuie sur deux citations de Voyer inexactes sur la forme, il valide le procédé du faux sur la forme. Parce que von Nichts a biencompris Voyer, il a le droit de citer faux. Et si von Nichts a l’autorisation de cette petite liberté pour une ou deux phrases de l’enculé Voyer, pourquoi ne l’aurait-il pas pour une ou deux phrases d’Adreba Solneman ? Parce que von Nichts a biencompris l’enculé Voyer, il aurait biencompris Adreba Solneman. Parce que von Nichts aurait biencompris Adreba Solneman, il aurait le droit de citer faux.


2. Weltfaux disait dans une lettre à Obertopp, entre les célèbres guillemets, la phrase suivante qu’il prête aux téléologues, et qu’il invente : « nous mentons et nous sommes vicieux, malhonnêtes, etc.» C’est une phrase tout à fait typique, à la fois de ce que ce personnage pense des téléologues et de ce qu’il voit dans son miroir : c’est lui qui en usant de ce procédé ment, est vicieux, malhonnête, etc. Quand les téléologues avaient reconnu le fait de mentir, c’était en signalant précisément dans quelles circonstances nous pensons que mentir est souhaitable, et c’était justement par un grand respect de la vérité. Nous avons du mensonge et de la vérité un code suffisamment contraignant pour l’expliciter dans un monde de Weltfaux, où la malhonnêteté est beaucoup plus courante. Cette citation donc est fausse dans la forme et dans le fond. On voit bien l’hypocrisie calomniatrice de son inventeur : si c’était son opinion, pourquoi mettre des guillemets ? Uniquement pour tromper les tiers.


3. Voyer cite Debord : « Le spectacle est la société.. » Debord n’a jamais dit cela nulle part. Voyer est seulement archi-convaincu que Debord le pensait. Et, justement, il n’est pas d’accord avec cette idée. Il l’installe donc tranquillement entre guillemets, avec des petits points qui font plus vrai que vrai, et c’est là-dessus qu’il critique Debord. C’est de la falsification toute crue, de la mise en scène de menteur, de manipulateur, et d’impuissant. Il met en point de mire ce contre quoi il est, mais dans la bouche de l’autre, et il le tire. Voyer ne cherche pas à comprendre, il cherche seulement à faire de l’effet. Et on peut effectivement affirmer aujourd’hui, en regardant ce ver de terre s’enrouler dans ses excréments, que non seulement il a beaucoup trompé le public, mais il a peu compris.

 

Posté par l'OT sur le forum Debord(el) « on: 24.07.03 at 19:42:52 »
 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

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