Posted by Voitures qui Brûlent on November 25, 1999 at 10:51:35 AM EST:
In Reply to: Pas beaucoup de couilles par ici posted by OT on November 24, 1999 at 07:45:10 PM EST:
:
Nous publions sur: strat.citeweb.net
les lettres que l'Anonymail est censé faire circuler si il fonctionne.
"Nous estimons que le rôle des théoriciens, rôle indispensable mais non dominant, est d’apporter les éléments de connaissance et les instruments conceptuels qui traduisent en clair - ou en plus clair et cohérent - la crise, et les désirs latents, tels qu’ils sont vécus par les gens : disons le nouveau prolétariat de cette "nouvelle pauvreté" qu’il faut nommer et décrire."
G.DEBORD
: L'excellence immanente entre l'action et la pensée que postulait Debord jeune nous a toujours paru démentie par les faits. Les meilleurs dans la pratique sont rarement les meilleurs dans la théorie et les meilleurs dans la théorie sont rarement les meilleurs dans la pratique. Certains lisent mieux qu'ils n'écrivent, d'autres vivent mieux qu'ils ne lisent. Les progrès fulgurants et constants de l'aliénation dans le dernier quart de siècle ont au contraire révélé à quel point les situationnistes étaient la dernière tentative du parti du négatif pour maintenir unies la pratique et la théorie. Et, de fait, ils n'ont été que la protestation spectaculaire de cette unité, comme la suite l'a montré.
: La suite a été un effondrement rapide de la théorie du négatif parallèle à un lent effritement de la pratique du négatif. Rien n'indique que l'un de ces essoufflements procède de l'autre. Mais en niant le prolétariat (qui n'était que le parti du négatif organisé par les économistes), les pauvres modernes qui se révoltent ont nié non seulement sa théorie, mais par une étrange synecdoque toute théorie. Aujourd'hui toute théorie est considérée comme étrangère, par définition, à la révolte moderne, et par tous : l'information dominante, le parti théoricien de l'ennemi, qui se croit le propriétaire modeste de la théorie (alors qu'elle en est plutôt le racket honteux), et qui ne peut donc admettre qu'une théorie lui échappe ; les nostalgiques de l'IS, qui cultivent la cohérence entre théorie et pratique au point de préférer presque toujours le plus petit dénominateur commun entre les deux au moindre risque de contradiction ; les pauvres eux-mêmes, si peu théoriciens et si abusés par les théories en ont donc une méfiance qui va presque jusqu'à l'allergie. On en est arrivé au point qu'il est devenu tout à fait impensable que des pauvres révoltés puissent formuler eux-mêmes leur propre théorie. Le père roquet Ben Aziz, qui psalmodie ses vieilleries sans usage (Marx, Nietzsche, etc.), a été ainsi contraint, contre toute évidence, de nous traiter de bolcheviques, de staliniens, de psychiatres, parce qu'il ne peut pas concevoir autrement que des révoltés de son temps s'expriment avec un discours théorique qui n'est pas du passé ; pour la même raison le bouffon Bueno nous diffame en planqués, au crochet de leurs familles, alors que tous les téléologues modernes non seulement ont tous été émeutiers, mais ont tous rompu complètement avec leurs familles, au contraire de ce genre de collabo de la middle class qui est fier de nourrir des familles. Papy Weltfrust affirme, lui, que les téléologues sont des « intellos », parce que connaissant le dur labeur qu'est la théorie, il a préféré utiliser une vague diffamation que de s'y colleter ; et lorsqu'il nous traite, avec aussi peu de pertinence, de bureaucrates, c'est probablement parce qu'il n'a pas saisi pourquoi nous mettions à disposition des dossiers sur des émeutes. En même temps que la pratique du négatif disparaissait de la visibilité, essentiellement médiatique, et donc que se dissolvait le prolétariat (qui n'était que l'organisation de la visibilité, essentiellement spectaculaire, du négatif), la théorie du négatif revenait aux pauvres qui se révoltent et que nous appelons les gueux.
: L'émeute, jusqu'à preuve du contraire, reste la seule rencontre pratique de gueux sans chefs et sans récupérateurs, même si elle subit aussi, à côté des charges de la police, le tourisme vieux pauvre, genre Ben Aziz, qui s'y fantasme bande à Kader à lui tout seul. Car si le fondement de l'émeute reste encore à réaliser, son ampleur se mesure à son ambiance, qui est le plaisir, et aux couilles qui y sont si généreusement engagées. Vérifier les couilles dans l'émeute est même une expérience si probante que la plupart de ceux qui l'ont tentée pense qu'on n'a véritablement de couilles que là. Nous rejoignons là l'idéologie des bandes et des anciens combattants, et plus généralement l'idéologie dominante qui voudrait que la séparation soit totale : les couilles, c'est pour la pratique, la cervelle pour la théorie. La faiblesse du parti du négatif, derrière la sempiternelle litanie de l'unité de la pratique et de la théorie, se lit souvent dans le ressentiment de ceux qui font la preuve de leurs couilles face à ceux qui font la preuve de leurs cervelles, et vice versa.
: Nous avons fait cette découverte qui devrait stimuler les scientifiques : avec des couilles sans cervelle, on peut devenir héros, et avec une cervelle sans couilles, on peut devenir vieux et célèbre. Pour transformer une émeute en insurrection, une insurrection en révolution, il n'est pas sûr qu'il soit bon de mettre de la pensée dans les couilles, en effet on a souvent vu la pensée contredire les couilles au moment d'arriver au bout de la rue ; nous n'avons pas de statistiques fiables, mais nous pensons que, dans la pratique, couilles et pensée associées et séparées ont à peu près autant de responsabilités chacune dans les échecs des offensives les plus prometteuses. Mais pour avoir une idée neuve, c'est-à-dire pour reconnaître la nouveauté dans le monde, il est nécessaire de mettre des couilles dans la pensée.
: Les téléologues modernes n'ont eu à signaler qu'en passant qu'ils étaient ennemis de toute pensée passée, de toute pensée privée de couilles. Les défenseurs de la pensée sans couilles, que ce soit la pensée couille en carton ou la pensée vieille couille, se sont automatiquement comportés en ennemis. Ceux qui n'ont pas osé répondre à tout a une fin ? ou non ? n'en sont encore qu'à être scandalisés par notre style, par notre détachement devant les dogmes séculaires qu'ils interdiront, coûte que coûte, de voir remis en question, par ce qu'ils croient être notre insolence, notre arrogance, en un mot par notre inconcevable existence qui les fait tant vieillir. Les autres nous ont pris, ou nous prennent encore, pour leurs enfants. Ils font leurs petites objections d'assez haut et sont offusqués comme de vieilles bourgeoises quand nous leur intimons sèchement de parler avec plus de sérieux, c'est-à-dire de mieux préparer leurs arguments si triviaux, que nous avions bien entendu pensés nous-mêmes au préalable : la téléologie moderne n'est pas une lubie incidente, mais une réalité dans le monde, dont nous avons, avec un peu de couilles et beaucoup de prudence, commencé à construire la cohérence bien avant de la confronter à la publicité.
: Dernier en date de ces contradicteurs du dimanche, « trois petits points » qui, s'il est Voyer comme nous le pensons, est retourné se faire chausser ses charentaises par les doigts experts de l'infirmière de l'étage des falsificateurs avant de piquer sa petite crise sous la signature de Weltfrust, à moins que ce ne soit son clone. Le même enculé de Voyer, dont les aficionados soutenaient qu'il nous méprisait, a tenté sous la digne signature Ben Schlemoul de nous débiner par-derrière, comme une vieille bourgeoise qui se croit la plus spirituelle de son cercle. Mais le concept de séparation de la vie et de la mort (avez-vous remarqué que la mode, lorsqu'on veut lester un peu une objection ultra-conformiste, est d'en appeler aux Grecs les plus courus, les plus propres sur eux-mêmes ? Et voilà Aristote, Epicure, Lucrèce pas même les guerriers Xénophon ou Thucydide, mis à contribution par l'ultra-passéisme) était avancé sans autre conviction que sa propre supériorité intellectuelle. Depuis que nous avons renvoyé ces trois petits points à leur infiniment petit (cf. '... alors la vie se vérifie en mourant'), personne n'a osé relever cette si courte escarmouche, et son issue. C'est l'Internet qui permet à un contradicteur battu de s'évanouir dans la nullité ambiante sans que sa défaite ne soit signalée ou perçue. C'est ce que nous en disions : les faibles, les sans-couilles, peuvent continuer à donner le change en se réfugiant dans les trucages, les calomnies, les falsifications. L'Internet aggrave ainsi la caricature pauvre de la démocratie telle qu'elle est conceptualisée dans un monde où l'information tient lieu de discours dominant : l'invraisemblable droit au silence que réclamait pour lui-même, il y a huit ans, le théoricien de la communication infinie dépassé s'y fait un allié du droit, non à tout dire, mais à dire n'importe quoi. Regardez le vieux raté sans discours, à la flatulence pathologique, qui parfois signe Terrien, et qui sous autant d'autres signatures molles et sottes pétarade presque la moitié des quarante messages précédant celui-ci, aussi creux et imbéciles que la middle class de gauche dont il est un prototype sans dignité. Regardez ces Terriens, Voyer, Aristote, ces petites vieilles qui sont là pour jouer au bridge ; et ce qu'elles trouvent amusant, c'est qu'avec l'Internet, dans une débauche de caquètements de rombières, étouffant dans les spéculos, elles en ont découvert une nouvelle variante, où elles rêvent de camoufler leur décrépitude : le bridge menteur. Pas de la même classe, les messieurs écouillés de la table d'à côté, F., Ben Aziz, Bueno, s'exercent à l'ersatz : le whist menteur.
: La différence entre la nouveauté et la conservation vient ici même de s'illustrer avec éclat : quoi que disent les téléologues, deux ou trois roquets suffoquent publiquement de rage avant d'en avoir compris un traître mot ; au contraire, quand Weltfrust a resservi les rassurantes vieilleries de l'enculé Voyer, les mêmes, Prout-Prout, alias Terrien, et le bouffon Kinder, alias Bueno, avant d'avoir compris un traître mot, ont été les premiers à applaudir. Voilà toute la critique que la théorie de Voyer a méritée. Jedem das Seine.
: Mais notre réponse à « trois petits points » donc passée sous silence, aussi bien que celle à Same player shoot again (cf. 'Extra ball'), qui a tout aussi bien cloué ce clapet-là, n'effleurait après tout que des formes particulières de fin, mais non le concept de la fin de tout elle-même, qui évidemment ne se discute pas aussi facilement. Vie et mort, expérience et vérification par exemple ne sont que des moments particuliers, eux-mêmes en partie conceptualisés à partir de la conviction de la réalité de l'infini, mais relativement inessentiels par rapport à l'absence de réalité de l'infini. Sans tenter de comprendre ce que nous disons, nos contradicteurs n'en sont encore qu'à chercher à nous coincer sur un développement particulier et séparé, à infirmer la proposition de tout finir (vade retro satanas !) en prouvant qu'une seule chose ne peut pas être finie. Nous sommes évidemment mieux armés et plus déterminés que ce dilettantisme de façade. Rappelons, puisque cela semble si difficile à entendre, que lorsque nous disons que tout a une fin qu'il nous appartient de faire, il n'y a rien pour personne ni pour quoi que ce soit après la réalisation de ce projet, pas de « reste », c'est la fin non seulement de tous les petits hommes, mais de toutes les petites étoiles, de tout le petit univers, de tout le petit temps, c'est la fin de tout. Sur les trois ou quatre contradictions sur le fond qui nous ont été faites, deux constats reviennent : le premier est qu'il nous faut constamment nous répéter, parce qu'après que nous avons réfuté un point on nous le ressert, tout frais, tout neuf, comme une évidence indiscutable que nous ne viendrions pas précisément de discuter et de démonter ; le second est que penser le monde fini change davantage ce que nous pouvons penser et faire du monde que la somme des idées neuves depuis deux siècles, Hegel, Marx, la théorie des quanta et la théorie de la relativité compris.