Le 13 mai 1990, dix-huitième anniversaire du mai malgache qui avait vu la chute du président Tsiranana, un commando de soldats mutins s'empare de la radio nationale et lance un appel au renversement du président Ratsiraka, ex-putchiste ex-stalinien converti au libéralisme. Lorsque des soldats loyalistes arrivent pour reprendre le bâtiment aux rebelles, une foule de 7 000 à 8 000 personnes, en partie venue assister à une course cycliste ce dimanche matin, en partie pour soutenir le renversement du dictateur détesté, se trouve chargée par les forces de l'ordre à coups de lacrymogènes. « Vers onze heures, l'ordre était apparemment rétabli mais des bandes de pillards s'en sont pris aux bâtiments administratifs, aux voitures et aux vitrines des magasins. »
On saluera 'le Monde' pour cette brillante façon d'informer, typique de notre temps, qui commence par dire que l'ordre est rétabli, avant de décrire l'émeute qui s'ensuit, qui dément par elle-même immédiatement ce rétablissement d'ordre. Le même journaliste, Eric Fottorino, ment au premier degré lorsqu'il affirme, dans le même article, que c'est la première émeute depuis 1987 à Madagascar, puisqu'on pouvait lire dans son propre journal, le 21 avril 1989, onze mois plus tôt : « Trois personnes ont été tuées et une soixantaine d'autres blessées lors d'une violente manifestation, mercredi 19 avril en fin d'après-midi dans la capitale malgache, à l'issue d'une réunion publique de l'opposition, selon un bilan provisoire des autorités publié jeudi. [Le bilan final reconnaîtra 6 morts.] (...) Les manifestants, quelques centaines de personnes, ont pillé des magasins et saccagé des véhicules, après un meeting de l'Alliance démocratique, groupement politique de l'opposition au président Didier Ratsiraka. »
L'émeute du 19 avril 1989 découlant de la responsabilité
de l'opposition, démocratique, pro-information occidentale, ne peut
pas être mise dans le même sac que celle du 13 mai 1990,
où cette même opposition n'a pas pris part : il vaut mieux
ne pas compter comme émeute la première, parce que la gentille
opposition ne peut pas être présentée comme émeutière,
n'est-ce pas ? On aura de cette manière si partiale d'informer un
échantillon encore plus clair par le bilan final du nombre de morts,
qui s'élève à 6 comme l'année d'avant,
et qui est avancé par Ratsiraka lui-même, alors que tous les
bilans journalistiques précédents restaient inférieurs,
celui-là étant concédé avec une extrême
mauvaise grâce.
(Texte de 1998.)
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