Correspondance avec un « marxien »


 

Commentaires du « marxien »


 

QUELQUES COMMENTAIRES SUR LA BIBLIOTHEQUE DES EMEUTES

S'attaquer, bille en tête, à une lecture critique systématique de la B.E., puis, comme seule justification de cet exercice, à l'écriture de quelque chose qui devrait être exhaustif, au moins quand au fond, voilà qui frôle la gageure.

Cela dit sans esprit de polémique et en premier et seul hommage à la somme considérable de travail accumulé dans ces pages.

En indécrotable marxien, je n'arrive pas vraiment à me débarasser d'une secrète et honteuse admiration pour le travail visible, le travail palpable, voire le travail "laborieux".

C'est, entre autre, ce qui me fait préférer les impressionistes à l'art abstrait et la cuisine de ma mère à la nouvelle cuisine.

Ce sera le seul et dernier hommage à la quantité de travail, disais-je, car, une fois assumé mes troubles atavismes, je suis encore capable de m'apercevoir que beaucoup de travail n'est pas automatiquement synonyme de bon travail. En tout cas de travail qui me satisfasse.

Il s'agit donc bien de s'exprimer sur le fond, et cela est d'autant plus intéressant que, dans le cas de la BE, la forme est omni-présente :

par le style, la présentation pour le moins prétentieuse du coffret, l'accumulation de données (ah, les cartes et les plans, si chers aux situationnistes entre autres !), la priorité absolue donnée aux faits quand on entre dans la description d'une situation particulière : 

émeutes, situation politique du pays étudié, calendrier journalier des évenements, description de la situation sous forme de communiqués guerriers, données géo-politiques, etc, ne sont, en général, abordés que sous l'angle "d'informations" compilées, interprétées et surtout commentées (oh combien !) au détriment d'une analyse qui replace le factuel dans un environnement théorique. (La simple proportion de description des faits et de leur commentaire par rapport à l'analyse théorique est en soi une position, une prise de parti).

Quand je pense à la rage qui me prend chaque fois que je lis ou entends un journaliste qui, à partir de dix secondes de faits, se permet de commenter et de nous servir sa morale pendant dix minutes, je me dis qu'il faut vraiment avoir décidé de passer à travers la BE pour supporter ces pages entières de littérature et commentaires "libres" (jusqu'à l'invention des faits quand on manque d'informations [j'y reviendrai plus tard], ce que l'éthique de la Presse officielle interdit, elle, au moins !).

Cela ne signifie pas que, comme je pouvais le dire auparavant, la théorie est absente de la BE.

Mais, comme le font certains marxistes, le rédacteur de la BE pose ses jalons théoriques dans le premier cahier, "de l'Histoire", et s'estime par la suite quitte où presque (la proportion en est ridicule) de tout retour analytique, pouvant alors se laisser aller à une re-lecture des évenements, comme n'importe quel journaliste classique, avec la prétention en plus de dévoiler le mensonge et de faire éclater la vérite, ce qui est toujours insupportable.

Bref, en écrivant cela, j'ai bien conscience d'être sur un des terrains critiques puisque cette façon d'aborder "l'information" est cohérente d'avec le parti-pris théorique développé a la fin du No 1 et un peu dans le No 5 (ch. 10 de la jeunesse p. 241) :

"Les hommes sont divisés selon les moyens de communications et non pas selon l'organisation du travail, qui en découle" J'extrait cette petite phrase car elle me parait bien résumer un des fondements théoriques de la BE dont découlent toutes les divergences que je peux avoir avec eux, comme il est apparu chaque fois que nous avons abordé le sujet.

C'est bien sur ce présupposé que s'appuie l'idée du mensonge sur le monde et de sa re-lecture au travers d'un prisme "révolutionnaire" (J'hésite a employer cet adjectif car ce n'est pas celui qu'ils emploient. Prenez le comme facilité de langage).

Ce sera donc sans surprendre que je dirais que je suis sur une position exactement inverse à la leur : 

Aujourd'hui, toute l'activité humaine est soumise à l'organisation du travail et la collection des aliénations que l'on traverse tous les jours, de la situation des femmes a la misère sexuelle, en passant par la communication aliénée entre les êtres humains sont les constituants et les conséquences de la domination de l'organisation du travail.

Il n'y a de toute façon pas de grande différence ou de pre-existence de la forme sur le fond, des rapports aliénés sur la contrainte au travail, de l'oeuf sur la poule.

En marxien, j'aurai d'ailleurs tendance a penser que l'oeuf et la poule sont dans un rapport dialectique qui interdit de concevoir l'un sans l'autre et, de fait, l'un avant l'autre !.

En d'autre mots il me semble que c'est par un ensemble de données hasardeuses et objectives que, dans la corne Est de l'Afrique, un primate a du se lever pour survivre, qu'en parallèle des mutations génétiques ont provoqué l'augmentation de son cortex, permettant l'accès à la complexité, hasards et nécessités l'amenant à développer un langage complexe, l'élaboration d'outils, l'organisation face à la pénurie et la fin de l'instinct.

On peut supposer que la division du travail, l'accumulation, les guerres entre bandes sont liées au manque, à la pénurie. On peut en tout cas affirmer que le travail n'existe pas au débuts de l'humanité. Il est surement la résultante de conditions et de nécessités qui transforment l'activité et introduisent la médiation de la marchandise.

Le travail n'est donc pas définitoire de l'humanité mais c'est la forme totalitaire que prend l'histoire de la marchandise ici et maintenant.


 

Cela dit en préambule, et suite aux quelques discussions que nous avons eues ici et là, je me suis trouvé un peu emmerdé quand il s'est agit de prendre la BE par un bout pour en dire quelque chose d'intéressant.

Cela ne signifie pas que je trouve leur travail sans intérêt, pas du tout.

Mais je suis un peu dans la situation de quelqu'un à qui l'on proposerait de parler d'un sujet en acceptant d'emblée de remettre en cause les fondements même de ce qu'il pense, ce qui est déjà beaucoup et sans démonstrations très convaincantes, ce qui est très dûr !

L'execice peut-être intéressant mais il risque vite de se révéler vain.

J'avais commencé mon travail en essayant de passer au travers d'une analyse systématique, accadémique, d'une partie du coffret de façon à aligner clairement mes divergences et mes doutes page après page.

L'exercice s'est révélé fastidieux et chiant. J'ai arrété au quatrième paragraphe, m'apercevant que je n'en viendrai jamais a bout.

J'ai donc décidé, pour produire quand même quelque chose, de choisir un certain nombre de thèmes récurrents et qui touchent au coeur de nos divergences dans les différents textes de la BE.

Ce ne sera ni exhaustif ni même systématique.

Ce sera ce que j'aurai réussi, malgré ma fatigue grandissante à la lecture de la BE, à sortir pour quand même parler avec vous.


 

LA REVOLUTION :

Certe, la BE n'emploie ce mot que pour critiquer la "vieille" et marxiste conception de la fin de ce monde.

Cependant, comme il nous faut trouver un minumum de choses à discuter, il va falloir donner un nom à cet évènement qui est censé servir de transition entre un monde et un autre, ou de "fin du monde".

Pour les communistes, il s'agit de la révolution.

"... Les concepts de guerres sont (...) souvent les plus adéquats pour rendre compte de la partie en cours : stratégie et tactique, offensive et défensive, théâtre d'opération et terrain de bataille." (No 1, p. 32)

Cet extrait n'est pas anecdotique. Il est inclus dans un paragraphe qui s'appelle "la partie en cours" et prend place dans un ensemble qui, effectivement, fait une relecture de l'histoire comme une guerre entre deux camps.

Rien à dire sur l'idée de la guerre ou de la lutte, nous employions les mêmes concepts, sauf que, pour les communistes, la lutte entre les classes, la guerre sociale est un rapport fondateur du rapport social, elle n'est pas une partie d'échecs dans laquelle un camp écrase l'autre jusqu'à ce que se dernier, tel les barbares qui se réveillent, se lève et térasse enfin le monstre.

Et cette conception est, elle-aussi, centrale dans la thèse de la BE :

"notre camp", les gueux, les pauvres, ont toujours été abusés, que ce soit par la religion, par la raison matérialiste, la religion économiste "mensonge sur le monde".

Abusées ou vaincus, écrasés par les jacobins, les bolchéviques ou les valets modernes.

Quand je parle de vision policière de l'histoire cela vous fait bondir.

Parlons alors de conception militaire de l'histoire. Une conception dans laquelle les camps en cause n'ont pas partie liée, ne font pas partie de la même dynamique, du même monde mais sont fondementalement, a-historiquement opposées entre ceux qui veulent "l'éternité du monde et ceux qui veulent sa fin", comme sur un champ de bataille.

Oui, il y a rupture fondemmentale sur cette idée du monde.

Pour moi, il n'y a pas ceux qui veulent en finir avec ce monde et ceux qui veulent son éternité, il y a un rapport dans lequel les deux pôles se définissent l'un l'autre, dans lequel l'un est la raison d'être de l'autre, dans lequel l'un NE PEUT PAS EXISTER SANS L'AUTRE et qui porte en lui-même le contenu de sa fin parce que ce qui uni ces deux pôles, c'est l'exploitation, l'aliénation : la contrainte au sur-travail, l'extraction de la plus-value.

Oui, je pense que c'est l'émergence de ce mode de production à partir du XVIe siècle, de ce rapport social, qui a révolutionné les rapports pré-capitalistes, qui a créé au XIXe "l'individu libre", le prolétaire en le libérant de ses vieux liens communautaires, féodaux, religieux et campagnards en Europe.

Que c'est son expension vitale, obligatoire, qui a tissé petit à petit la vie sociale, jusqu'à devenir hégémonique en chassant les rapports pré-capitalistes et totalitaire dès le début du siècle, au travers des luttes de résistances et des innovations scientifiques, des conquêtes ouvrières et de l'exode rural, de la mise au travail des enfants et de la découvertes de nouveaux continents a exploiter, de l'augmentation de la journée de travail et de la naissance du mouvement ouvrier, au travers des théories scientifiques, économiques, rationnalistes et de la théorie du Prolétariat... tout cela simultanément, de façon contradictoire, simultanée et coalescente.

C'est pour cela que l'économie n'est pas mensonge sur le monde mais science, théorie du Capital, que le mouvement ouvrier, l'internationale communiste ou le syndicalisme ne sont ni mensonge, ni mystification ni trahison mais la théorie du prolétariat en actes, à un moment X de son rapport au Capital, et que la classe ouvrière n'est pas "l'organisation de l'adhésion des ouvriers au mensonge économique sur le monde" (cahier 10, p. 489) mais recouvre le concept de prolétariat à une époque où l'exploitation, le travail, tente de s'organiser scientifiquement, de conquérir l'ensemble de la société, la plus-value n'étant extraite que de façon absolue (par l'extension maximale de la journée de travail).

L'histoire des grandes offensives prolétariennes, de 1848 à 1871, de 1917/21, des grandes phases de luttes et de reflux, de défaites et de conquêtes recouvrent intimement l'histoire du procès de travail, du passage de la plus-value absolue à la plus-value relative, du passage du Taylorisme au Fordisme (gains de productivité par la sophistication du procès de travail, diminution du temps de travail, prise en charge de la vie hors usine, sécurité sociale, congés payés, formation, consommation ouvrière, en bref capitalisation de l'ensemble de la société ou auto-présupposition de la valorisation, (oh, le mot barbare !)).

C'est bien la même histoire qui se construit dans un rapport heurté, violent entre deux classes et non pas un camps qui impose sa loi à un autre, lui mentant, l'écrasant ou l'entraînant sur des voies de garages trompeuses.

C'est, rapidement et de façon un peu simpliste, ce qui permet d'affirmer que si le prolétariat possède la capacité à produire le communisme, c'est comme mouvement interne de ce qu'il permet d'abolir, cette capacité devenant par là-même procès historique et développement du rapport prolétariat/capital et non triomphe de l'un des termes par sa généralisation.

(cf. Extrait de TC 10 joint au texte : "Quelques remarques sur la capacité du prolétariat à produire le communisme.") (1)


 

LE SUJET DE L'HISTOIRE,... OU DE LA FIN DE L'HISTOIRE,... OU DE LA PRE-HISTOIRE... (fuck !)

Sur le sujet porteur de la révolution, du moins sur sa définition un peu formelle, la BE est bien avare de détails.

On parle des pauvres, de la jeunesse, des gueux, de notre camp.

La seule définition un peu carrée que j'ai pu dénicher est la suivante : 

"les gueux ne sont pas une classe économique : ils ne se définissent pas par rapport à leur travail, mais par leur place hiérarchique dans la société, par leur absence d'engagement dans les moyens de communication objectifs, et, consécutivement, par l'étendue de la perspective que leur liberté d'engagement leur laisse contre." (3, p. 125)

De cette définition et de tout ce que je peux déduire en lisant la BE je dirai, d'abord, que je ne connais personne qui ne soit défini hors du mode de production capitaliste, donc hors du travail :

l'idée même du nouveau né est emtièrement soumise au marché, jusque dans la planification de sa conception et les cimetières sont de grosses entreprises. Il n'y a que les réveurs pour penser qu'on peut choisir de s'enlever la vie, comme si quelque chose échappait à "la société", comme si on choisissait de naître !

Quand à la liberté d'engagements qui permet d'être contre, je suis de ceux qui pensent que quand une situation révolutionnaire surgit, et il y en a eut dans l'histoire, même si elles n'ont servi qu'à la restructuration supérieure d'un capital en crise, elle fait voler en éclat bien des engagements, bien des ces soumissions, bien de ces attitudes d'esclaves et on s'aperçoit que les gueux ne sont pas seuls à changer le monde, à faire l'histoire sans médiations mais sont partie de tous ceux qui ont, à ce moment là, conscience qu'ils ont tout à gagner et rien à perdre à la révolution.

D'aucuns appellent ça le Prolétariat et ça n'est pas une classe économique, quoiqu'en disent les modernistes.

Et, s'il est vrai que la période actuelle est vidée (enfin !) du vieux programme, du drapeau rouge et de la classe ouvrière qui ré-orgarnise la société contre l'anarchie capitaliste, pour moi, pour nous, cela ne signifie pas que le bébé lutte de classe est partie avec l'eau du bain ouvriériste, cela veut simplement dire que le programmatisme, dans ses différentes décompositions de la dictature du prolétariat à l'auto-dissolution (revue "A bas le prolétariat" par exemple) en passant par le conseillisme, appartient à l'ancien cycle de luttes et que, dans la restructuration, le prolétariat ne peut plus être porteur du projet de réorganiser la société sur ses bases de classe : il n'a plus de projet en tant que classe et plus d'organisation en tant que classe.

C'est ce qui se manifeste sous cette forme qui fascine nos bibliothécaire : pas d'organisation, pas de projet, pas de parti.

C'est cela, l'être du prolétariat dans le nouveau cycle. Ca n'est pas la preuve de sa disparition, c'est aujourd'hui sa pratique dans la restructuration capitaliste.

Au même titre que l'atomisation des individus est, aujourd'hui, la forme que prend le lien social, même si les modernistes croient que la société éclate au profit de l'individu.


 

L'EMEUTE :

Deux petits mots sur l'émeute.

Même s'ils disent que "l'émeute n'est pas leur marotte, ni leur fantasme", tout, dans la prose de nos bibliothécaires laisse penser qu'il y a "quelque chose là".

Laissons les parler, d'ailleurs :

Cahier 8, p. 351, 352

"Chaque émeute mérite d'être considérée comme le début possible de la fin du monde... Aujourd'hui, toutes les émeutes sont contre l'Etat et tous les Etats sont contre l'émeute"

Je ne comprend toujours pas pourquoi cette forme de combat attaquerais plus le capital qu'une autre forme dans le passé, par contre, je comprend en quoi elle est l'instrument privilégié du prolétariat a un moment de son histoire où, n'étant pas à l'offensive, il se manifeste de façon aussi spectaculaire dans des endroits aussi différents que les grandes villes africaines, Los Angélès ou Managua.

Cela dit, je pense que des émeutes peuvent, à terme, faire l'affaire de l'état iranien, des sandinistes, comme les sans-culottes ont fait le travail des Bourgeois et les moujiks celui des bochéviks.

Techniquement, je pense que l'émeute est au nouveau cycle de luttes ce qu'étaient l'occupation de l'outil de travail avec séquestration dans l'ancien cycle, ou les combats de rue qui opposaient ouvriers en grève et flics, avec les mêmes fantasmes dans la tête des théoriciens de ces actions quand à l'aspect "irrécupérable", radical, anti-capitaliste : si on casse un objet, on attaque la marchandise, quand on gifle un flic, c'est l'état qui tremble.

Désolé mais la forme d'un combat n'a jamais été le garant de la radicalité de ses combattants et j'attends avec impatience une analyse sérieuse des émeutes moins glorieuses : Rostock ou Brooklyn (en 91 je crois) (émeutes qui ont opposés Loubavitch et noirs).

Je ne parle pas de ces émeutes par provocations mais parce qu'elles sont aussi des manifestations populaires, anti-état, anti-social-démocrates (pour Rostock), qui s'attaquent aux journalistes (soldats ennemis) et dont les masses de maneuvres sont formées par les plus pauvres les sans espoirs, les sans-réserves sur le terrain considéré.


 

DE L'ANTI-FASCISME :

Surprenant, d'entendre parler d'anti-fascisme à propos de la BE ?

C'est en fait ce qui m'est venu en rapprochant un de leurs chevaux de bataille, l'information comme parti ennemi et un passage très surprenant et savoureux pour les vieux libertaires qui sommeillent en chacun de nous : cahier 10, p. 468, 469, dans lequel le rédacteur de la BE nous explique en quoi la démocratie parlementaire ne représente pas vraiment nos interêts et que le vote est une abdication de notre souveraineté. On croit rêver ! J'ai l'impression de lire le Monde Libertaire des années 70.

Une fois encore, et cela justifie le titre de ce paragraphe, on se retrouve devant une théorie qui, ayant abandonné le terrain de la théorie du prolétariat (ici, de façon assumée et claire), se retrouve à chercher ses ennemis dans l'aspect immédiatement spectaculaire de ses manifestations : ici le méchant fasciste, là le journaliste, le parti de l'information, là-bas l'Etat, comme chez les anarchistes, ailleurs la Démocratie (La Guerre Sociale).

De même qu'en jetant le prolétariat aux poubelles de l'histoire on est contraint de trouver un nouveau sujet (l'affamé du tiers-monde ou "le peuple" pour les ex-maos, le peuple colonisé qui se libère, le jeunes indien métropolitain des autonomes italiens, le voyou social d'Os Cangaceiros, les femmes, les gueux, les enfants..... jusqu'aux extra-terrestres des Posadistes !) de même, devant le désarroi qui serre la gorge du révolutionnaire face à la disparition de la bourgeoisie (remplacée par une caste de gestionnaires salariés, souvent de gauche et remplaçables, révocables à tout instant pour reprendre l'humour décapant de Voyer), l'ennemi n'est plus le capital mais ses outils, ses valets, que sont l'idéologie, l'information, les flics, les partis, les marchands, etc, etc.


 

Moi je me contre fous de la forme que prend la manifestation politique, spectaculaire du Capital à un moment X.

Ce qui m'importe, c'est l'exploitation, la production d'un incrément de valeur, la nécessité de la valorisation du Capital et la baisse tendancielle du taux de profit.

Que les gestionnaires soient habillés en soldats, controlés par des comités de travailleurs, élus par le peuple, écologistes, socio-démocrates ou choisis par les producteurs de marchandise eux-mêmes ne change rien au fondemments, aux invariants de ce qui constitue, que vous le vouliez ou non, le Mode de Production Capitaliste.

Mon ennemi n'a jamais été le Fasciste dans le passé, le Démocrate hier, le journaliste ce soir et le valet demain matin. Prendre parti, c'est prendre parti contre le Capital, quels que soient les oripeaux dont se parent ses épiciers et comptables du moment.

L'Information, n'a pas de rôle plus ou moins fondemmental aujourd'hui qu'hier l'Ecole ou l'Armée.

Elle est l'avant-garde actuelle du grand marché de la circulation des informations en général, le véhicule des comptables politiciens, la culture du "peuple".


 

EN CONCLUSION PROVISOIRE :

Je voulais faire un petit passage sur le "mensonge dans la BE". Je suis fatigué. Je vous renverrais donc simplement aux passages suivants :

Cahier 2, p. 60 ; C 3, p. 164 ; 3, p. 141, 142 ; 5, p. 235 ; 10, p. 543.

Il s'agit, à chaque fois ou presque de délires du genre "je ne sais pas ce qui c'est passé mais ça va pas m'empêcher de vous le dire quand- même" ou "Il nous parait improbable qu'il n'y ait pas eut d'émeutes au Pérou... compte tenu de... et de la jeunesse de leurs habitants et de la colère..." (Bulletin No 4, p. 13)

Je m'arrête, ça m'énerve.

Coluche, homme de bon sens populiste, disait : "quand on a que ça à dire..."

A Aix, en bas de chez moi, au fond d'une impasse il y avait un immense bombage invisible de la rue :

"Vive la juste lutte du peuple cambodgien"

Amusant, non ? Ca mange pas de pain !


 

Pour finir, c'est toujours intéressant de se confronter à des points de vue différents mais il faut quand même rester dans des eaux minimalement connues, on ne va pas à chaque fois tout remettre sur la table et refondre les concepts.

C'est pourquoi tout cela reste une critique de la BE faite d'un point de vue communiste, même si je n'ai pas l'impression d'avoir dit tout ce que j'avais à dire.

Je vais finir ce que j'ai en main de Voyer mais, là non plus, je ne trouve rien qui me paraisse remettre en cause fondemmentalement la théorie du Prolétariat.

Je crois vraiment qu'il est nécessaire de partager un minimum de positions pour pouvoir commencer à parler...

Philippe


(1)


 


A PROPOS DE TC

QUELQUES REMARQUES SUR LA CAPACITE DU PROLETARIAT
A PRODUIRE LE COMMUNISME.


 
 
 
 

La contradiction qui porte le communisme c'est le développement contradictoire du mode de production capitaliste. Pour que cette proposition dépasse la problématique renvoyant à des conditions accumulées dont le prolétariat parvient à tirer profit après une succession d'échecs dus à leur immaturité, il suffit de dépasser l'illusion de l'autoprésupposition du capital qui se donne constamment en tant que pôle du rapport de classe qui subsume l'autre pôle comme la base et la condition du renouvellement du rapport lui-même. On comprend alors ce développement comme contradiction de classes. En tant que procès d'une contradiction le contenu de ce développement du mode de production capitaliste (universalité, etc,...) n'est pas dans un rapport fortuit ou analogique avec le contenu du communisme.

Comprendre le développement du mode de production capitaliste comme contradiction de classes implique de spécifier la position de chaque terme de la contradiction par rapport à son dépassement. Le prolétariat de par sa situation dans le rapport, (le capital n'a de signification historique que dans son rapport contradictoire au travail vivant) est amené à abolir l'ensemble du rapport étant :

1°) constamment en contradiction avec sa propre définition comme classe du rapport :

Tous ces aspects trouvent dans la baisse du taux de profit leur expression synthétique en mouvement : défini dans et par l'exploitation, le prolétariat et en contradiction avec l'existence sociale nécessaire de son travail, comme capital, c'est à dire valeur autonomisée face à lui et ne le demeurant qu'en se valorisant.

Dans le taux de profit, le mouvement même de l'accumulation rapporte constamment la plus value à toute la valeur produite et transmise. Si la valorisation est le mouvement dans lequel le travail existe comme travail social, il rencontre comme sa propre limite l'existence sociale même du travail comme valeur.

Ce premièrement entraîne que : 

2°) tout développement contradictoire du mode de production capitaliste ("conditions") se définit comme rapport entre le capital et une classe qui est la dissolution des conditions existantes et dans laquelle ce développement devient la condition de son dépassement en ce qu'il en définit le sujet, le prolétariat, et en détermine le contenu, l'immédiateté sociale de l'individu.

Il est évident que posée ainsi la production du communisme est historique, production d'un rapport contradictoire dans le développement du mode de production capitaliste tel que le prolétariat se trouve simultanément impliqué comme classe du capital et incapable qualitativement de le valoriser étant amené à poser tout le développement antérieur objectivé dans le capital comme prémisse d'un libre développement de l'humanité (non reproduction de quelque chose qui a déjà été, ce qui est la substance même de l'aliénation). La production par le prolétariat du communisme nécessite un stade de développement particulier de la contradiction entre prolétariat et capital (du mode de production capitaliste).

De cette production historique du communisme, il en résulte que : 

3°) le prolétariat trouve en lui-même la capacité d'abolir le capital et de produire le communisme non pas comme une nature révolutionnaire face au capital mais comme terme du rapport capitaliste : il est la négation des conditions existantes sur la base des conditions existantes, comme mouvement interne de ce dont il est la dissolution. Le prolétariat est la négation, la dissolution de la propriété privée, de la division du travail, de l'échange ou des classes, comme moment nécessaire à partir de ce que sont la propriété privée, la division du travail, etc...

Le prolétariat n'est producteur du communisme que dans (et par) le cours de la contradiction avec le capital et non en lui-même, s'émancipant du capital ou se révélant contre lui, il n'y a pas d'être subversif du prolétariat. Si la négation est un moment interne de ce qui est nié, le dépassement est un développement de la contradiction, provient de ce développement, il n'est pas révélation ou actualisation d'une nature révolutionnaire, mais production historique interne.

Par exemple, le prolétariat ne porte pas le triomphe de la non propriété, mais c'est le rapport de la propriété dans lequel propriété et travail sont étrangers qui est aboli, l'abolition de la propriété est également celle de la non propriété, du travail, ce n'est pas le retour de la propriété dans le travail comme propriété universelle (tel serait l'aboutissement d'une vision essentialiste du caractère révolutionnaire du prolétariat).

Le prolétariat est incapable de promouvoir aucune détermination qui lui serait propre. Dans la propriété c'est son activité qui se donne face à lui et qui donne au prolétariat dans sa contradiction avec le capital, la capacité de dissoudre la forme matérielle autonome de la richesse, qui n'apparaît plus que comme activité des hommes. Face à la propriété, la non propriété qui n'est pas comprise comme terme de la propriété ne dépasse la propriété que comme appropriation, généralisation de la propriété. C'est le mouvement de la propriété qui implique exclusion entre travail et propriété, c'est le mouvement de la division du travail qui implique exclusion et antagonisme entre le travail et l'objectivation du caractère social du travail. Le prolétariat trouve dans ce qu'il est la capacité de produire l'immédiateté sociale de l'individu non pas sous la forme d'une négativité qu'il opposerait aux conditions existantes, mais comme un mouvement interne de ces conditions existantes.

Dans le travail antérieur de Théorie Communiste, nous n'avons pas posé le communisme comme une production historique, critiqué toute nature révolutionnaire du prolétariat se heurtant à l'immaturité des conditions pour ensuite réintégrer celle-ci par la fenêtre. Affirmer que le prolétariat est la dissolution des conditions existantes sur la base des conditions existantes, n'est pas une clause de style, c'est un changement complet de perspectives par rapport à toute conception d'une nature révolutionnaire. On passe d'une perspective où le prolétariat trouve en lui-même face au capital, sa capacité à produire le communisme à une perspective où cette capacité n'est acquise que comme mouvement interne de ce qu'elle permet d'abolir, devenant par là même procès historique et développement du rapport et non triomphe de l'un des termes sous la forme de sa généralisation. On peut alors définir ce qu'est le prolétariat comme classe révolutionnaire, en quoi face au capital il trouve en lui-même la capacité de produire le communisme, on définit alors le fait d'être la dissolution des conditions existantes comme une situation, comme un rapport, comme le contenu d'une implication réciproque, comme la particularisation d'une totalité face à une autre particularisation de cette même totalité, et non plus comme une nature.

A ce niveau on évacue le problème rigide du rapport entre révolutionnarité et conditions, nature révolutionnaire et histoire. On définit le caractère révolutionnaire du prolétariat comme terme d'une contradiction et donc son existence comme ce qu'il est historiquement.

Dire que le prolétariat trouve dans ce qu'il est la capacité de produire le communisme contre le capital, mais que ce qui fonde cette capacité est un mouvement interne de ces conditions existantes qu'il s'agit d'abolir, permet de dépasser une conception selon laquelle le prolétariat affirme face au capital des déterminations qui lui seraient propres (ce qui revient à comprendre les termes d'une contradiction comme une rencontre et non comme une particularisation). En outre une telle compréhension permet de dépasser une analyse de l'aliénation sur la base de l'individu isolé et de la marchandise ; en tant que négation déterminée par le propre mouvement de ce dont elle est la dissolution (le travail comme non propriété en tant que moment de la propriété face à la propriété, par exemple) cette négation est une classe. L'opposition à l'aliénation qui en reste à l'individu isolé et à la marchandise demeure une opposition externe. On ne peut juxtaposer, pour comprendre dans son contenu communiste le dépassement du capital, le dépassement de l'aliénation, une analyse de celle-ci sur la base de la marchandise et le prolétariat comme négation de cette aliénation. Dans le cas de la division du travail une telle démarche nous fait appréhender le communisme comme juxtaposition d'activités (le super bricoleur), comme appropriation universelle dans le cas de la propriété, et comme planification dans le cas de la valeur et de l'échange. Ainsi dire que le prolétariat est dissolution des conditions existantes sur la base des conditions existantes permet :

Ce n'est que sur cette base que l'on peut poser les grandes lignes de l'autoproduction de l'humanité dans le communisme en dépassant le mysticisme ou la planification qui l'un et l'autre ne connaissent que les individus isolés, soit comme fusion soit comme juxtaposition.

(Tous les aspects de ces remarques sont amplement développés dans T.C.8 et T.C.9).


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