L'ayatollah Khomeyni est mort le 3 juin 1989. Son inhumation, le 5, réunit entre 2 et 4 millions de personnes : « A dix années d'intervalle, l'ayatollah Khomeiny aura par deux fois rassemblé les foules les plus colossales peut-être de l'histoire moderne. » Cette immense quantité humaine n'a pas eu la calme contrition des obsèques des hommes d'Etats morts de vieillesse, et dont la disparition soulage seulement : bousculades et hystéries feront 8 morts et des centaines de blessés.
Khomeyni n'était pas tant un homme qu'un symbole : symbole du
consensus retrouvé en Iran à l'issue d'un débat qui
avait le monde pour objet, symbole du néo-islam triomphant, symbole
de l'Etat rénové qui annonce la chute de cet autre symbole
de l'Etat rénové qu'est le mur de Berlin, symbole religieux
de l'insuffisance du système de croyance matérialiste, symbole
de la contre-révolution et donc, par amalgame, de la révolution.
C'est cette révolution que la foule a voulu commémorer par
l'enterrement de la synthèse incarnée de son élan
et de son échec. Et comme dans toute commémoration elle a
livré une parodie, un mime maladroit de l'événement
originel. Ainsi y eut-il véritablement émotion, et je ne
parle pas ici de l'effroi silencieux des dirigeants islamiques confrontés
à une grandeur de foule dont personne au monde ne peut garantir
le contrôle, mais une émotion singée qui ressemblait
plutôt à un éréthisme qu'à la joyeuse
colère déterminée de 1978-1979. Mais encore une fois :
quand il y a émotion d'une foule non contrôlée (ici
à cause du nombre), il y a une possibilité de débat ;
et quand il s'agit du lieu, du symbole et de la foule qui ont animé
le plus important débat de leur moitié de siècle,
cette émotion mérite notre attention, et nos espoirs.
(Texte de 1998.)
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