à Jean-Marc Mandosio
c/o Editions de l'Encyclopédie des nuisances
80, rue de Ménilmontant, 75020 Paris
Paris, le 20 octobre 2000
On vient d'attirer mon attention, par l'Internet, sur le passage suivant signé de vous :
On pouvait déjà lire dans une revue dont Tiqqun est, par certains aspects, l'héritière – la Bibliothèque des émeutes – qu'il fallait "achever l'humanité", au prétexte que "tout a une fin" ; c'est ce qu'ils appelaient la "téléologie". La prolifération des émeutes dans tous les lieux du globe apparaissait à ces téléologues comme le signal possible d'un "assaut contre la société" ; mais en réalité, l'émeute, qui n'est le plus souvent qu'un défoulement sans véritable finalité, très limité dans l'espace et dans le temps, exerce de nos jours une fonction régulatrice, à la manière d'une soupape. C'est pourquoi les "poussées de fièvre" locales font désormais partie du décor, au même titre que les accidents de la route, les suicides et les viols (la pratique de ces derniers était d'ailleurs encouragée par la Bibliothèque des émeutes).
[Jean-Marc Mandosio, Après l'effondrement, Notes sur l'utopie néotechnologique, Éditions de l'Encyclopédie des Nuisances, octobre 2000, p. 209]
Vous voudrez bien noter :
Que si vous pensez que Tiqqun est l'héritière, même par certains aspects, de la Bibliothèque des Emeutes, vous avez probablement aussi mal lu l'une que l'autre ; ou alors c'est que vous pensez que l'ex-Bibliothèque des Emeutes a acquis la parenté posthume sur tout ce qui jargonne en postsitu.
Que personne dans la Bibliothèque des Emeutes, dont j'ai fait partie, n'a jamais pensé qu'il fallait achever l'humanité « au prétexte » que tout a une fin ; c'est au contraire parce que les humains peuvent achever l'humanité pour l'accomplir, ce qui est leur seul projet connu, que tout a une fin.
Que « la prolifération des émeutes dans tous les lieux du globe » (hélas, trois fois hélas, s'il s'était agi de tous les lieux du globe, vous ne seriez pas en train d'en pérorer tranquillement) ne nous est jamais apparue comme le « signal possible » d'un assaut contre la société, puisqu'elle a justement constitué cet assaut contre la société, comme il est facile de le vérifier à travers notre ouvrage justement intitulé 'Un assaut contre la société', qui vient de paraître, justement.
Que par ailleurs aucun assaut contre la société n'a jamais commencé et continué sans émeutes ; que les émeutes sont en effet des « soupapes » mais quand on les considère après leur moment historique, une fois la paix sociale revenue, et du point de vue des défenseurs de l'Etat ; et que si ces poussées de fièvre locales font désormais partie de votre décor, gardez-vous bien de faire partie du leur.
Que de prétendre que la Bibliothèque des Emeutes aurait encouragé aux viols est une calomnie, qui confirme votre qualité de lecture.
Je ne doute pas qu'à votre prochain effondrement vous aurez rectifié les assez nombreuses sottises que vous avez réussi à accumuler en quinze lignes en parlant de ce que vous ignorez. A en juger par la citation qui nous concernait (que j'avais également découverte par l'Internet) dans un autre ouvrage signé de vous, vous avez l'air d'une honnête petite toupie.
Pour Belles Emotions,
Chrétien Franque
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