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Posted by Doktor Weltfaust on February 04, 2001 at 07:22:48 PM EST:

Monsieur Voyer, je vis en zone occupée et mon emploi du temps est surloaded, c'est en partie pourquoi je réponds aussi tardivement à votre aimable proposition.
Au dernier étage [ que j'ai baptisé Berchtesgaden ] de mon bunker-laboratoire est entreposée une panoplie [ du grec panoplia : armure d'un hoplite ] quasi complète des armes théoriques lourdes et légères que se doit de posséder tout samouraï de la critique critique, digne de ce nom. Au centre de la pièce, sur une table basse, gisent des débris de ma collection de petits panzers en plastique et des maquettes Heller de stukas et autres messerschmitts. Au fond, dans une grande caisse rectangulaire en bois, sont jetés en vrac environ 250 kilos de brochures prositus diverses. Sur le dessus, on peut apercevoir quelques exemplaires lacérés ou déchirés d'une revue [ la Bibliothèques des Emeutes ] dont vous avez peut-être entendu parler. A côté de cette caisse, on peut voir une sympathique barrique, vraisemblablement remplie de substansu. A gauche, on aperçoit mon établi. C'est là qu'est en cours d'assemblage un monstrueux engin, capable - d'après mes calculs - de percer tous les blindages existants. Sur le côté droit de l'établi, on voit mon fidèle microscope, c'est grâce à lui que j'arrive à trier le caca de paramècie. A côté, on distingue une horrible petite figurine en cire noire, marquée A.S. avec une ficelle autour du cou et transpercée de dizaines d'aiguilles. Et, bien sûr, un gigantesque miroir occupe tout un pan de mur à gauche. Comme vous le voyez, je suis très gentil. Je cherche toujours à faire plaisir, aux petits et aux grands. Je ne l'ai jamais regretté.
Les murs sont tapissés d'impressionnants rayonnages garnis de volumes impeccablement alignés. Ils sont classés par thème et ensuite par ordre alphabétique. Je m'avance, au pas de l'oie, vers la HegelAbteilung et je regarde à la lettre C : Colletti Lucio, "Le marxisme et Hegel". Enfoirés de macaronis ! Ils ont toujours cherché à rivaliser avec les boches ! En vain ! Je me l'étais procuré sur vos conseils - il y a au moins 15 ans - mais je ne l'ai jamais lu en entier. Le premier chapitre qui démarre sur l'opposition fini/finfini m'avait considérablement énervé. Vous l'imaginez sans peine. J'avais lu le chapitre 9 [Hegel et Jacobi] où il est question de la double nature de l'abstraction. Déjà à l'époque, je soupçonnais la triple "nature" de cette chose [ à vrai dire l'opération du Saint-Esprit ].
Si on laisse de côté l'acception confusionniste récente de "hypostase", on voit bien qu'il ne peut y avoir que trois hypostases et seulement trois. Hegel a peut être fait un usage abusif de la triade, mais cela n'infirme en rien - justement - que tout soit triadiquement structuré. Ce n'est pas de la numérologie, c'est une constatation. Il reste à expliquer la logique de la tripartition et de son omniprésence un peu moins succinctement que vous ne le faisiez dans la thèse 19 de "Introduction". Monsieur Nottale dans "Les arbres de l'évolution" divise aussi en trois, bien que cette division soit fausse. Nikolaï Hartmann, qui était préoccuppé par les "stratifications de la structure du réel" divisait en quatre, mais, si l'on examine froidement la chose comme disait Guy-Ernest, on voit bien que cette quadripartition se résoud en un triple processus [ 1er aboutissement = la vie, deuxième = le psychisme animal, troisième = ce que l'on appelle "humanité"]. Max de Ceccatty est même venu ensuite montrer que les sous-structures étaient elles-mêmes triadiques. Il distingue trois systèmes du vivant : tropho, stimulo et psychointégrateur. La lymphe, le sang et les nerfs. Tout cela me rassure. Je ne suis pas fou. Et je ne parle même pas ici de la tripartition omniprésente en physique des particules [ Voir le récent et excellent numéro de "Pour la science" consacré aux divers"infinis"].
En 1972, dans votre " résumé en deux pages du Capital de Karl Marx" envoyé à monsieur Denevert et publié in "Chronique des secrets publics" vous parliez abondamment de l'abstraction, vous en parliez également dans "Introduction", un peu moins dans "Une enquête" et puis plus rien. La communication est venu occuper la totalité de l'espace théorique disponible. Il est triste de constater la quantité astronomique de gens embourbés dans des considérations qui sont en dessous du seuil minimal que constitue par exemple "Reich, mode d'emploi". C'est pour cela que je ne cherche à discuter de rien avec personne. Sur vos conseils, je suis cependant en train de lire intégralement ce livre de Colletti. Vous avez bien raison de recommander cet ouvrage. Les points envisagés par Colletti touchent de tellement près à ma substansu que j'en dirai le moins possible ici.
Vous avez sans doute remarqué - et vous n'êtes pas le seul - que j'évite de montrer ma substansu en entier. Sur ce forum, ce serait inutile et prématuré. Je ne veux pas provoquer la panique. Sur le Deboardel, il y a peut-être sept personnes intelligentes et encore ! Alors, à quoi bon ?
Lors de ma première "lecture" de la chose, je n'avais pas cherché à pousser plus loin. J'étais pressé par le temps et c'était aussi une autre époque, il faut le dire. Je vais expliquer cela à la maniére de Guy-Ernest. Dans son "Journal" Stendhal raconte son voyage de Wels à Ebersberg et parle de ce pont de bois extrêmement long sur la Traun. "Le pont a été attaqué par les tirailleurs du Pô, qui étaient 800; il n’en reste plus que 200; par la division Claparède, qui était 8000, et qui est réduite à 4000, dit-on. Il paraît probable qu’il y a eu 1500 morts. Ce diable de pont est énormément long, les premiers pelotons qui s’y présentèrent furent tués net. Les seconds les poussèrent dans la rivière et passèrent."
La critique de Hegel est un peu comme le passage de ce pont. Il faut pousser les morts et aller de l’avant. On ne peut pas passer sa vie à lire et relire les nombreux exégètes de Hegel. Veuillez noter que je ne vous considère pas comme un éxègéte de Hegel. Il faut être aussi innocent que l'est Abracadabra, pour proférer une telle sottise.
C'est un peu comme avec Lukacs, Korsch, Schaff, Jakubowsky, Papaioannou et tant d'autres. Au début, il faut foncer tout droit, acquérir une certaine vitesse, ne pas s'attarder à porter secours aux blessés. Sinon, on ne passera jamais. Ou bien, ce sera la prochaine vague, mais en tout cas pas nous, pas cette fois-ci. C'est - il me semble - ce que vous aviez fait avec votre "Reich mode d'emploi" et avec ses percutantes suites. On court le risque de se retrouver en avant, seul, exposé aux tirs ennemis et "amis". Mais, du point de vue de l'accord avec soi-même et avec le Weltgeist, c'est finalement une position qui présente pas mal d'avantages, vous en savez quelque chose.

Veuillez agréer mes cordiales salutations.
Doktor Weltfaust.






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