Correspondance avec le GCI


 

b) GCI à la Bibliothèque des Emeutes


 

Février 92

Camarades,

Nous avons bien reçu et lu votre "Bibliothèque des Emeutes", Bulletin n°3. Nous en faisons une brève et bien tardive critique maintenant et vous envoyons notre dernier-né: Communisme 35.

Nous avons apprécié ce travail de recherche et d'analyse surtout celui sur les insurrections en Irak; il rejoint tout à fait ce que nous savons de ces luttes prolétariennes dans cette région. Notre presse en fait écho: "Communisme" 33 et 34 pour nos revues en français.

Un point cependant vous déforce, c'est votre soumission partielle à la presse bourgeoise que vous semblez pourtant haïr, à juste titre. En effet vos sources sont tirées de cette presse et vous vous y référez comme si ces sources ("objectives") étaient un gage de véracité. Ainsi vous vous fourvoyez complètement quant à l'évaluation des pertes humaines dans les luttes prolétariennes en Roumanie. Le total des victimes n'a pas été de mille, mais environ 20.000. Cf pour plus de renseignements "Communisme" 31, page 61. A Timisoara et à Bucarest principalement, le carnage a été à la mesure de la peur de la bourgeoisie. Les chars écrasant les manifestants et tirant dans les foules amassées, des journées sans fin de répression ne peuvent pas faire que mille morts. Nous savons cela moins par la presse bourgeoise que par différents voyages effectués par des militants sur place. En outre l'utilisation des médias dans le coup du "charnier" de Timisoara a été géniale. Le sensationalisme au service de la banalisation des massacres et de l'occultation de la réalité des luttes!

L'exemple roumain se vérifiera mainte fois dans l'histoire de notre classe en lutte contre l'exploitation. La leçon à tirer c'est que de toutes façons on ne peut faire confiance dans la presse bourgeoise; à défaut d'autre chose, on peut s'en servir et encore, avec des pincettes, en lisant entre les lignes, en la décodant! Un autre aspect central, c'est que le nombre de morts lors de mouvements insurrectionnels ne mesure pas nécessairement l'ampleur de ceux-ci. Vous semblez accorder une importance disproportionnée à l'évaluation des victimes lors de ces mouvements et c'est la base de votre paragraphe "OCCULTATION" (p. 22, 23). Il est certain que c'est aussi une indication mais bien plus profitable pour nous est d'évaluer l'importance des ruptures de classe vis-à-vis du nationalisme, par exemple, les capacités du mouvement de désertion à s'organiser et devenir une affirmation claire du défaitisme révolutionnaire,... le niveau d'organisation du mouvement en dehors et contre toutes les structures de l'Etat.

En outre, la répression ne s'arrête jamais au cannonage massif mais se perpétue longtemps après, avec la chasse aux meneurs et parfois à l'élimination de tous ceux qui ont vécu ces moments: cf. l'exemple de la Russie.

Autre point: quand vous dites que "Les causes directes de la révolte sont inconnues"... "C'est visiblement la liberté qui est le premier objet de la révolte. S'y ajoute ... l'honneur..." (p. 24). Là, nous ne sommes pas d'accord.

Les insurrections en Irak surviennent en période de guerre, de même que la guerre Iran-Irak avait été arrêtée par des désertions massives, du côté iranien principalement, et des luttes du côté irakien, déjà confisquées par les nationalistes kurdes. Pour nous la révolution suit un développement conjoint à celui de la contre-révolution, l'un et l'autre se conditionnant, se renforçant, s'entre-croisant. Les causes ne sont donc pas comme vous les pressentez (p. 24), la "liberté" (même si toutes les luttes prolétariennes du monde se caractérisent par la libération de nos frères emprisonnés) ou "l'honneur" perdu des "Irakiens". Non la cause de toute révolution c'est la misère grandissante jusqu'à devenir insupportable, ce sont les privations, les sacrifices pour une guerre étrangère à nos intérêts, etc.

Nous rejoignons totalement votre analyse globale des médias, supports des différentes constellations bourgeoises mais aussi tendant à s'autonomiser et devenir un support essentiel de l'Etat mondial toutes tendances confondues. La répression c'est aussi comme vous l'écrivez (p. 32) le pouvoir des médias sur le prolétariat du reste du monde. L'orchestration du spectacle kurde a bien fonctionné "chez nous" et le prolétaire occidental retourne au travail conforté dans sa certitude que "quand même c'est mieux ici que là-bas".

Votre analyse des différentes composantes de l'Etat mondial dans cette région et leurs pratiques de même nature anti-prolétarienne rejoint notre conception de l'Etat. Vous parlez cependant de révolution "iranienne" ou "irakienne" ce qui crée une confusion. Nous préférons faire la distinction de classe et parler de révolution en Irak ou en Iran, qui ne sont que le lieu où se passe celle-ci et non pas le but de celle-ci, comme les récupérateurs, dénaturateurs nationalistes veulent nous faire croire. Ceci dit le ton général de votre texte ne reflète pas cette gangrène nationaliste et la condamne au contraire. Cf votre analyse (p. 31) fondamentalement juste de la pratique puante des nationalistes Kurdes: "... les nationalistes guérilleux soutiennent le monde marchand, prétendent à l'unité d'un peuple kurde, qui aurait le droit des peuples à disposer de lui-même, c'est à dire quils auraient, eux, le droit de disposer de ce peuple kurde au moyen d'un Etat."

Le fait que nous sommes sur les mêmes positions anti-nationalistes est très important et n'est pas à banaliser. Il est urgent de centraliser toutes les pratiques anti-nationalistes de notre classe. L'échange de documents, d'analyses, de critiques doit se continuer dans une pratique militante commune. Ceci pour plus d'efficacité. C'est dans ce sens que nous vous contactons, chaque énergie militante disséminée, non centralisée représentant une force de la contrerévolution. La centralisation en période de lutte est de même nature. Vous le faîtes bien remarquer (p. 29) dans les luttes en Irak: "La répression a pris soin d'empêcher les communications entre insurgés, et entre insurgés et monde extérieur."

Il y a d'autres questions qui nous viennent par rapport à la BE: quelle finalité organisative l'équipe de la BE donne-t-elle à son activité?; vision des "pauvres" en soi; vision des révoltes "en soi"; caractérisation d'une insurrection; etc. Mais nous laissons ces questions pour une prochaine fois. Nous espérons que vous répondrez à cette lettre autant pour clarifier les points de désaccords que pour fortifier les points d'accords. Dans ce sens pouvez-vous critiquer nos revues? C'est important que l'arme de la critique fonctionne à plein !

C'est donc à votre investissement militant que nous en appelons pour aller plus loin. Nous ne nous renforcerons mutuellement que dans une communauté de lutte, dont l'échange d'informations et d'analyses est un moment mais qui doit trouver un pas qualitatif dans l'organisation en force du prolétariat pour le communisme. C'est clair:


 
 

EMEUTIERS DE TOUS LES PAYS, UNISSONS-NOUS !!

VIVE L'ORGANISATION EN FORCE DU PROLETARIAT !!


 
 
 

Le GCI.


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