Posted by on October 08, 2000 at 01:30:20 PM EDT:
In Reply to: A propos des réponses à PROGRES DE LA FALSIFICATION posted by observatoire de téléologie on October 08, 2000 at 12:50:04 PM EDT:
b) Adreba Solneman à Jean-Pierre Voyer, le 23 juin 1991 QUESTIONS A JEAN-PIERRE VOYER Admettons que la communication soit le principe du monde. Admettons que la communication empêche la communication. Je comprends cette tautologie provocatrice comme ce qui suit : la communication généralisée empêche la communication particulière (au sens où la communication généralisée empêche le particulier de communiquer avec le monde). La communication du genre humain interdit la communication directe des individus humains. Qu'est-ce qui distingue cette communication généralisée de l'aliénation ? Pourquoi alors l'appeler communication quand il s'agit de l'aliénation ? S'il existe aujourd'hui une aliénation de la communication, existe-t-il une communication non aliénée ? La communication « directe » est-elle un voeu ou une pratique vérifiée ? Si c'est une pratique vérifiée, qui la pratique, qui la vérifie (des noms !) ? Le concept de communication « directe » semble s'opposer à une communication qui serait « indirecte ». La communication n'est-elle pas précisément le contenu du concept de la médiation dans la pensée ? Sinon, qu'est-ce qu'une communication « directe » ? Quatre balles dans la tête ne sont plus une communication pour celle-là, et n'apparaissent comme communication dans toutes les autres qu'après de laborieuses, redondantes et fort complexes médiations. Admettons qu'il existe des maîtres et des esclaves. La communication étant la catégorie centrale, les maîtres sont les maîtres de la communication, les esclaves sont les esclaves de la communication. En quoi consiste la maîtrise des maîtres de la communication sur la communication ? Comment ont-ils fait pour échapper à l'aliénation, puisqu'il faut tout de même présupposer que s'ils n'ont pas échappé à l'aliénation, ils ne peuvent pas maîtriser la communication ? Dans quel but, avec quel projet et quel contenu, maîtrisent-ils la communication ? Qui sont ces individus qui maîtrisent la communication (des noms !) ? S'il existe des maîtres et des esclaves, et que la démocratie directe est une foutaise, il faut supposer que tous les esclaves ne s'affranchiront jamais. Ou alors il existe, pour les individus humains, une autre forme de coexistence où l'avis de chacun pourrait se communiquer, à condition d'avoir un avis ; mais quoique la démocratie directe n'ait pas encore fait non plus la preuve de pouvoir réaliser ce résultat, je n'arrive pas à imaginer une autre forme organisationnelle qui seulement se le propose. Si donc tous les esclaves ne s'affranchissent jamais, il y aura toujours des maîtres et des esclaves. Pourquoi semblez-vous, Jean-Pierre Voyer, ne pas vouloir devenir maître qui règne sur des esclaves, puisque, en plus, ceux-ci méritent tout le mépris et toute la cruauté du monde ? Admettons que l'économie est une forme de religion. Les catégories de l'économie sont donc seulement des catégories de cette idéologie particulière, et non plus des catégories du monde, comme d'ailleurs le prétend la « communication généralisée », c'est-à-dire le monde. Les classes sociales définies par Marx dans l'économie ne sont donc que les divisions policières réalisées par les économistes arrivés au pouvoir, c'est-à-dire à la tête de la police. Si donc les humains sont divisés selon la communication, bourgeoisie et prolétariat ne sont donc que farce et attrape de l'économie dirigeant la police, mais rien de plus réel. Pourquoi supprimez-vous le prolétariat (comment, d'ailleurs, ce prolétariat, dont la meilleure ethnologie révèle sans peine qu'il a cependant existé, disparaît-il ?) et pas la bourgeoisie ? Pourquoi, pour reformuler la question du précédent paragraphe, votre but, le mien, n'est-il pas de devenir « bourgeois » ? Ou bien, pourquoi, dans ce cas, les bourgeois sont-ils des cochons ? Après ces quelques détails en vrac, venons-en à la question centrale : la communication nous échappe, à nous autres esclaves. Du fond de mon ergastulum j'ai quelque peine à imaginer cette richesse. Cela peut à la rigueur se faire a contrario, en proportion du manque. J'avoue que ni CNN, ni ?L'Imbécile de Paris', ni JPV ne me sont d'un grand secours. CNN ne me donne qu'un vague aperçu fortement déformé par l'aliénation généralisée de ce qu'est une orgie de communication ; ?L'Imbécile de Paris' ne me vend qu'un vague aperçu du contraire d'une telle orgie. Quant à JPV, son concept de la communication est apparemment si général qu'il ne supporte aucune détermination. Ah, si seulement il y avait une recette, une route pour y parvenir ! Mais cette communication-là ne semble pas même souffrir qu'on en envisage, je veux dire qu'on en communique une. Pure, belle et abstraite, elle se permet l'économie d'un scabreux mécanisme comme celui qui, de la théorie de Marx, en traversant des crises inéluctables, des classes antagonistes et des dictatures de transition, parvient au communisme. L'avantage d'une telle économie crève les yeux et les suivistes. Je fais donc l'économie de la question comment parvenir à la communication généralisée, libre, « directe », entre vous et moi, via la révolution de la Terre sur elle-même. Admettons cependant que nous sommes dans la préhistoire. L'histoire commence avec la communication généralisée, libre, « directe », évidemment pas seulement entre vous et moi, mais entre chacun de ceux qui ont un avis et tous. Le seul moment où le temps compte est celui de ce passage. Je ne demanderais pas non plus quand, car ce serait exactement reformuler la question que je n'ai pas formulée au paragraphe précédent. Admettons que nous supprimions l'aliénation. Je répète cette énormité. Admettons que nous supprimions la communication qui empêche la communication. Une troisième et dernière fois : une révolution renverse toute médiation sur le bavardage, et l'avis de chacun, pourvu qu'il en ait un, se communique librement à tous. Sommes-nous arrivés dans quelque nirvana, paradis, communisme ? Quel est le négatif de la communication généralisée, ou est-ce qu'elle n'en supporte pas ? De quoi parle-t-on dans la communication généralisée ? L'activité générique des hommes a-t-elle un objet qui la fonde, qui la nécessite, ou bien est-elle elle-même cette propre fin, en soi ? Le contenu de la communication est-il déterminé par ce qui la supprime, ou bien ne peut-elle être supprimée, auquel cas son contenu est parfaitement indifférent ? Le débat (notre manque présent) y porte-t-il sur tout ou sur n'importe quoi ? La communication, conséquemment le genre humain, conséquemment l'histoire, sont-ils éternels ? Veuillez, s'il vous plaît, considérer que si l'histoire est éternelle elle n'a pas de sens, conséquemment l'humanité en tant que genre de la communication devient une douce plaisanterie et conséquemment, la communication, une plate religion. Merci de faire parvenir vos réponses à : Adreba Solneman [...]. Paris, le 23 juin 1991. |