Posted by Le petit voyériste on February 10, 2000 at 09:49:08 AM EST:
In Reply to: Re: Yet more answers (better format) posted by Hate Company on February 09, 2000 at 08:29:08 PM EST:
Cher M. Hate Compagny,
Je vous remercie de m'avoir donné les références que je vous avais demandées, mais je crains que vous et les téléologues ne fassiez une regrettable confusion.
Vous me dites : " Il se passe exactement la même chose pour l'économie que pour la religion ". (Rapport, p. 50 de l'édition française.) Sans vouloir jouer les béni-oui-oui, je pense qu'il y a de fortes chances pour que cela soit vrai, puisque c'est Voyer qui le dit. Mais ça ne veut pas dire pour autant que l'économie et la religion sont la même chose. Idem pour les athées de la page 51. " Le monde n'a pas plus de réalité économique qu'il n'avait de réalité religieuse du temps de la religion ou qu'il n'a de réalité socialiste à Moscou. " (p. 59.) Eh oui, mais là encore ça ne veut pas dire que l'économie, la religion et le socialisme sont la même chose.
" L'économie est seulement une idéologie au sens de Marx. " (p. 46, nous sommes donc dans le chapitre 4) Dans L'Imbécile de Paris (p. 42), le vieux Voyer dit à M. Solneman : " Je n'ai jamais dit que l'économie est une forme de religion (le saint-simonisme fut peut-être une forme de religion) mais que c'est une idéologie qui occupe avec plus ou moins de succès (voyez son succès en Iran, en Algérie, etc .) la place de la religion. L'économie est l'idéologie des commerçants, elle triomphe là où triomphe le commerce. " Mais le jeune Voyer disait déjà la même chose dans le Rapport (chapitre 4, p. 65-66) : " Enfin si la critique de l'économie est bien le point de départ et le préalable à toute critique de ce monde - comme en d'autres temps ce fut le cas pour la religion, autre théorie dominante d'un autre mode dominant de communication (…) ". Vous remarquerez là l'apparition du mot AUTRE. À la page 57 (chapitre 4) il dit : " Elle (l'économie) est une pure fantasmagorie au même titre que la religion et, nous allons le voir bientôt, elle n'a même aucun des côtés révélateurs de la religion. " Et nous allons le voir, effectivement, dans le chapitre 6. Nous avons quasiment les mêmes références, mais pas la même lecture. " Le spectacle de la marchandise est l'héritier de la religion (I.S. n° 9) " (chapitre 6, p. 94.) Très bien. Mais là encore ça ne veut pas dire que religion et économie sont la même chose. Je suis l'héritier de mon père, mais, dieu merci, je ne suis pas mon père. Vous continuez la citation en disant : " Alors que la religion instaure un dualisme entre la vie réelle dans la pauvreté et la vie fantastique dans le ciel (où l'homme réalise sa richesse dans un monde irréel, illusoire,) le triomphe de la marchandise instaure un équivalent du dualisme religieux DANS LE MONDE MÊME (c'est Voyer qui souligne) (…) " Vous auriez dû continuer les sept mots qui suivent immédiatement " et non plus seulement dans la pensée, (…) " Vous auriez alors pu constater vous-mêmes qu'il y a une subtile différence. Je continue la citation là où je l'ai laissée : " le dualisme de la vie quotidienne, qui est la vie ABSOLUMENT (c'est Voyer qui souligne) pauvre à laquelle est condamnée le pauvre moderne, et du spectacle universel de la richesse, du spectacle universel de la communication.. Projection d'une richesse fantastique dans un ciel inaccessible, la religion était en ce sens aussi une protestation de la créature contre le monde qui l'écrase. Héritier de la religion, le spectacle hérite aussi de son bon côté ? C'est grâce à la RÉALISATION de ce dualisme dans le monde même que la pauvreté peut rencontrer sur terre, et non plus seulement dans la pensée, l'essence de la richesse. " Vous saisissez la nuance ? C'est extrêmement intéressant à plus d'un égard. Plus loin (p. 95) Voyer dit encore : " L'économie est encore plus ignoble et méprisable que la religion. Tandis que la religion déplorait l'existence basse, terrestre, cochonne de l'homme pauvre et soupirait après la réalisation dans le ciel de l'essence riche véritable de l'homme, l'économie combat contre les inadmissibles chimères de richesse du spectacle et somme l'homme de se contenter de son existence terrestre de supposé cochon en ne lui proposant plus d'autre consolation que l'augmentation infinie de cette existence, c'est le mauvais infini de Hegel ! Ce que la religion rejetait avec horreur, même si c'était pour préserver mieux sur terre cette horreur et ceux à qui elle profitait, l'économie le retient pour essentiel et à développer et somme l'homme de s'en contenter. " Ce n'est même plus une nuance, c'est une différence de taille ! Je vous invite à lire la suite jusqu'à la fin du paragraphe, je suis un peu fatigué de tout recopier.
Il reste maintenant évidemment à régler le problème des téléologues. (Ah ceux-là !) En allant voir plus loin dans le chapitre 7, à la page 118, on peut lire " Nous nous étions fixé comme but lorsque nous avons entrepris la rédaction de ce rapport d'en finir avec l'économie. Nous estimons que c'est chose faite. Nous avons estimé cette tâche d'autant plus nécessaire et urgente que cette religion moderne sévissait jusque dans les rangs de notre parti. " M. Solneman qui lit vite et mal est tombé sur cette phrase comme un chien d'arrêt devant une perdrix. Il aurait évidemment dû comprendre d'après tout ce qui précède que Voyer employait là ce terme comme une image, une métaphore ; Cela peut évidemment entraîner des confusions dans les petites têtes, mais que voulez-vous : NOBODY'S PERFECT. Outre le fait que M. Solneman se pose la question de savoir comment on peut en finir avec quelque chose qui n'existe pas (passons, ça nous ramènerait à la question de la dernière fois), il trouve encore le moyen de dire que quelques lignes plus loin Voyer utilise aussi le terme de néo-religion. Là aussi ça aurait dû lui mettre la puce à l'oreille. À moins que les membres du N.S.D.A.P. et les néo-nazis ne soient la même chose.
Si je me permet de vous écrire aussi longuement, c'est qu'au moins avec vous on peut discuter. Vous n'avez pas si mal compris que ça votre petit Voyer et je ne me serais pas permis de parler de digest mal digéré comme ces grossiers personnages. En plus, il peut même vous arriver de me dire : YOU ARE RIGHT, chose que je pourrais attendre encore longtemps de la part de ces imbéciles obtus et prétentieux.
Bien à vous et très sincèrement.