Posted by un téléologue moderne on October 31, 1999 at 06:47:40 PM EST:
Marx jeune a un vrai grand mérite : il a déplacé les perspectives de son temps. D'une part, il a commencé à montrer, notamment dans la critique de l'Etat de Hegel, comment la philosophie était arrivée à son terme, comment le monde uni par la philosophie n'était qu'une division du monde. D'autre part, il a appris à raconter les événements de son époque dans la perspective qu'il construisait. Les événements principaux sont devenus les révoltes, et elles ne se racontent que dans l'analyse, mais elles ne s'analysent pas sans être racontées.
Le mérite du jeune Marx n'est plus dans ce qu'il a dit, qui est souvent jargon et même construction de pensée du siècle précédent le sien. Certaines de ses idées sont devenues des banalités de base, comme la critique de l'Etat, d'autres, comme le Manifeste, ou ses convictions économistes, sont fortement discutables. Son mérite est dans son attitude de jeune, hardi dans la pensée, dont nous déplorons si amèrement aujourd'hui l'absence, et dont Debord avait été un des rares représentants lorsqu'il disait avec plus de sagesse qu'il n'en revendiquait qu'avant de comprendre les finesses théoriques des situationnistes il était bien plus important de s'en approprier les méthodes. Marx jeune était un penseur courageux, mais prudent, qui savait voir grand et petit, mérite presque éteint aujourd'hui. Mais il utilisait bien davantage les pensées du passé pour les critiquer qu'en tant que sentencieuses vérités. C'est pour sa capacité à construire un point de vue, pour sa rapidité pourtant solide, pour sa rigueur pourtant légère, pour son écoute de son temps, et pour sa négation, parfois même respectueuse, de toutes les autorités intellectuelles qu'il connaissait que le jeune Marx est des nôtres.
Tout le contraire des pieux marxistes, qui depuis le vénèrent sans but et le récitent sans fin.