Abrégé de la théorie de la musique

 

 

C'est un exercice périlleux que d'écrire sur la musique, car il semblerait que la musique se suffit à elle-même, et que, comme la poésie, comme le monde, on ne peut que la falsifier en l'interprétant. La théorie n'est pas une musique particulière et la musique est quelque chose d'essentiellement non théorique, malgré certaines apparences. De sorte qu'à une musique particulière on ne peut répondre que par une musique particulière, et qu'aucune musique, malgré certaines apparences, n'a jamais constitué la négation théorique d'une théorie. Ecrire sur la musique constitue ainsi une absence de musique, et si donc, ici et maintenant, il m'est possible d'exposer un abrégé de théorie de la musique, c'est parce que la musique est absente, malgré certaines apparences, ici et maintenant. La théorie de la musique se présente donc dans l'absence de musique, commence là où s'arrête la musique.

Rien de tout cela dans 'En évoquant Wagner' (oyez le sous-titre : « La musique comme mensonge et comme vérité »), paru chez l'éditeur Champ Libre en 1981. S'il s'agissait de donner une réponse d'ensemble à cet ouvrage, deux ou trois bons coups de trompette bien sentis feraient l'affaire. Malheureusement, la trompette n'est pas dans mes cordes. Et, heureusement, l'ouvrage a un mérite immense : ses insuffisances couvrent la quasi-totalité du sujet, et l'on peut constamment s'y référer, comme au plus radical des conventionnalismes.

Commençons : en dehors d'arriver à la gloire, qui est un but personnel, j'ai pour but de signaler à mes contemporains, dont dépend ma gloire, et la leur, que la musique est absente, malgré certaines apparences ; et où elle apparaît, à cause de certaines absences. En d'autres termes, je trouve urgent que cessent de s'illusionner sur quoi je ne succombe plus ceux qui comme moi sont des jeunes prolétaires dont le but est de faire succomber ce qui est à l'origine de nos illusions. Et la musique est bien quelque chose qui nous médiatise, qui nous divise, surtout quand elle nous réunit en apparence. Pagnon, par contre, ne fait état d'aucun but. En aurait-il un, autre que de combler le silence musical, il l'« évoquerait », faites-moi confiance, comme il « évoque » le mien. Il fait tout juste « une tentative de montrer le mouvement vivant de l'histoire à l'œuvre dans la musique et spécifiquement dans celle de Wagner ». Mon but est dans la perspective contraire à cette modestie : montrer le mouvement de la musique à l'œuvre dans l'histoire. La tentative de Pagnon couvre le mensonge central sur la musique. C'est l'histoire qui œuvre à l'intérieur de la musique, par rapport à l'histoire la musique n'est pas envisageable en totalité, elle n'est pas une simple apparition de l'histoire. La musique n'a ni fin ni début. Elle est éternelle. Elle n'est pas discutable en entier. Aussi la critique de la musique, « comme vérité ou mensonge », devient-elle modestement son contraire, apologie d'une musique particulière comme vérité, soutenue par l'apologie d'une autre musique particulière comme mensonge, querelle des Anciens et des Modernes, guerre de Religion. Chez Pagnon, Wagner tient lieu d'orthodoxie révolutionnaire, contrairement à la soi-disant révolutionnaire musique moderne, a-t-on jamais ouï plus de sophismes que dans les émanations vaguement protestantes de cette pseudo-musique ? Résultat : Dieu, la musique, existe. Le mythe qui dans la musique fonde tous les autres, notamment chez Wagner, la musique elle-même, en sort triomphant.

Aussi les craintes ampoulées de Pagnon, de se voir caricaturé parce qu'il dégage le contenu positif de l'Art ancien, sont-elles ridicules, parce qu'il ne fait rien de tel. Il aurait du mal. Ce contenu positif ne peut évidemment plus être dégagé, puisque l'Art est mort, fallait-il le répéter. Ce que Pagnon appelle contenu positif de l'Art ancien est la négativité de Wagner [1], et la négativité de Wagner est ce qui soutient la juste cause de Pagnon, juste cause toujours privée de but ou d'effet, il fallait le répéter. Sans donc montrer son contenu positif, sans montrer son contenu négatif, Pagnon caricature l'Art ancien, en dégageant au mieux le contenu positif de Pagnon. Il est donc positivement fondé de se voir bientôt déçu par l'action et la conscience des prolétaires (qu'il écrit prolétariat), desquels il est peu probable que ses lourdes et pseudo-lyriques envolées théoriciennes soient goûtées comme il l'entend. Les apologues, même situationnisants, ne seront plus tolérés très longtemps : les prolétaires commencent à connaître la musique.

C'est, précisément, en tant que participant de cette connaissance, et de son point de vue, que je peux aujourd'hui dire la vérité d'une spécialité dont je ne suis pas spécialiste. De même que je ne pense à aucun moment qu'il faille connaître les mille misères de la survie pour savoir mener sa vie, ou que ceux qui savent recharger un fusil dans la boue d'une tranchée sont ceux qui comprennent le mieux ce qui s'est passé en 14-18, de même mon indifférence à ses bienfaits et mon ignorance de ses lois me paraissent aujourd'hui plutôt un avantage pour parler de la musique [2]. Comme la plupart de mes contemporains, je ne sais ni la lire ni l'écouter. Dans le barouf ambiant les mélodies me font rire, et la ponctuation du boucan ne m'a pas communiqué le sens de la mesure, pas même par rapport à la musique elle-même. Je n'ai jamais été assez soumis pour me glisser dans le corset d'une discipline qui « adoucit les mœurs » [3].

Je ne nierai pas cependant que la musique n'ait quelque chose d'irrationnel, le célèbre frisson qu'on a, traditionnellement, dans le dos, et la chair de poule. Mais je ne pense à aucun moment que cette sensation, qui n'est pas sans conséquence dans la pensée, soit due à la musique. La musique n'a pas cette indépendance du monde. Elle n'est que la forme du mystère, ce qui médiatise le mystère et la conscience, et en cela elle n'est pas seule. La peinture, la poésie, le football, l'argent transmettent la même sensation, mettent en présence le même mystère, provoquent la même impuissance et la même colère contre cette impuissance. Le mystère de la musique est plutôt une lacune de la conscience. Et sa beauté ne dure que tant que dure le mystère. Comprise, elle devient comme une ville fantôme dont on a chassé le fantôme ou une église dont on a viré Dieu : un tas de ruines.

Pour Pagnon, le mouvement de l'histoire, dans l'immuable musique, est venu nous révéler que c'est celle de Wagner qui est révolutionnaire. Mais si le monde a changé pour des raisons non musicales depuis l'époque de la mort de Wagner, la musique a changé pour des raisons mondiales depuis la mort de l'époque de Wagner. La musique s'est altérée, elle est biodégradable. Pas seulement parce qu'il y a de nouvelles partitions, mais les anciennes ont changé. Horreur, infamie ! Nos livrets auraient été gribouillés pendant notre sommeil sans que nous nous en apercevions ? Eh oui ! La musique de Wagner n'est plus l'objet d'un monde, un posé-là, un résultat, mais elle est devenue sujet, elle participe à l'activité du monde. Alors que Pagnon a l'impression que Wagner lui passe toujours d'une oreille à l'autre, et que, miracle, un beau jour, chacun est capable de déceler ce qu'il y a de révolutionnaire dans ce passage, Wagner est bien trop froid pour témoigner que ce qui a été sa musique, en plus, est passé derrière Pagnon, et non seulement lui tire les oreilles, mais lui rentre dans le cul. Ce changement de position, plus révoltant que révolutionnaire, n'est certes pas l'œuvre de Wagner, voire de Pagnon, qui n'y voit pas d'inconvénient [4], mais du monde et de sa musique, qui agit pour son compte, et non pas pour le compte de Wagner, de Pagnon, ou pour le mien. D'ailleurs ce n'est pas ce qu'il y avait de révolutionnaire dans sa musique ou dans son temps qui a tué son monde puisque, comme Wagner le savait très bien, la Commune de Paris a été vaincue. Dans la glorieuse Commune de Paris ou dans l'immuable musique de Wagner, je ne peux que sourire de ce qu'elles avaient d'admirable, ou de révolutionnaire, puisque, étant là en temps utile, elles ont été vaincues. C'est donc ce qu'elles ont d'insuffisant qui m'intéresse, et leur première insuffisance est ce qu'elles ont d'admirable. Je ne fais pas partie, comme Pagnon, de cet ultime mouvement d'ultra-récupérateurs, pour qui tout ce qui a été authentique est à ressusciter : pain, air, eau, musique, voyage, etc. Ce qui a été authentique l'a été seulement, et a soit été détruit, soit été récupéré. Il ne s'agit pas aujourd'hui de restaurer une authenticité passée, mais de supprimer l'inauthenticité présente. Si ce n'est pas resté sur le champ de bataille, ce qui a disparu dans les luttes passées n'a pas disparu par quelque aberration, mais dans une aberration et y participe. C'est cette participation à l'aberration actuelle qui constitue l'essentiel de l'apport de Wagner, et comme Pagnon, jusques au ridicule, sert de feuille de vigne à la virginité révolutionnaire de Wagner, c'est la participation de Pagnon à l'aberration actuelle qui apparaît, sans que pour autant les mérites de la Commune de Paris, pardon, de Wagner, ne nous soient évoqués.

La musique, c'est manger, boire, éructer, péter, éjaculer, gémir de plaisir ou de douleur, rire, le bruit de la chair de Pavlov mordu par son chien et la voix de son maître qui hurle. La musique, c'est les sons humains et l'organisation de ces sons. Aujourd'hui, où l'on arrive au cas limite où personne ne possède cette organisation et où tous y participent, la division entre ceux qui font la musique et ceux qui l'écoutent, entre initiés et profanes, est plus respectée que jamais. Depuis que les propriétaires de la société ne sont plus que les propriétaires de l'idée dominant la société, ils ne possèdent plus dans l'organisation des sons que cette idée et son contrôle. L'organisation des sons n'est plus le jeu de ceux qui gouvernent ce monde, mais de ce qui gouverne ce monde. Et dans le spectacle dans lequel l'histoire a transformé la musique, ceux qui écoutent ne sont plus les intelligents propriétaires des sons humains et de ceux qui sont méprisés parce qu'ils les exécutent, mais ces derniers sont devenus les idoles, auxquels on prête un langage, une volonté propres, une individualité même, devant laquelle les auditeurs, incapables de comprendre leur monde dans ces fêtes rituelles, capitulent, prostrés, sans pensée. Posséder l'organisation des sons humains dans son but, réaliser l'origine du son (et je ne vois pas comment l'origine du son pourrait être dissociable de l'origine de l'humanité), est tout le plaisir de la musique. Chacun l'a fugitivement goûté dans un son ou une musique isolés, comme Proust dans une madeleine, chacun le goûte comme une absence, et c'est effectivement une absence de la conscience, qui à ce moment, en devenant dans un éclair, manifeste, paraît dépassée [5].

La musique est une activité particulière de l'histoire, mais l'histoire n'est pas une activité particulière de la musique. Pagnon prend la paire de chaussettes comme objet et s'efforce de montrer l'activité du pied dans la paire de chaussettes, ce qui ne nous éclaire pas sur où il va, pour le moins. Voici le contraire : la paire de chaussettes ne m'intéresse que dans la mesure où elle influe sur la marche du pied, qui est l'objet de mes soins constants et vous verrez bien où l'on arrive. Je serai, j'espère, excusé de négliger avec ma superficialité hélas coutumière l'histoire enseignée par les ultimes salariés prévus à cet effet par divers ministères et « conservatoires ». L'homme n'organise que les sons qu'il entend et il n'entend que les sons qu'il peut maîtriser. La maîtrise des sons est le but de l'histoire.

La religion introduit la musique dans l'histoire. La religion semble avoir le même but que la musique : résoudre le mystère du monde, des sons. Alors que le but de la musique est d'achever le mystère en le révélant, celui de la religion est de le conserver en Dieu, qui est la solution et l'impossibilité de la solution. La musique devient sacrée, et jusqu'à Pagnon via Wagner elle l'est toujours. La musique s'éternise à glorifier le mythe, et jusqu'à Pagnon via Wagner, elle glorifie toujours le mythe. Son but échappe au musicien, le contenu de la musique cesse de se déterminer pour la conscience, c'est sa forme qui se meut sur elle-même comme un reflet du contenu du temps, le but du musicien s'arrête à la musique elle-même, cette technique qui seule désormais a le droit de se soumettre aux changements que l'histoire communique au génie de ses créateurs. La musique devient un Art.

Pagnon qui voudrait bien qu'on excuse le mysticisme infect de Wagner, parce que là n'est pas l'essentiel, et qui préférerait qu'on « traque le mensonge » dans « les procédés formels réifiés » ne voit pas qu'il y a identité entre les deux. Chez Wagner, c'est la musique qui est déifiée, ce n'est plus Dieu qui est chanté, c'est Dieu qui chante la musique. Cette inouïe audace, cette inversion dont la vulgarité se noie dans le sublime, est le phénomène par lequel la pensée religieuse dépasse l'idée de Dieu, dans les choses ; au moment où la musique n'est plus le moyen d'atteindre Dieu, mais Dieu le moyen d'atteindre la musique, Wagner ne consacre que l'indépendance de la musique, et fait disparaître l'au-delà de la musique dans la musique même. Un siècle de frénétiques applaudissements a sanctionné à merveille les importants aménagements techniques auxquels l'artiste a dû procéder pour mener à bien cette opération. Supprimez la religion, et l'histoire de la musique apparaîtra essentiellement comme l'histoire d'un bricolage formel et techniciste.

La Renaissance de la musique a claqué comme une gifle sur une fesse rebondie. Les cruels princes italiens ont contesté à l'Eglise le monopole de l'Art des sons. En faisant eux-mêmes la musique de leur débauche, ils ont, sans critiquer le sublime, introduit la conscience du plaisir immédiat, charnel, dans la musique. Ces grands commerçants et condottieri ont ainsi laïcisé les sons : la musique peut devenir discours d'Etat et marchandise.

Le principat est devenu une spécialité. Les princes n'ont plus le loisir d'exécuter leur musique eux-mêmes. Pour cette corvée, ils engagent des spécialistes du bricolage sonore. Dans l'Etat moderne, le prince, c'est-à-dire l'Etat moderne, est devenu l'auditeur et l'auditeur exclusif de sa domination sur la société. La musique est devenue une spécialité et elle l'est toujours. Elle consiste dans le renouvellement du décor sonore de la même question : miroir, miroir, qui est le maître du pays, et de la même réponse, c'est vous, Seigneur, c'est vous le maître du pays. Qu'importe au prince, au monde, toutes les innovations technicistes que les positivistes de la spécialité peuvent apporter à la musique tant qu'elle reste dans le cadre que contrôle le prince, c'est-à-dire l'Etat ! Toute la musique devient d'Etat, et elle l'est toujours. Pas davantage qu'un musicologue universitaire ne peut critiquer la République française Wagner n'a trahi Louis II de Bavière. Depuis quand des employés auraient, dans l'exercice de leur emploi, critiqué ceux qui ne leur imposent que d'exercer cet emploi ? Dans la perspective de l'Etat c'est toujours miroir, miroir. Et c'est là l'essentiel. La musique de Bach exprime au mieux cette linguistique avant la lettre, cet onanisme de l'Etat tout-puissant, non sans que, derrière un fin questionnement sur la façon de la prononcer, on cache la phrase, effectivement triviale : qui est le maître du pays ? C'est d'entendre ainsi que ce sont effectivement eux qui ravit les princes, qui sont en effet les seuls propriétaires et auditeurs de cette musique. Ainsi, la seule chose qui ravit aujourd'hui encore l'auditeur dans la musique classique, c'est qu'elle se termine toujours par, c'est vous, Seigneur, c'est vous le maître du pays. Mais les jeunes prolétaires d'aujourd'hui, qui évidemment ne peuvent pas s'illusionner sur cette flatterie de courtisan, ne l'entendent pas. C'est pourquoi, même en considérant les raisons pour lesquelles Pagnon condamne les raisons pour lesquelles le public d'aujourd'hui (parce qu'il n'y connaît, paraît-il, rien) trouve Bach monotone, Bach est monotone. Ce public n'est pas si sourd. Ce n'est pas à lui que l'Art de la fugue est censé apporter la liberté.

Mais j'excuse volontiers Bach : les artistes se définissent par leurs maîtres et non pas par leurs œuvres, qui sont les œuvres de leur temps, qui sont l'expression de la maîtrise de ces maîtres sur ce temps. C'est quand les artistes n'ont plus trouvé de maîtres qu'ils ont commencé à critiquer l'Art. Les courageux ont étendu leur critique à l'absence de maîtrise dans le monde, les arrivistes se sont satisfaits d'obéir à des contremaîtres, espérant bien que l'absence de gloire de tels employeurs se transforme pour eux en rente de célébrité. L'admiration pour les artistes est une des plus accablantes preuves de la pauvreté de notre époque. Les artistes ont toujours été les serviles interprètes des acteurs de leur temps. Bach ne composait pas les idées de sa musique, il ne composait que la musique des idées des autres.

Or, un beau soir de 89, en criant, les esclaves commencent à mettre un pied sur la scène que de cette époque l'histoire fit. Quel vacarme ! Il dure toujours ! La vile musique populaire ! Spontanée, fraîche, simple et stupide, elle envahit le monde, comme le peuple l'histoire. Pour contenir le mouvement, la classe dominante entreprend une mue spectaculaire. C'est une partie du peuple qui fera désormais chanter l'autre : les esclaves sont contraints de manger des marchandises. Les propriétaires des marchandises sont contraints de s'emparer de l'Etat, l'Etat devient visiblement le cadre de la marchandise. La musique mue. Il y a maintenant deux musiques : la musique des nobles qui s'encanaille, la musique de la canaille qui s'ennoblit. Les roturiers qui modèlent la musique des bourgeois n'ont pas rompu avec ceux qui écrivirent celle des monarques. Mais ils ont maintenant l'impression d'être les égaux de leurs maîtres, d'être les maîtres de leurs œuvres. Avec la vigueur du parti des pauvres, ils rénovent la musique sclérosée des riches. Avec la science de la musique sclérosée des riches, ils absorbent la vigueur des pauvres. Cette nouvelle façon d'associer les sons ne critique ni religion, ni Etat, ni marchandise, et ne se fait le reflet de leur critique que dans la forme : il n'y a que dans la vigueur iconoclaste de sa technique musicale qu'on retrouve chez Wagner la vigueur iconoclaste des pauvres de son temps. Mais la musique que ces pauvres font eux-mêmes s'installe déjà sur la scène à mesure que l'aristocratie en disparaît. La musique des pauvres, jadis sans mémoire, et sans cesse réinventée à chaque cri de révolte, s'amollit codifiée. Le bal musette sur partition tue aussi sûrement tout bal musette qu'il ridiculise toute partition, mais il s'institue, il s'éternise dans cette mauvaise représentation de plébéiens arrivés. Aussi, malgré certaines apparences, le siècle des Peuples ne s'achève pas sur 'le Crépuscule des dieux', mais sur le chant de guillotine de Ravachol.

La musique n'est plus une vérité. Diverses musiques se tolèrent. La musique n'est plus un projet. Divers projets et ceux qui les soutiennent se servent désormais de la musique comme amplificateur de leurs différends. La vague et positiviste science des sons n'est développée que comme technique de soutien propagandiste. C'est dans l'éclatement du monde, et de la musique, que cette fin, longtemps esquissée, devient manifeste. Toute idéologie trouve une musique à son compte. Et chaque musique justifie idéologiquement sa publicité. Au moment où la culture passe à l'arrière-garde du monde, la musique est déjà à l'arrière-garde de la culture. Au moment où Noske et Lénine célèbrent les défaites de Dada et des futuristes, Dada et les futuristes ont déjà échoué dans l'unification pratique du projet musical. La musique, sans bruit, s'est insinuée beaucoup plus loin, là où les surréalistes ne pourront plus venir la chercher et où les situationnistes négligeront de le faire : dans la vie quotidienne. 'La Symphonie du Donbass', un film, bénit par Staline, est le plus désabusé de ces cynismes inconscients qui depuis Mahler posent la question, contre qui la musique est-elle faite, et par conséquent au profit de qui. La réponse est évidemment fournie, à leur corps défendant, par les derniers manipulateurs de sons qui n'ont pas voulu admettre la disparition de la musique des Seigneurs avec la disparition des Seigneurs. Ces formalistes, qui n'ont pas encore entendu le glas de leurs prétentions, en poussant insensiblement, à renfort de divers secteurs désormais spécialisés de la pensée dominante, comme la mathématique ou la physique, leur tripotage des sons vers le bruit qui les entoure, ont produit, en « musique », les premières, authentiques et pures marchandises.

Bien sûr, Varèse c'est encore très grossier. Mais quel progrès depuis Wagner ! C'est la Ford T à côté de la calèche ! D'après Pagnon, la calèche est révolutionnaire. Seulement, elle n'a pas fait la révolution. A ce compte-là, même Pagnon, le vieux cheval de labour, serait révolutionnaire. Chez Wagner on entend déjà du bruit, mais, ma foi, très incomplet [6]. Le grand succès de la musique de Wagner en son temps a été d'accélérer l'échec du projet de la musique en général. Aujourd'hui dans 'l'Or du Rhin' on entend les dollars de Varèse, bravo Wagner.

Aujourd'hui, toute la musique est d'aujourd'hui. La musique d'hier est d'aujourd'hui. Les cassettes de Lulli sont d'aujourd'hui. En elles il n'y a que le négligeable, Lulli, qui soit resté en son temps. Et bien sûr, la musique de Lulli, entre le salon d'un grand seigneur où l'on savait essentiellement ce que le silence veut dire et une chaîne compacte, où du silence on mesure essentiellement le prix, a fondamentalement changé. Elle est devenue vraie, elle a rejoint son fondement réel, l'abstraction indépendante, l'aliénation.

La marchandise en général a révélé la musique, l'a rendue universelle. La musique est devenue une marchandise particulière. Seule sa parfaite adéquation au mensonge dominant l'a révélée en vérité. La musique est passée dans son contraire, le bruit, qui est le son non maîtrisé par l'homme, et l'unité de la musique décomposée et de la composition du bruit, le son d'aujourd'hui, est le son de la marchandise, le son que la marchandise fait et entend.

Stricto sensu on doit donc dire que la musique n'existe plus, puisqu'elle s'est scindée de son principe. Le projet d'organisation consciente des sons n'est même plus un souvenir. L'organisation actuelle des sons n'est pas consciente, et c'est même l'inconscience qui domine les résidus antiques de tentative consciente d'organisation des sons. C'est par abus de langage qu'on continue d'appeler « musique » des sons où l'on entend la conscience humaine des sons, et cet abus de langage n'est pas innocent, ou indifférent, puisqu'il a pour fonction de dissimuler la lente évolution qui a achevé l'histoire de la musique, évolution qui consiste surtout dans les compromis honteux que les musiciens se sont crus autorisés à passer, et donc la faiblesse de leur conscience qui a fait s'aliéner le projet de la musique. Pour Nietzsche, Wagner n'est pas révolutionnaire.

Le résultat de la musique, qu'il convient donc de considérer comme une simple apparence qui a disparu sans réaliser les ambitions dont elle semblait faite, mais dont le mérite a été de rendre audible ce qui la fonde, ce résultat est une concrétisation sonore de l'abstraction qui gouverne le monde. La pseudo-musique d'aujourd'hui qui est ce compromis entre héritage musical et bruit, qui déborde d'humanité davantage qu'aucune musique, cette pseudo-musique est le Rock.

Le Rock est toute la musique d'aujourd'hui. Né d'un progrès social qui a permis à la marchandise d'amalgamer toute la musique, le Rock peut amalgamer tous les sons. Ce n'est pas un genre ou un label qui tolérerait tous les autres, c'est au contraire le genre qui amalgame tous les genres, l'amalgame sonore générique. Tous les sons émis par les marchandises ne sont pas cependant du Rock. Un certain conservatisme éthique exige une pseudo-harmonisation des bruits de machine, ou autour des bruits de machine, pour pouvoir les graver dans le support marchand, le critère absolu de ce qui est Rock ou rien, le disque. Le même conservatisme affectionne volontiers l'étalage des origines musicales du Rock, que l'on retrouve, chez les marchands, dans une unité que les artistes ont toujours rêvée : les disques de Rock sont divisés en genres classique, pop, opérette, blues, contemporain, folklores du monde entier, variété, rock'n roll, jazz, new wave, chanson [7], etc. Cet extrême conservatisme n'a d'ailleurs pas sa raison essentielle dans la légitimation du Rock (si une telle légitimation existe, le Rock la tient non du passé qui l'a constitué, mais de la marchandise, ce présent qui contient son passé) mais c'est le conservatisme de la classe dominante, qui possède le Rock, dont c'est la façon de penser, dont c'est l'aménagement des sons. Tout ce qui est Rock est tolérable, tout ce qui est miel attrape les mouches.

Mais le Rock, à part ce frein, cette déformation imposée par les marchands, est la voix de la marchandise. L'intérêt du Rock est de rendre la marchandise audible jusqu'à assourdir, comme l'intérêt de la télévision et du cinéma est de la rendre visible jusqu'à aveugler. Le discours publicitaire du Rock n'a qu'un but, prétendre que la musique existe, et c'est évidemment un mensonge, car comment la musique pourrait-elle exister sans but. La confusion provient de ce que le Rock est en même temps le chant mélodieux de toutes les marchandises et une marchandise particulière.

Le Rock est l'organisation des sons de l'Esprit. La conscience particulière de Pagnon n'empêchera donc pas le Rock d'envahir le monde, ni même que la musique de Wagner est devenue du Rock, après avoir été une de ses prémices. Même cet observateur borné a dû constater à quel point le Rock est religieux : ce dévot consacre la moitié de son livre sur Wagner à la « musique de masse ». Et il suffit effectivement de souligner que le Rock tolère parfaitement Wagner, au point d'absorber complètement sa musique et ses principes. Le Rock, qui est une abstraction de musique, peut faire abstraction d'auteurs, d'interprètes, de talent, de mesure. Il ramène en lui-même, en faisant abstraction du temps, toutes les musiques du passé, en faisant abstraction de l'espace, tous les bruits de la planète. Si le Rock était de la musique, ce serait la première grande musique. Pas de chance. Le Rock n'est qu'un spectacle, une représentation, un rapport social. Le Rock est l'idéologie de la musique à la place de la musique. Du rite et du vent.

Le Rock apparaît aussi à ses auditeurs et aux employés qui le fabriquent comme un monde. Et comme le monde, c'est fascinant. Dans le Rock le fétichisme va peu là où on le montre, c'est-à-dire aux sons, aux machines ou aux vedettes [8] : c'est l'argent qui fascine les masses (en écoutant le Rock, on est à la masse), il y circule si vite qu'on a du mal à comprendre comment quelque chose d'aussi lent, d'aussi figé qu'une valse de Strauss pouvait tourner la tête. L'argent est le rythme du Rock. La jeunesse et le succès sont sa beauté, et des organisations d'escrocs plus véloces et féroces que beaucoup de polices d'Etat font sa loi. Dans le Rock, tout brille, même la misère : c'est un monde de passions, d'aventures, de fortune, de travail volontaire, d'exploitation insensée, d'usure accélérée. C'est un monde qui promet tout au spectateur qui n'a rien. Tout ce qui est Rock est tolérable. Tout ce qui est miel attrape les mouches.

Assez ri. C'est la guerre. C'est l'ennemi qui fait le Rock. Pas moi. Mais contre moi. Ce n'est pas parce que l'ennemi dit que c'est de la musique et que c'est bien et que c'est beau, voire révolutionnaire, qu'on est obligé de dire que c'est de la musique, que c'est bien et que c'est beau, voire révolutionnaire ! Les derniers musiciens ont poussé leur chant du cygne entre les Ramblas en 39 et la Stalinallee en 53. Peut-être n'auraient-ils jamais fait d'autre musique. Mais pour le savoir il aurait fallu qu'ils gagnent. Ils ont perdu. La dernière symphonie est achevée. L'ennemi utilise évidemment le Rock dans la guerre (la musique a toujours été une arme pour les maîtres), et quoi qu'en dise un Pagnon ou n'importe quel autre laquais, ce n'est pas moi qui peux l'utiliser. Au moyen du Rock, l'ennemi détourne nos attentions, couvre nos paroles, nous divise. Au moyen du Rock, l'ennemi crée un écran entre toute la richesse et chaque individu. Grâce au Rock, nous savons que la richesse de ce monde n'est pas dans les sons. Les sons de ce monde ne sont qu'une apparence extérieure de richesse. Je pense qu'il faut cependant écouter ces sons qui caricaturent les passions, comme il faut écouter les informations ennemies qui caricaturent les faits. Personne, en revanche, n'est contraint d'y collaborer. Ceux qui se reconnaissent dans un hymne ou dans les rites qui conduisent à en saluer un verront désormais en face d'eux ceux qui se reconnaissent parce qu'ils n'en ont pas, et n'en veulent plus.

Assez pleuré. Ce n'est pas triste pour nous de n'avoir plus aucune musique à faire. Nos oreilles en ont vu d'autres. Et c'est plutôt gai de voir que l'ennemi qui a tout à gagner dans le silence en utilise d'autant moins bien les vertus qu'il les craint [9]. Je m'étonne même que la hâte avec laquelle il a liquidé la culture n'ait pas permis l'éclosion, sur les débris de la poésie, et dans le prolongement des recherches surréalistes, d'une musique abstraite, comme l'entendait Jens August Schade, et dont tous ceux qui ont été troublés par un ventre connaissent l'informelle profondeur. De quelle violente et involontaire hilarité le Rock serait aujourd'hui chargé ! Mais il est déjà bien drôle, ce Rock, qui, évidence de la disparition définitive de toute musique, fait croire au premier pauvre venu que tout un chacun serait musicien, lui en tête. Re-pas de chance : chanter dans sa baignoire n'est pas encore de la musique, et tout ce qui est au-delà de la salle de bain est déjà du Rock et n'est plus de la musique. Et si le Rock est pointé sur nous, c'est pour qui ? La musique a perdu son innocence, elle a un sens. Le Rock a ses maîtres. Et ce ne sont ni Wagner, ni Pagnon, ni moi, ni les adolescents de banlieue. Il y a autant à gagner dans le Rock, l'organisation sonore de la marchandise gérée par les marchands, que dans une revendication salariale, et autant à y perdre. Jamais il n'y eut haine plus mortelle de la connaissance !

S'attacher au Rock, cela se paie cher. J'observe les jeunes gens qui ont été longtemps soumis à cette contagion. Le premier effet, relativement anodin, est la dépravation du goût. Le Rock produit le même effet que l'ingestion réitérée d'alcool. Il engourdit, il alourdit l'estomac. Séquelle spécifique : dégénérescence du sens du rythme. L'adorateur de Rock, ces derniers temps, appelle « rythmique » ce que j'appelle, d'après une expression grecque, « remuer la boue ». Beaucoup plus grave est la corruption des idées. L'adolescent dégénère en crétin – en « idéaliste ». Il est bien au-dessus de la science : en cela, il est au niveau de Wagner. Par contre, il joue les philosophes, il feuillette « La musique comme mensonge et comme vérité » : il résout tous les problèmes au nom du Père, du Fils et du Saint-Esprit du Rock. Mais ce qui est le plus inquiétant, c'est la perversion des nerfs. Que l'on parcoure une ville le soir : partout on y entend des instruments violés avec une fureur solennelle – et il s'y mêle un hurlement sauvage. – Que se passe-t-il ? – Les jeunes gens célèbrent le culte du Rock. Bayreuth rappelle un asile de forcenés. – Ah, le vieux Minotaure ! Que ne nous a-t-il déjà coûté ! Chaque année, on lui amène par trains entiers les plus beaux jeunes gens et les plus belles jeunes filles, dans son labyrinthe, afin qu'il les dévore... Chaque année, le monde entier s'écrie en chœur : « En route pour la Crète ! En route pour la Crète ! »


 

(NOTES)

1. La négativité de Wagner n'a été le contenu positif de l'Art ancien, ou plutôt sa représentation, que dans la mesure où la négativité de Wagner critique ce qui domine son époque au nom de ce qui domine la nôtre. Ce n'est évidemment pas dans ce sens que Pagnon parle de contenu positif.

2. L'ignorance est toujours honteuse. Mais le savoir ne délivre pas toujours de la honte et même l'aggrave quand il est privé du mode d'emploi. Honteusement rares sont ceux qui aujourd'hui connaissent la matière ; encore moins nombreux ceux qui savent s'en servir ; et je n'ai pas encore eu l'honneur d'être présenté à aucun de ceux qui la possèdent.

3. Peut-être apprendrai-je un jour les techniques musicales encore en vigueur et peut-être même écouterai-je alors Wagner. Mais les gens qui ont ma place dans la société n'apprennent pas par le biais d'incitations du type Pagnon. Le dépassement de mon ignorance, dans la musique notamment, passe par faire la musique. Apprendre est une pratique et une pratique non individuelle. Les outils usés, rouillés ou retournés contre moi, qui participent à la musique que Pagnon voudrait que je comprenne comme lui, ne sont décidément pas les miens ; et il n'y en aura pas d'autres avant que l'activité collective de mes partisans ne les invente.

4. Pagnon justifie son répugnant positivisme comme tous les positivistes du monde : il faut prendre son bien là où il est. Moi qui n'ai de bien nulle part, quand il m'arrive d'en prendre un, c'est assurément le bien d'autrui, et quand il m'arrive d'en jouir, c'est parce qu'il a cessé d'être un bien, détruit. Nous commençons à être nombreux à n'être plus satisfaits par rien de bien : ni Art ancien, ni Rock, ni Wagner, ni Pagnon.

5. Dans la musique, il n'y a rien à aimer. Il y a quelque chose à écouter, à comprendre, à faire. Il n'y a que les militants qui aiment les organisations, les pigistes et les salariés de la culture qui aiment un langage ou un discours, les valets qui aiment un moyen de communication. Comme on ne peut pas bander sans penser, on ne peut pas aimer sans bander et sans faire bander. La musique ne peut être autre chose que la compréhension du monde dans les sons, et dans le même moment, la compréhension des sons dans le monde. Il n'y a rien à aimer dans cette banalité. Et c'est donc une évidence de dire que ceux qui prétendent aimer la musique sont des petits-bourgeois, comme c'est un plagiat d'ajouter que par petit-bourgeois j'entends le modèle réduit de quelqu'un d'absolument dépourvu d'imagination.

6. Dans la foulée de Wagner, il y aurait l'école de Vienne. Soudain, le grand tunnel noir : il n'y a plus de musique et pas encore la compréhension de Wagner, puis on se réveille dans la cacophonie de la « musique de masse ». De la richesse la plus grande on passe à la pauvreté la plus absolue. Voilà un phénomène qui, me semble-t-il, mérite l'évocation. Comment, dans le monde, passe-t-on de l'une à l'autre, sans que l'école de Vienne ou Wagner ne soient critiqués ? La « musique de masse » n'avait-elle aucun germe dans la musique de Wagner et la musique de Wagner n'ouvrait-elle en rien la voie à la « musique de masse » ? Que des récupérateurs aussi différents que Villiers de l'Isle-Adam, Schönberg, Thomas Mann, Goebbels, Staline, Pagnon et Syberberg aient cru pouvoir utiliser Wagner dans leurs buts troubles prouve simplement que Wagner était utilisable dans ces buts troubles.

7. Un mot de mépris particulier pour la chanson. Aucune manière de s'exprimer ne s'est érigée plus insolemment au-dessus de ce qu'elle exprime. Aucune n'a été plus désespérément hostile et hermétique à la dialectique. Et aucune n'a été moins critiquée. La « chanson révolutionnaire » notamment a joui d'une considération honteuse, compte tenu qu'elle est spécifiquement faite à l'usage des tripes et de la masse, et que, par exemple, ni la célèbre 'Marseillaise' ni la non moins crétine 'Internationale' n'échappent, d'emblée, à l'abjection du premier cerveau qui se donne la peine de n'en examiner que les simples paroles. Il n'y a que par cette indulgence, avec laquelle il est bien temps de finir, que peut s'expliquer la mode récente du détournement des paroles de « tubes ». Dans cet exercice, la technique du détournement ajoute généralement à la puanteur qu'elle est censée chasser un vague air prositu, alourdi de beaucoup de sueur.

8. Comme il est touchant de voir avec quels soins, quelle délicatesse, le connaisseur « musicophile » s'occupe de son précieux matériel, époussette tel un vieux maniaque le vinyle sacré, et emballe dans divers plastiques superposés chacune de ses tranches de quarante-minutes-de-musique à quelques infimes détails près identiques à plusieurs milliards d'autres ! Comme il est finement réglé ce rituel pénatique : autour de l'autel, la hi-fi, dressée comme une simulation de luxe au milieu de la misère, au centre du triste habitat du joyeux pauvre moderne, même des voyous parmi les pires guettent avec un recueillement inquiet un éventuel « craquement » de cet enregistrement bien meilleur que le même fait en studio, commis avec des instruments défectueux, faux et non accordés, au milieu d'une foule hurlante, dans un endroit privé d'acoustique ! Comme il fait le fiérot, l'ignare qui méprise les cinéphiles du haut de ses connaissances musicales, le connard qui crache sur la télévision après avoir « investi » plusieurs salaires dans un ensemble de machines qui lui restituent avec haute fidélité l'expression sonore de ce qui fait qu'il est foutu !

9. En 1971 le silence conservateur de Raoul Vaneigem a été critiqué par Guy Debord. En 1981 le silence conservateur de Guy Debord a été critiqué par Jean-Pierre Voyer. En 1981 toujours, Pagnon a dit de Vaneigem ce que tout le monde a dit, et tait de Debord ce que tout le monde tait. En 1981 encore, Pagnon ne se contente pas de taire que l'éditeur de Debord, Champ Libre, est un faussaire, preuves à l'appui, il édite chez le faussaire. Ne pensez plus que Pagnon est un idiot compliqué. Il tient davantage de la simple ordure.

(Texte de C. de Chusrople, 1982.)


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