Posted by on October 31, 2000 at 06:00:34 PM EST:
In Reply to: « Tout finir », dites-vous. posted by on October 31, 2000 at 05:44:49 AM EST:
Puisque vous êtes d'accord avec le fait que tout a une fin, y compris donc l'humanité, je pense que vous serez également d'accord avec le fait qu'il y a donc deux fins de l'humanité possibles : une qui serait subie, l'autre qui serait maîtrisée. On peut tout à fait symboliser ces deux possibilités par ces deux termes, que vous utilisez : la fin subie est une forme d'« apocalypse », la fin maîtrisée est un « accomplissement ». Notre but, celui de la téléologie moderne, est celui d'une fin maîtrisée, ne serait-ce que pour éviter une apocalypse. Par parenthèse, nous pensons que les infinitistes, qui refusent d'envisager l'humanité en entier, fin comprise, sont les véritables partisans de l'apocalypse.
Vous remarquerez que nous n'avons jamais nié que la fin de l'humanité est la mort de tous les petits êtres humains, ce qui serait d'ailleurs assez hypocrite, politically correct. Si la mort est tenue en telle horreur, c'est parce qu'on meurt non accompli, avant d'avoir pu s'accomplir soi-même, avant d'avoir pu accomplir la part d'humanité qu'il y a en nous, ce qui est logique tant que l'humanité n'est pas elle-même accomplie. Vous remarquerez par conséquent que le « jeu le plus excitant » n'est pas la mort, mais l'accomplissement qui se termine par la mort. La mort n'a pas grand intérêt ; c'est finir, y compris ce qui finit par la mort, qui est intéressant.
Vous comprenez donc pourquoi réduire la téléologie moderne à une sorte de plan d'extermination de l'espèce humaine est une des premières et plus grandes calomnies que nous ayons rencontrées. Une autre, qui en est le corollaire, est que nous prétendrions être les propriétaires, probablement exclusifs et sanguinaires, d'un projet aussi absurde. Nous ne sommes pas contre quelque grand massacre par principe, mais nous sommes contre parce que ce serait le contraire de notre projet : tout finir tel que nous y engageons, c'est réaliser le contenu de toute chose, et le grand massacre c'est, à l'évidence, finir avant d'avoir réalisé le contenu de toute chose. De même, si vous voulez une analogie, on peut avoir fini un livre sans l'avoir lu, et on peut avoir lu un livre sans l'avoir compris. Notre projet de finir l'humanité consiste à lire et à comprendre le livre. Là aussi, la fin du livre n'est pas en elle-même intéressante, sauf en ce qu'elle coïncide avec la compréhension, la maîtrise de l'ensemble et de ses parties. Le mot « fin » est équivalent, dans cette analogie, à la mort, pour l'humanité, et n'a que très peu d'importance en soi. Notez cependant que la différence entre l'humanité et un livre, c'est que dans un livre le contenu ne dépend pas du lecteur, alors que dans le cas de l'humanité le contenu et sa richesse dépendent de l'ensemble de l'humanité. Notre désir de finir l'humanité est d'abord un projet positif : ici et maintenant, l'humanité n'est pas réalisée, réalisons l'humanité. Notre désir de finir l'humanité est donc immédiatement un projet négatif : ici et maintenant, la famille, l'Etat, la marchandise, la religion sont des obstacles à réaliser l'humanité, à bas la famille, à bas l'Etat, à bas la marchandise, à bas la religion.