l e  l a s e r  a z u r é  

 

 

 
         
         

 

    S

                2008

             
             
             
             
             
      Note   07      
     

Sophie 2008

     
             
             
             
             
             
             
             
      RE: Du miel

De : cm midtown (...)
Envoyé :
ven. 20/06/08 10:17
À :
Sophie W. (s...)
 

     
             
             
     

Je risque tes sourcils froncés : tout, en la Sophie 2008 me plaît. Même les sourcils froncés. Comment moi, qui ai construit ma vie sur le négatif, et qui ai poussé le négatif très loin, opération en cours, puis-je soudain proférer une pareille positivité sans nuance ? Je sais bien pourtant que la rédemption par la négation de la négation passe par la négation simple ; mais je ne dégage ici rien qui vienne alimenter ce schéma de la dialectique. J'ai utilisé les termes variés d'état de grâce, de nuage, et même celui qui ne me suffit pas, de bonheur, et tout cela, la Sophie 2008 me le donne. Ah, si, elle a un défaut : elle me rend dithyrambique, elle me fait perdre les marques de ce discours sur elle que je traçais depuis 1973, elle ne déroute pas seulement mon sens, pas si bon, mais mes sens, pas si bons. Bien sûr, voici le négatif de la Sophie 2008 (auquel je trouve même un plaisir ineffable, qu'elle ne renie pas, d'appliquer le possessif auquel j'ai toujours été réfractaire, ma Sophie, dont je découvre seulement qu'il dote aussi le récipiendaire d'exclusivité) : elle me pose une multiplicité de questions, dont je n'ai pas démêlé la première qui est : comment la convaincre à m'aider à démêler toutes les autres ?

Ton message ci-dessous que je relis et relis est une véritable crème. Je n'ai jamais connu que toi, capable d'un élan aussi délicat et aussi porté, de cet équilibre si juste de réflexion et de spontanéité, d'un tel élan de douceur. Je ne peux m'empêcher d'entrouvrir la boite à regrets et, mi-honteux, mi-sévère, me gifler d'avoir laissé passer jadis un tel délice, une telle générosité. Je me console seulement en me disant que le détour a été nécessaire pour que je puisse commencer à approcher la merveilleuse personne que je découvre aujourd'hui ; et je ne vois pas comment, une fois de plus, je pourrais m'empêcher de te remercier, non seulement d'être ce que tu es, mais de la délicate élégance, mêlée à ces magnifiques allants enfantins, de m'en apporter le témoignage. Comment ne pas être transporté, bien plus loin qu'en long courrier, quand je lis que quelqu'un comme toi à plaisir à m'écrire ? Et même, peut-être, à me lire.

Sophie 2008 est différente aussi de celle que j'ai connue. Il y a en toi une barre dure et droite qui n'existait pas lors de tumultes des décennies précédentes, et je l'apprécie beaucoup. Je sais que je peux m'appuyer sur cette colonne vertébrale noire de ton être qui te donne une fermeté et qui structure ta loyauté. J'y vois une matérialisation de ton pessimisme nécessaire, mais j'y vois aussi la dureté de la vie que tu as menée, et où tu as puisé une raison d'être fière, fière de toi, que tu n'avais pas autrefois. Aujourd'hui je chéris cette ligne intransigeante de ton courage, de ton cœur, qui chez d'autres se traduit en rides, et qui chez la plupart d'entre les cochons middleclass que nous sommes fond au contraire avec le temps.

J'aime aussi ta beauté physique, Sophie. Tu n'as plus vingt ans, c'est vrai, mais je goûte si complètement chaque infime parcelle de ton corps que je le préfère sans même de comparaison possible à aucun autre corps existant, quel que soit son âge, même celui qui est le mieux adapté au canon culturel de la beauté qu'on nous instille, et qui est incrusté en nous de manière si facile. Je vois d'autres beau corps, mais le tien les surpasse de très loin, comme l'affirme mon désir. Quant à la joliesse de ton visage, ce qui me rend triste à chacune de nos rencontres, c'est que je me sens dans l'obligation de renoncer à la foison du descriptif même minimum, tant la variété des compositions me submerge. Tu t'es enrichie, non pas de ce génie que je continue à te reconnaître, mais de ta vie, de tes rencontres, de tes enfants, de tes hommes. Et ton visage, et ton corps, me racontent cette belle femme énergique et fragile, sincère et insaisissable, rude et douce que tu es devenue et que je chéris de tout mon être.

Je voudrais encore ajouter cette observation, qui est très importante pour moi – et qui le sera peut-être pour toi. Je te découvre toujours en arrondis, certains extrêmement travaillés par ton art de plaire, certains faciles et soudains, mais toujours avec ce grand art dont tu n'as, alors, pas même besoin d'avoir conscience, tellement il est profondément gravé dans ton talent. Mais ce que je n'avais pas vu autrefois, et je crois pourtant que ça y était déjà, ce sont les brusqueries de ton être, ce sont les ruptures de ton, que tu ne maîtrises pas toujours, ce sont les puissantes rebellions de ta nature généreuse contre ton goût du tact, qui est aussi puissant et qui émane aussi de ta nature généreuse. De découvrir cette disruptivité est important pour moi, parce que le mouvement sans cesse fluide, sans cesse en courbes vertigineuses que tu me donnais autrefois, je crois que c'est ce qui m'écœurait et qui m'empêchait, physiquement, de te supporter. Or, les contradictions de tes mouvements intérieurs, parfois toujours dans ces grands élans majestueux et fins, et d'autre fois dans des colères et des détresses, dans des froidures et des cassures, où parfois même tu te perds toi-même pour te retrouver égarée et désemparée, rarement alors avec du soutien, se tempèrent mutuellement, et te donnent une sociabilité, en tout cas pour moi, que je ne pouvais te reconnaître en 1982.

Révérence.

     
             
             
             
             
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