Mes burnes


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Posted by on May 07, 2000 at 02:35:55 PM EDT:

In Reply to: Mon croire posted by Marcel Weber on May 06, 2000 at 06:21:25 PM EDT:

: I - INTERET DE CROIRE V - INFINI DU CROIRE
:
:
: II - CROIRE DANS L'HISTOIRE IV - LA RELIGION
:
:
: III - CROIRE EN SOI


:
:

: I - INTERET DE CROIRE


: Tant qu'une perspective de la vie est posée en référence à un choix validé par la
: culture ou comme une carrière, les outils conceptuels pour la mesurer ne
: manquent pas. Même à une époque où les écoles de pensée ne dispensent plus
: que des cours préparatoires ou bien alors, comme la courte carrière du
: structuralisme en est le témoin, sont des coteries de carriéristes du jargon, il y a
: toujours un cheminement qui permet de déterminer ce qui est orthodoxe et ce qui
: est audace, une logique interne qui est vérifiable et attestée, et des modes de
: comportement, dans la société, qui s'y rapportent. Mais lorsque la perspective
: examinée sort des systèmes de référence établis, lorsque les outils pour
: comprendre et représenter, que les décennies et souvent les siècles ont
: patiemment affinés, s'avèrent insuffisants, les recours se font dans des arsenaux
: plus anciens et moins familiers, et l'on est obligé d'en appeler à des conceptions
: moins précises et plus globales, sur lesquelles les certitudes sont disparates,
: parfois contraires, et sous-entendent de telles différences de sens que l'anathème
: ou la confusion en sont le plus souvent le fruit.

: L'idée assez banale de dénier au fini toute réalité est aujourd'hui
: immédiatement en butte à toutes les hostilités, déjà parce que, à la manière d'une
: bande d'émeutiers décidés, elle tourne les vieilles et solides défenses de pensée,
: que l'impunité critique a laissé ériger en systèmes. Comme cette idée touche
: aussitôt à tout, toute forme de pensée contemporaine y est aussitôt confrontée. Le
: premier type de réaction est de vouloir l'annexer. A première vue, en effet, cela
: semble vrai : le fini n'a pas de réalité, surtout si l'on y ajoute la précaution de dire
: que le fini a cependant une existence, comme toute pensée. Et lorsque le fini se
: situe à l'horizon de nos conceptions, on peut facilement admettre que cet horizon,
: finalement, est bien une ligne ouverte, même si cette infinitude n'a pas plus de sens que
: son contraire. Car voilà bien une banlieue de la pensée où l'on ne s'aventure pas
: toutes les nuits. Mais à la réflexion, qui parfois ne vient pas, il est plus difficile
: d'admettre que le fini pourrait ne pas avoir de réalité. Ce qui s'arrête, ou continue
: sans fin, à l'horizon de notre existence, commence ici et maintenant. Et le fini, ou
: son absence, ne peuvent pas être seulement des ornements intellectuels à
: l'extrémité d'une discussion civile et polie, où l'on pourrait indifféremment
: soutenir l'un ou l'autre, pour séduire ou choquer. Quand on s'aperçoit que chaque
: instant qu'on vit, que chaque lieu qu'on traverse sont soumis à la réponse à la
: question : le temps et l'espace sont-ils finis ? il n'est plus aussi facile d'adopter
: le non. A ce stade, la première réaction par rapport à la négation du fini est le
: silence. D'ailleurs, c'est par un silence plus buté qu'interrogatif que cette violente
: affirmation est aujourd'hui accueillie dans le monde. Et si à ce moment-là on
: continue de sommer l'interlocuteur de se prononcer, on le verra alors rapidement
: convaincu de ne plus pouvoir se servir de ses instruments conceptuels préférés, en
: chercher d'autres, à tâtons, un peu comme ces héroïnes de cinéma, au moment ou
: l'étrangleur les tient, qui piochent derrière elles quelque objet contondant qu'elles
: ne découvrent que par les doigts, animés par la panique. Pourtant il se peut que
: l'objet, si peu choisi, se retourne contre qui s'en empare, s'il est inoffensif par
: exemple, rond et mou, ou bien s'il se révèle être une chose tranchante qu'on
: attrape par le tranchant, ou encore si c'est un objet corrosif ou incandescent. Les
: héroïnes de cinéma sont en général exemptées de ce genre de mésaventure, mais
: pas les contradicteurs de l'irréalité du fini, qui alors tentent d'échapper à la
: menaçante béance de l'infinitude, d'autant plus menaçante qu'ils n'y avaient
: jamais pensé, en utilisant des termes non logiques, respirant la confusion, voire des
: anathèmes. Car nier toute réalité au fini est vite considéré comme « une
: hypothèse » (c'est bien évidemment le fini qui est l'hypothèse), « une absurdité »
: (c'est bien évidemment le fini qui paraît une absurdité), « une croyance » (c'est
: bien évidemment le fini qui est une croyance).

: A ce nouveau stade, le débat peut s'arrêter. Avoir qualifié de « croyance » la
: non-réalité du fini suffit à sous-entendre qu'on est entré dans un système
: irrationnel, une affaire de goût presque, contre laquelle il n'y a pas
: d'argumentation pertinente. Et dans la mesure où la négation complète du fini
: attaque tous les secteurs de l'activité et de la société, ce qui justement apparaît à
: ce stade-là, croire en une telle idée devient implicitement la base d'un sectarisme
: ou d'une religion. Or moi-même, qui suis un anti-téléologue moderne, c'est-à-dire
: l'une des rares personnes au monde qui réfute la réalité du fini, et qui pense que
: le contenu de la "persévérance en soi" du monde doit être le débat explicite sur cette
: non-fin par l'humanité organisée en assemblée générale, moi-même qui suis
: fondamentalement athée, et qui suis en danger dans la moindre conversation de
: bistrot par mon scepticisme tous azimuts pour peu que je lui laisse la bride, je ne
: doute pas que je crois en presque tout, immense quantité de sujets de la pensée qui
: constituent la façon d'appréhender, à la fois de mes sens et de ma conscience,
: particulière ou générique. Le reproche de croire, lié à la menace de faire passer les
: anti-téléologues modernes pour une Eglise, suffit en général à faire cesser la dispute
: pour accorder le bénéfice du doute au fini, et à rétablir ce faussaire dans ses
: importantes fonctions dans le monde, sortant triomphant, malgré un vilain coquart
: sur l'oeil, de la détermination concepticide qui l'a exposé.

: Car le monde est construit sur la réalité du fini. Le temps et l'espace, bien sûr,
: sont envisagés uniquement comme ensemble de fins ; mais l'humanité elle-même, à
: travers sa propre condition mortelle par exemple, se considère comme sans infini
: possible, donc se pense finie, et y oeuvre ; les mathématiques, la cosmologie, la biologie
: et la physique nucléaire présupposent la nécessité du fini ; les religions déistes font du
: fini un attribut et un pouvoir de Dieu, qui est la réalité même ; l'économie, qui est
: la première grande religion athée, calcule l'avenir comme s'il était fini, et en fait subir
: les conclusions au présent ; les Etats et les gouvernements posent leur action
: vers leurs propres fins, mais non vers un infini de possibles ; la plus flasque doctrine morale
: que tant d'humains véhiculent voudrait que chacun puisse vivre avec une fin ; et jusque
: dans l'amour le fini est ce pragmatisme rhétorique devenu une caractéristique prétendument
: réelle. C'est donc l'ensemble de notre vie, de son intimité la plus profonde à sa
: généralisation à toute l'espèce, qui est construite sur de multiples déclinaisons du
: fini comme réalité.

: On voit bien ici ce que l'anathème de croire protège ; on voit aussi ce qui est cru.
: Car le fini est admis sans examen, et reconduit sans réflexion. Imaginons
: seulement combien différent serait un monde décliné sur le thème de la persévérance.
: Dans la vie quotidienne, des vacances et du travail, de l'âge et de la responsabilité
: collective, de la conservation des espèces animales et de la conservation des
: espèces sociales, de procréer et avorter à ce qu'on mange et quand, tout serait
: profondément changé. Et selon quelles lignes de force s'organiserait une société
: qui ne veut plus non seulement suicider la cohérence de sa propre organisation par des vues
: à court termes , mais s'ouvrant vers d'autres organisations, cessant enfin de tenir
: le monde, le temps, l'espace, la poésie, l'amour dans le mépris profond qui se constate
: aujourd'hui au quotidien.

: J'ai introduit croire comme une menace de paralysie, voire de chasse aux
: sorcières, dans un débat qui a un cadre plus vaste que ce que tolèrent les actuels
: propriétaires du débat public. Mais croire n'a pas à être exclu ou à échapper à ce
: débat. Au contraire nous croyons tous, même si les objets de notre croyance sont
: différents. Par conséquent, l'intérêt de croire réside dans sa place dans le débat
: sur l'infini : comment croire y apparaît ? est-ce que croire est une pensée ? est-ce
: que l'histoire a changé croire ? pourquoi et comment les humains croient ?
: qu'est-ce que croire à l'infini ? qu'est-ce que l'infini du croire ?

: En guise de préambule, je voudrais me permettre une boutade, parce qu'elle a du
: sens, et vaut comme avertissement de ce que je propose de vérifier : croire n?est
: pas ce qu'on croit.
:
:
:
: : à suivre...

Un téléologue trait un bouc, tandis que l'autre tient au-dessus une passoire.





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