Posted by faustroll on January 16, 2001 at 09:45:48 AM EST:
Vous vous êtes assoupis entre un tome de La Logique d'Hegel, l'œuvre ventripotente de K. Marx, La société du spectacle par l'auteur qui s'y fait enterré, et un forum internet qui lui-aussi vous aspire vers son néant.
Pendant ce temps, l'information s'est unifiée entre la France et l'Algérie ce qui m'a donné l'occasion d'admirer vos cadavres, le jeudi 11 Janvier vers 19 h 40, sur un écran de télévision diffusant Fr3. Des jeunes filles à la gorge tranchée (une dizaine), et des anonymes morts (3 ou 4) par balles dans une voiture (1). La caméra filmait méthodiquement l'alignement de vos corps et à la suture de vos gorges de jeunes filles, le sang caillé. Ailleurs, l'un de vous, seul survivant d'un carnage, parlait d'un langage visiblement haché par le travail de montage (Combien de temps, de mots et de menaces s'étaient écoulés entre le début et la fin de sa phrase?). Enfin, l'homme qui a recousu la gorge de vos cadavres, se sortant les gants devant la caméra, nous conseillait à tous de prier pour le repos de vos âmes.
La relation des décès inexpliqués était retransmise à l'identique sur Fr3 et sur la télévision nationale algérienne.
Vous êtes morts de n'avoir compris qu'allusivement l'alliance de l'Etat et de l'Information.
La nuit dure longtemps.
Bien à vous où que vous soyez.
(1) A la définition de tuerie ni le Robert ni l'Information ne donnent la cause mais ils en précisent le sens en lui associant un lieu mythique: l'abattoir. Ainsi, si le Robert nous rappelle qu'une tuerie est un abattoir particulier de boucher de village; Fr3, quand à elle, diffuse dans le même journal d'information un documentaire montrant le fonctionnement des abattoirs et les méthodes d'analyse de la viande bovine dans un studio de radio-télévision dont le décors rappelle vaguement un laboratoire. On y voit une forêt de caméras, de micros et de journalistes au milieu de techniciens en blouse blanche et portant des masques qui nous miment péniblement les étapes de l'expertise scientifique. L'Etat ne cache ici ni son engagement direct dans l'Information, ni la finalité de cet engagement particulier dans son action générale.