B) Guerres d'Etat


 

5) Guerres d'Afrique australe

d) "Ligne de front"

L'Etat portugais colonisateur passait pour largement favorable à l'apartheid. Mais ne suçant du Mozambique et de l'Angola que le jus, et encore pas en entier, il devint économique de le chasser pour exploiter aussi les pépins, la membrane et la peau, et sortir ces contrées d'un assoupissement indigne de ce qu'était devenu l'esprit objectif, quitte à commencer par en faire une bouillie. Devenues "démocraties populaires", ces anciennes colonies changèrent de camp sur les "échiquiers" politico-géostratégiques : avant-postes d'extrême-droite de l'apartheid, ils devinrent les ailes d'extrême-gauche de la "ligne de front".

Les principaux animateurs de cette pompeuse ligue d'Etats opposés au "pouvoir blanc", Kaunda le Zambien et Nyerere le Tanzanien, ont couvert le reste de leurs carrières par ce militantisme fort applaudi. Aussi furent-ils fort satisfaits de laisser croire que la fin du colonialisme portugais était une victoire de leur persévérance, mais fort inquiets de ces nouvelles recrues inattendues, concurrentes sur leur créneau. La Tanzanie, par exemple, n'avait soudain plus de frontière commune avec un Etat gouverné par des "blancs" ; elle n'en demeura pas moins dans la "ligne de front". Ces deux autocrates, qui depuis l'indépendance ont transformé leurs Etats respectifs en asiles de guérillas et de conférences, activités dont le spectacle interdit toutes autres préoccupations à leurs administrés, avaient le plus grand intérêt à ce que les guerres ne cessent pas dans les anciennes colonies portugaises. Leur trouble aux offensives et contre-offensives de Lourenço Marques et Luanda, qui ne les menaçaient pas qu'en leur volant la vedette, se manifesta par un imperceptible ballet diplomatique, rejoignant en 1975 le goût de la négociation spectaculaire du ministre américain Kissinger. Cette série de conférences et de tournées, baptisée "détente", fut tout sauf une détente pour les chefs guerilleros, soudain harcelés, arrêtés, parfois assassinés par ces Etats protecteurs. Mais la "détente" ne dura pas. Avant Soweto déjà, depuis l'institutionnalisation de la guerre d'Etat en Angola, le changement de président aux Etats-Unis, et l'attitude respectueuse de Machel à leur égard, même après l'anéantissement des gueux du Mozambique, Kaunda et Nyerere avaient compris que la guerre par guérillas interposées, continuerait d'être le meilleur garant de leur autorité, à condition, toutefois, qu'ils radicalisent suffisamment leur rhétorique socialeuse.

Enfin voici l'illustration de la réussite du faux problème d'Afrique australe. Le 11 septembre 1978 eut lieu à Gaborone, capitale du Botswana, la seule émeute conservatrice de notre époque. Le Botswana est un énorme no man's land, quasi désertique, entre Rhodésie, Afrique du Sud et Namibie. La population de sa capitale ne dépasse pas 20 000 habitants. C'est donc une émeute étudiante certifiée qui exigea de relâcher un soldat qui, dans un poste de police, venait de tuer trois touristes, un Britannique et deux Sud-africains. Ce n'est malheureusement pas leur assassinat en tant que touristes, mais en raison de leur nationalité et de la couleur de leur peau, que soutenaient ces manifestants. Quelque injure qu'aient commis ces trois individus, aucun révolté moderne n'aurait agréé une vengeance en uniforme et dans une prison d'Etat. Le caractère extrêmement rétrograde de ce soutien à une exaction des forces de l'ordre est souligné caricaturalement par le soutien du syndicat du Botswana aux étudiants, suivi, le 13 novembre, de l'acquittement de l'accusé. Quelle victoire des metteurs en scène d'Afrique australe sur le temps, lorsque la rue soutient l'arbitraire de l'Etat, le nationalisme et le racisme !


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