Un nouvel emprunt russe

 

 

Le plaidoyer « minute » de l'enculé Voyer pour justifier sa falsification indiscutable de sa correspondance avec Adreba Solneman vient de passer les quatre-vingt-dix jours de raturages publics quasi quotidiens. Karamazov ! La « minute » nécessaire de ce falsificateur empêtré dure déjà depuis cent vingt neuf mille six cents minutes. Kalinka maia ! Entamée avec une promesse de leçon éclatante, cette campagne de Russie erre dans la toundra, geint dans la taïga, à des milliers et des milliers de verstes de la moindre datcha !

La noble activité d'intellectuel raté que pratique le prince russe du voyérisme pénible s'appelle le prouteflitch. Un prouteflitch, qui est l'unité de base de ce grand œuvre, est soit un sophisme (grosse cargaison depuis début juin, ça panique), soit une invention-minute (parfois publique pendant seulement vingt-quatre heures, soit à peine mille quatre cent quarante minutes, mais publique quand même, il en restera bien quelque chose), soit un mensonge, soit une calomnie, soit, le plus souvent, une connerie d'autiste qui fait le fion*, toujours un pet liquide censé estourbir comme un coup de knout les moujiks les moins crédules au moins jusqu'à la prochaine révolution, celle qui abolira enfin l'existence de l'économie et qui nous sortira enfin de la préhistoire en résolvant enfin la contradiction entre communication directe et communication infinie. Le prouteflitch en date du 4 juin 2003 va étonner le monde, et profond et durable : « Ce l'est d'autant plus qu'à l'époque où von Nichts publia son recueil (mars 1992), il ne connaissait pas encore Voyer, et que, par la faute de ces imbéciles, il ne connaissait pas non plus l'existence de la seconde lettre de Solneman. »

Tarass Boulba ! Vladimir Putain ! Nicolas Gogol ! L'honneur de la profession des éditeurs, l'enculé von Nichts, ne connaissait même pas l'enculé Voyer quand il l'a publié ! A première vue c'est là une terrible accusation : l'honneur de la profession des éditeurs serait le premier éditeur à ne pas connaître un auteur qu'il publie. Merdov ! Il a édité opif ! L'honneur de la profession, c'est de faire n'importe quoi, d'ignorer ce qu'on publie, de ne pas connaître. Foutrov !

Ça veut dire quoi que les deux enculés ne se connaissaient même pas, à seconde vue, en jouant sur l'extension maximale du mot « connaître » ? Ça veut dire que l'enculé Voyer n'est pas responsable de l'édition de von Nichts, puisqu'il n'était pas au courant, aussi cocu que Nicolas II, quand von Nichts lui a fait cet enfant dans le dos : innocent parce qu'ignorant, Voyer. Et ça veut dire aussi que l'enculé von Nichts n'est pas responsable d'avoir publié une correspondance archi-tronquée, comme la commune de Cronstadt après que Trotsky s'y est intéressé pratiquement, parce qu'il ne pouvait même pas savoir que la correspondance ne s'est pas arrêtée à la réponse infatuée et creuse de l'enculé Voyer, mais qu'elle avait continué, là où elle avait commencé, c'est-à-dire en privé : innocent parce qu'ignorant, von Nichts. Résumé du scénario de la dernière minute : il y a une grosse falsification de l'échange entre Adreba Solneman et Voyer, la babouchka d'éditeur ne connaissait ni l'auteur ni la suite quand il a publié, et le staretz moisi d'auteur, qui savait qu'il y a une suite et qui pouvait mettre en garde la babouchka, n'était pas au courant de l'excellent bortch qu'elle mitonnait pour les gogos futurs voyéristes. Personne n'est responsable. Et, si personne n'est responsable, bien sûr, il ne peut pas y avoir falsification, n'est-ce pas ? Bolchoï !

Le seul problème c'est que, le 1er juin 1998, alors qu'Ivan Piotr Reyov était sur la route des vacances dans quelque Lada cabriolet ou Zil coupé sans téléphone portable, l'honneur de la profession des éditeurs, le falsificateur von Nitchevo affirmait : « Tous mes ouvrages sont faits avec l'accord et la supervision de M. Voyer. » « Tous » ses ouvrages ! Regardons dans le dictionarov : tout au pluriel suivi d'un déterminant exprime l'ensemble, la totalité sans distinction. Donc le premier ouvrage aussi. Mais, petite mère, comment est-ce possible ? Si l'enculé Voyer supervise tous les ouvrages publiés par l'enculé von Nichts, donc celui-là aussi, comment l'enculé Voyer peut-il affirmer qu'il ne connaissait pas l'enculé von Nichts ? Petit Père, ne fais pas le naïf : c'est que l'un des deux enculés ment ! C'est que chacun des deux tient le même discours digne d'un prince désintéressé lorsque l'émeute arrive à sa porte ou d'un responsable local du parti pris la main dans le sac : c'est pas moi, tovarich, c'est lui. Moi j'y suis pour rien, j'obéis aux ordres moi, je fais ce qu'on me dit. J'ignorais tout, comprenez-vous ? Je tchétchénie formellement toute responsabilité sur toute crapulerie passée, présente et à venir ! Par définition ! Regardez dans saint Dictionnaire, tout y est ! Prouteflitch !

Je trouve que ça valait le coup d'attendre plus de cent vingt neuf mille six cents minutes et plein plein plein d'inventions, de nouvelles thèses, de nouvelles tentatives pour faire évoluer une justification impossible, une panique ta mère, pour arriver à ce que cette « plaidoirie-minute » mette à jour un mensonge, un vrai mensonge, un fait prétendu de deux manières incompatibles. Lequel des deux enculés a menti sur ce point-là ? Mais tout le monde s'en foutchki, puisque, depuis, ils sont tombés d'accord pour falsifier tous les deux, ensemble, aussi d'accord que le comité central au moment du vote. Quel que soit le menteur, l'autre s'est rallié au mensonge et l'a endossé, au plus tard en 1998, quand cette saloperie a été découverte pour ce qu'elle est. Von Nitchevo, l'éditeur, ne savait pas, maintenant il sait. Qu'est-ce qu'il fait : il endosse la tunique du falsificateur Lebovitchy. Reyov, l'auteur, ne savait pas qu'il était publié par le falsificateur von Nitchevo, maintenant il sait. Qu'est-ce qu'il fait : il affirme que rien ne s'est passé, dans le monde, dans l'Imbécile, dans Paris et pourquoi pas, tant qu'on y est, sur le Debordov. Et quand une falsification est approuvée par un éditeur et son auteur, c'est l'auteur qui est responsable. Panimayeche ? Si l'auteur n'est pas d'accord avec l'exécutant, il rompt publiquement, gavaritié-li voui pafranzouski ? Sinon, c'est lui le chef, c'est lui qui endosse. L'autre, le von Nitchevo, c'est juste le militant de base, le gardien de goulag, le grouillot de l'agitsale, le suce-pet du prouteflitch.

Le bocal à prouteflitchs est un spectacle que je recommande. D'abord, l'intellectuel raté avait fait dans le pet remptoire, le pet sifflant et rasant ; puis, ayant pris deux ou trois coups de pied téléologues au cul (ce qui était privé est resté privé blablabla…), il avait affiché un malaise intestinal continu et acharné, qui s'exprimait par des petits pets secs et peureux. Maintenant, enfermé dans son travail, petit et borné, il s'est rassuré, péniblement, voyérisant par-là, pas de réponse téléo, voyérisant par-ci, toujours pas de réponse téléo. Kharacho ! Il commence à croire derrière ses œillères d'arriviste de la plume dans le cul, mesquin, rabougri, besogneux, stupide et content de lui, qu'il n'y a pas d'extérieur au bocal, que la postérité entrera dans ses minables combines de falsificateur pathologique, dans ses arguties trafiquées, dans ses poses d'acteur de seconde zone sur le retour.

Mais plusieurs choses ont changé, depuis la nuit des temps, en mars 1992 (soviet : demandez toujours à un falsificateur et menteur avéré de prouver une date dont il veut faire un argument, surtout celle-là, qui a déjà bougé dans le catalogue de l'éditeur qui cite faux et qui truque : con Nichts) : Papy Vovo a beaucoup manipulé et triché, et sa malhonnêteté s'est voyée ; c'est sur le fond, droit comme un i, qu'Adreba Solneman était venu vers Voyer, mais papy Vovo pendouillait déjà en bas de fil comme un vieux yoyo, et son usure définitive s'est voyée : c'est parce qu'il a toujours été incapable de répondre sur le fond, que les téléologues ont poussé bien plus loin qu'Adreba Solneman, que Papy Vovo s'est mis à tricher, à falsifier, à se faire ramoner de fond en comble, et cette impuissance s'est voyée ; comme il n'a ni la force, ni l'intelligence, ni le courage ni l'honnêteté nécessaire pour défendre sa propre théorie de jeunesse définitivement dépassée, Papy Vovo tente maintenant de faire de sa falsification sur le fond et sur la forme une procédure, une pure question de forme, façon cabinet d'avocat new-yorkais, qui espère se racheter une innocence en faisant oublier de quoi il s'agissait, et cette malhonnêteté continue s'est voyée ; et le mépris et le rire ont changé de camp. Si les téléologues au début se défendaient contre une falsification, sérieux comme des papes, c'est aujourd'hui Papy Vovo qui court après le dernier wagon téléo, sérieux comme un pope, pour tenter de paraître, pour se justifier, et ça, c'est Voyer. Papy Vovo pensait pouvoir feindre que rien ne s'était passé et aujourd'hui il est devenu un stakhanoviste de l'intestin et ça c'est envoyé ; et les téléologues s'amusent, quand ils ont le temps, du laborieux combat d'arrière-garde de ce merdeux qui fait, au quotidien, la preuve de sa petitesse en live et de l'autosuggestion de son kipetrovitchi : le prouteflitch qui monte à la tête ne serait pas niet, niet, niet, le vulgaire pet liquide d'un vieil enculé impuissant, Bérézina ! mais le suave et subtil parfum d'un grand écrivain qui travaille, dadada. Na Zdarovje !

 

PS : Toto, j'ai toujours pas entendu tes réserves par rapport à l'enculé Voyer. Si t'en n'as pas, faut le dire, n'aie pas peur, t'es pas comme Franck Einstein, toi. Qui pourrait t'en vouloir d'être dévote ? Pas Chirac, pas Le Pen, pas Jospin, pas Besancenot, qui y ont tous appelé, juste avant que tu leur donnes ton petit bulletin.

 

* Je note qu'entre le 1er et le 3 juin 2003 la phrase « Le dictionnaire est l'arme absolue contre les falsificateurs et les calomniateurs » a été supprimée du texte 'La peste soit des imbéciles malveillants' ; on ne sait si l'écrit-vieux Voyer (imaginez-le en bonnet de flanelle ; un mélange édenté et pissouillard de Léautaud terminal et du Céline de Meudon ; avec blattes et ouistitis en guise de chiens et de chats ; aux murs, une jolie collection sous verre de becs de théière et de poils de hoplites) a mis là son coup de polissoir quotidien parce que s'est soudain imposée à sa conscience la bêtise grandiloquente d'une pareille proposition, ou si c'est parce que le mot même de falsificateur est finalement un peu trop délicat à manier, quand on est lui.

 

(Texte de 2003.)

 


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