Posted by observatoire de téléologie on January 14, 2001 at 03:00:45 PM EST:
Dix ans après que Voyer a répondu à Adreba Solneman sur la forme pour dissimuler qu'il était incapable de répondre sur le fond, le même Voyer est aujourd'hui contraint de répondre au même fond, mais en feignant cette fois-ci de ne pas répondre sur la forme (Critique de la raison impure I, tel qu'il est le 13 janvier 2001). Ceux qui ont compris ce que disent et font les téléologues ont compris pourquoi, en dix ans, la nécessité de répondre entre nous et Voyer s'est inversée. Nous pourrions appliquer notre critique à tout et à chaque chose qu'il dit encore, mais puisqu'il ne tente que de retoucher la pensée de sa jeunesse, dont nous avons montré l'intérêt et les limites, à quoi bon ?
Si d'aventure, comme aujourd'hui, nous mettons sur le métier les récentes pensées confuses de ce vieillard, c'est d'abord comme prétexte pour développer notre propre point de vue, mais aussi pour rire, pour payer tribut à ce qu'il a été et par agacement devant autant de sénilité puérile, impudente et conservatrice.
1. Jusqu'à présent, nous avions négligé de définir ce que nous appelons pensée. Notre conception de la pensée, en effet, est logiquement différente de celles qui sont connues, et il n'apparaît pas du tout certain qu'elle puisse se déduire facilement pour un tiers de ce que nous en avons dit. Soyons donc clairs et simples : la pensée est ce qui est, et observation de ce qui est.
Une telle définition promet évidemment un roman dialectique passionnant, mais les romans dialectiques sont pour ma grand-tante et son club de bridge. Disons seulement que la pensée est l'être tel qu'il est chez Hegel, c'est-à-dire dans la mesure où une telle chose est pensable, pensée vide, mais cet être est explicitement en rapport avec chaque observateur potentiel, individuel ou collectif. La pensée en tant qu'être est donc une généralité si grande qu'elle est vide, toute forme, et en tant qu'observation elle est la généralité qui peut se rapporter à la particularité, tout contenu. En tant qu'être la pensée est immédiate (toujours en accord avec Hegel), et en tant qu'observation elle est immédiatement médiation. En tant qu'être, la pensée est indéterminée, n'existe pas encore, en tant qu'observation, elle est toute détermination, toute existence. En tant qu'être, la pensée est l'objectivité de ce qui apparaît, en tant qu'observation, elle est la subjectivité de ce qui existe. En tant qu'être, la pensée est le monde, être-là, en puissance, en tant qu'observation, elle est le négatif, le devenir autre, l'action. On pourrait même dire qu'elle est, en tant qu'être, la substance au sens de Spinoza et de Hegel, c'est-à-dire l'en-soi du concept sans son pour-soi, si elle ne devenait pas aussi, en tant qu'observation, la réalité. En tant qu'être la pensée est tout ce qui est pensé, en tant qu'observation la pensée est tout ce qui pense.
Une telle définition de la pensée dit deux choses : tout est pensée, et ce tout est observation, donc humain. Aujourd'hui une telle définition de la pensée, une définition aussi générale, a le principal intérêt suivant : dire que tout ce qui est est observation et que tout ce qui est observation est dit que tout est pensée, qu'il n'y a rien en dehors de la pensée. Tout et chaque chose que nous percevons avec nos sens, que nous faisons exister par notre conscience, que nous connaissons par l'activité de notre esprit, et que nous finissons par notre pratique est pensée. Une telle définition n'a de l'intérêt que pour autant que l'évidence contenue dans « tout est pensée » n'est pas universellement admise, c'est-à-dire pour autant que des contemporains soutiennent encore qu'il y a quelque chose hors de la pensée.
2. Voyer, par exemple, prétend que des choses existent en pensée seulement, et que des choses existent directement dans le monde, qu'on les pense ou non. Il ne dit pas en quoi consiste une chose qui peut exister dans le monde et pas en pensée, et ce que serait la pensée par rapport au monde. De même quand il affirme que le monde est le mouvement de la pensée dans ce qui existe, il se garde bien de dire ce qu'est ce dans ce qui existe. Il semble qu'il y ait, pour Voyer, un à-côté à la pensée, dans lequel la pensée se meut, ou non. La pensée est au mieux une division du monde alors que pour nous le monde est une division de la pensée. Pour nous le monde est pensée, mais toute pensée n'est pas monde. Pour nous, téléologues, la pensée contient l'esprit, le concept, la conscience, et même la perception.
Par rapport à la pensée, Voyer utilise deux locutions issues de la résignation religieuse et du matérialisme. « Impensable » n'aurait de sens que si la chose réputée telle était « pensée » par un autre, un au-delà à la pensée, en général Dieu. Avec « qu'on le pense ou non », Voyer commet le même type de grossièreté qu'avec l'inexistence : un objet ne peut pas davantage être non pensé que ne pas exister. Un objet qui serait non pensé ne pourrait exister que dans la mesure où la pensée équivaudrait à la seule conscience, qu'elle soit individuelle ou collective. A partir du moment où quelqu'un, Voyer par exemple, a pensé un objet, cet objet ne peut plus être non pensé. Et, bien entendu, un objet peut être pensé sans qu'aucune conscience ne l'ait pensé.
Voyer prétend ensuite que l'ensemble « tous les animaux » se différencie de la totalité « tous les hommes », et qu'il s'agit là de cette différence entre ce qui existe en pensée seulement et ce qui existe directement dans le monde, qu'on le pense ou non. Il y a bien une différence entre « tous les animaux » et « tous les hommes », mais ce n'est pas que l'un existerait en pensée seulement et l'autre non. Sans doute, « tous les animaux » est une abstraction hypostasiée, mais « tous les hommes » bien évidemment aussi. La différence n'est pas au niveau de l'existence, mais peut être posée comme la vieille et sempiternelle question de savoir qui est le sujet-objet de la pensée « tous les hommes » étant non seulement objet, à l'égal de « tous les animaux », mais sujet présumé de la pensée. Les réponses à cette question ont beaucoup varié, depuis deux siècles, puisque le sujet de la pensée a été successivement puis simultanément Dieu, la nature, la matière, tous les humains, une partie des humains, une classe sociale, et même quelques génies. Chez Hegel, qui était prudent, seul le concept se conçoit lui-même, « tous les hommes » n'est évidemment pas le sujet de la pensée, c'est la pensée qui est le sujet de la pensée, ou, pour reprendre le jargon hégélien, c'est le concept qui conçoit le concept ; mais puisque Hegel était aussi conservateur, il a fini par reconnaître que le sujet de la pensée pouvait être le Dieu d'Aristote (ceux qui rêvent encore d'annexer Hegel à l'athéisme nous donneront des nouvelles des deux Vorlesungen sur la preuve ontologique de Dieu, la première de 1827, la seconde de 1831, année de la mort de Hegel). Aujourd'hui, toutes ces hypothèses sur le sujet-objet de la pensée cohabitent, comme on dit en politique, mais la solution n'est pas une affaire de politique : le favori le plus commun en 2001 reste tous les hommes + quelques animaux sous la responsabilité de la nature. Ce n'est évidemment pas le nôtre.
En vérité, le sujet-objet de la pensée, c'est-à-dire ce qui produit de la pensée, n'est pas encore connu. Comme Voyer, les téléologues pensent que ce sujet de la pensée c'est tous les humains. Mais contrairement à Voyer qui pense que « tous les hommes » est impensable , nous savons qu'il s'agit d'une hypothèse. Il est assez logique que le sujet de la pensée soit une hypothèse, puisque le sujet de la pensée n'est pas encore réalisé, et c'est d'ailleurs pourquoi il paraît impensable (mais quand Voyer dit « impensable », il s'agit évidemment d'un contresens qu'il ignore). La différence entre savoir qu'on fait une hypothèse et l'ignorer est que dans le premier cas l'hypothèse peut devenir un projet pratique, alors que dans le second elle reste une affirmation creuse, à l'esbroufe, un donné, un vulgaire présupposé. Que tous les humains devienne le sujet de la pensée est le projet des téléologues. Le débat auquel nous appelons n'est rien d'autre.
3. Puisque nous y sommes, finissons-en avec une autre tentative de raccroc de ce retraité de la théorie et dans la théorie. Il s'agit de l'illumination de 1959 qui va obliger son panégyriste à changer l'histoire du monde, puisque cette illumination vient seulement de nous parvenir : le phénomène en tant que phénomène n'est pas phénomène. C'est Hegel, une fois de plus, qui est jugé responsable de cette connerie. Il faut donc maintenant, nous qui avons pour projet de critiquer Hegel, le défendre contre des illuminations de 1959 ! Dans le passage cité par Voyer, Hegel décrit le passage du sensible au suprasensible, de l'extérieur vers l'intérieur, du Diesseits (en-deçà) au Jenseits (au-delà). Il dit exactement : Das Übersinnliche ist also die Erscheinung als Erscheinung, c'est-à-dire le suprasensible est l'apparition en tant qu'apparition ; le suprasensible n'est donc pas ce qu'on pense, et l'apparition n'est pas apparition dans le sensible, comme on le pense communément, mais dans l'intérieur, dans son autre, dans l'entendement. Hyppolite traduit Erscheinung, qui signifie apparition, par phénomène, alors que pour Hegel phénomène est Phänomen ; Voyer confond ici apparition et phénomène, ce qui nous permet d'avoir : le suprasensible est le phénomène en tant que phénomène. Ensuite il inverse sans vergogne sujet et prédicat, pour que son « phénomène » devienne sujet. Après cette manipulation-là on a : le phénomène en tant que phénomène est le suprasensible. La suite serait un raisonnement du genre : si le phénomène en tant que phénomène est le suprasensible, il n'est donc pas phénomène ; le sujet en tant que sujet n'est pas le sujet, soi-même, mais un autre. Avec une analogie on aurait : Voyer en tant que Voyer est un falsificateur, donc Voyer en tant que Voyer n'est pas Voyer, ce qui serait évidemment une connerie sans nom.
Que Voyer, pour se donner la latitude d'interpréter n'importe comment et de caser ses illuminations, prétende que Hegel est un oracle, c'est son affaire. Seulement, pour que l'interprétation de l'oracle ait un sens, on est tenu de respecter sa parole au mot près. Mais il y a longtemps que Voyer n'en est plus à respecter aucune parole au mot près. Quand l'oracle ne va pas suffisamment dans le sens de l'illumination pour éblouir quelques fidèles, on modifie et réarrange ce qu'il a dit : mais on garde tout de même le patronage du grand Hegel, sans l'autorité duquel on redeviendrait le minable petit Jipi, en quête de reconnaissance infinie.
Ailleurs, Voyer essaie de justifier son illumination sans fond, ni autre intérêt que de montrer quel genre de théoricien il est, par l'analogie suivante : le phénomène est observation, mais « l'observation en tant qu'observation n'est pas observable ». De là seulement on peut déduire que le dernier « phénomène » de la formulation paradoxale « le phénomène en tant que phénomène n'est pas phénomène » est de nature adjectivale, comme observable, et non substantif, comme il apparaît initialement, notamment dans le passage de Hegel dont il est dérivé, on a vu comment. Mais il y a longtemps qu'un Voyer est contraint aux provocations infantiles pour masquer que sa pensée tourne dans le vide. Il est vrai que dire « le phénomène en tant que phénomène n'est pas phénoménal » est beaucoup moins choc et frime, même si c'est beaucoup plus explicite. L'entretien volontaire de l'ambiguïté, du reste, montre que Voyer ne cherche plus, depuis longtemps, à être compris, et qu'au contraire il craint tous ceux qui ne le comprennent que trop bien. Dans la théorie aussi, le trucage et la dissimulation, la ruse et la duplicité servent de plan de fuite à ce vaillant penseur qui désormais craint la vérité.
Mais contentons-nous de « l'observation en tant qu'observation n'est pas observable ». Adreba Solneman avait flatté chez Voyer ses qualités d'exégète de Hegel. Adreba Solneman avait un tantinet surestimé Voyer. Hegel ne fait rien d'autre, en effet, que d'observer l'observation (nous induisons ici une analogie entre concept et observation à ne pas confondre avec observable mais il faut évidemment rappeler que Hegel ne parle pas d'observation, et que les mots veulent dire quelque chose pour Hegel, ce qui est de moins en moins le cas pour son suiviste maladroit Voyer). Toute la philosophie de Hegel consiste à observer que l'observation s'observe soi-même, se produit soi-même, se conçoit soi-même et rien d'autre. Si bien que chez Hegel il n'y a pas d'autre à l'observation, tant que l'observation est bien le concept. Et c'est bien parce que l'observation est observation de l'observation qu'elle est concept au sens de Hegel, et non phénomène ; et c'est bien, avant celle signalée par Bohr et celle, narcissique, de l'information dominante aujourd'hui, la pratique de Hegel qui nous permet d'affirmer ce passage de l'apparition de l'observation dans le suprasensible. Nous n'entrerons pas ici dans les difficultés que Hegel a tenté de surmonter, mais nous en signalerons simplement deux. D'abord la multiplicité du concept ou de l'observation est contraire au concept, d'où la dualité, jamais résolue, entre concept et Dieu, par exemple, qui a permis à ses suivistes hâtifs, depuis, de tenter de phagocyter l'un par l'autre. Ensuite, la réalité est une sorte de codicille, d'obstacle agaçant, et presque de phobie chez Hegel, parce qu'elle représente précisément l'autre du concept ou de l'observation, la fin de l'observation. Marx semble avoir mieux senti que compris cette infirmité de Hegel par rapport à la réalité. Il a tenté de renverser la proposition implicite chez Hegel l'observation se réalise, la réalisation s'observe. Chez Marx, la réalité est à la fois donné et résultat, la réalité n'est médiatisée que par elle-même, elle est une forme idéelle du sujet-objet : pour que l'observation, sous sa forme idée, engendre la réalité, la réalité doit engendrer l'observation. Mais dans les deux cas, la réalisation ne devient jamais réalité (la réalité y est différée à l'infini), et n'est considéré comme réalité que ce qui est contresigné par l'observation, ce qui est constaté tel, après coup. Dans les deux cas, la réalité reste le résultat d'une vérification théorique mais non d'une vérification pratique, même si Marx semble avoir pensé que la pratique est réalité. Comme nous l'avions déjà signalé, ceci n'est dû qu'au fait que la réalité est encore si difficile, si redoutable à penser, parce qu'elle est précisément la fin de la pensée.
4. Quand Voyer tente de réaffirmer l'infini, après que nous avons montré que ce concept est religieux, c'est en reprenant le pire Hegel, le seul que Voyer connaisse, c'est-à-dire celui qui prétend que le concept est infini, et par conséquent que l'exception parmi les objets de la pensée, c'est-à-dire celui qui à la fois pense et est pensé, c'est-à-dire le sujet-objet de la pensée, serait infini. « Le fait que tous les hommes entretienne une relation d'intériorité avec chacun de ses éléments, le fait qu'il contienne le négatif comme apparence » n'entraîne en rien « qu'il est une multiplicité absolument infinie » sauf chez le pire Hegel, en tant qu'abstraction hypostasiée, en tant qu'hypothèse, en tant que dernière volonté quasi phobique de conserver ce qui est là, d'empêcher la vérification pratique, de résigner. L'affirmation de l'infini reste une affirmation vide, une péremption. Mais quelle soumission suffisante de valet que d'affirmer que le sujet de la pensée ne saurait en devenir le maître au point de la finir si bon lui semble !
Il semblerait, en effet, qu'il faille aussi en finir avec la conception de la liberté qui domine le concept d'infini. Levinas décrit ainsi le moment où philosophie et religion s'accordent dans la soumission à l'infini, moment où l'antique rapport par lequel l'infini était une imperfection, une émanation du fini, se renverse, moment où l'infini et la liberté commencent à être associés : « Pour Descartes, l'idée de Dieu est innée à l'âme et je suis plus certain de Dieu que de moi-même: le fini est connu sur le fond de l'infini. La priorité intellectuelle de l'infini s'ajoute désormais à sa priorité ontologique. Le sens de l'infini dans la créature perd également sa signification quantitative. Il s'agit du vouloir libre que rien, pas même l'entendement, ne saurait commander. L'infini en tant que spontanéité, c'est-à-dire en tant que liberté, va dominer la conception occidentale de l'infini. »
La liberté dans l'infini est fondamentalement l'absence de limites qu'induit la notion d'infini. Mais nous savons bien que cette absence de limites est précisément une limite. Nous savons bien aussi qu'une telle absence de limites ne se vérifie pas pratiquement, ne se réalise pas. Elle est et reste une pétition de principe. La soi-disant liberté de l'infini n'est qu'une liberté fantasmée, celle du paradis, du communisme, de l'immortalité ou d'on ne sait quelle communication directe, c'est-à-dire une liberté potentielle, mais jamais pratique, même et surtout pas dans le concept de Hegel, où la liberté est seulement stipulée, comme une prémonition de la Paulskirche, mais on ne la voit jamais à l'œuvre sous la mitraille des conditions nécessaires de la dialectique. La liberté de l'infini est seulement la tentative théorique d'empêcher la liberté pratique, qui, de tout, veut en avoir le cœur net.
Pour nous, ennemis de ce monde, l'infini est d'abord une dépossession, une incapacité de s'accomplir, un au-delà dont la maîtrise nous échappe par postulat. La liberté qu'il y a dans l'infini est, à un point tellement caricatural, la liberté à l'intérieur d'un cadre dont je ne suis pas libre de fixer les conditions qu'elle n'est que la liberté de la religion chrétienne chez Descartes, la liberté bourgeoise de l'Etat prussien chez Hegel, la liberté de l'impuissance, du non-réalisable rêvé chez les pauvres, comme chez Bakounine pour qui ta liberté étend la mienne à l'infini, en d'autres termes la liberté à l'intérieur d'une prison, la prison que Voyer jeune appelait la communication infinie. A l'infini on peut tout faire, sauf tout. C'est-à-dire qu'on est condamné à tous les riens que les valets appellent richesses, sauf Voyer qui les appelle richesse, de toute éternité. La liberté de l'infini est la liberté de la police.
5. Et, au-delà du pire Hegel, il y a bien sûr le petit Jipi coincé, celui qui tente désormais de se justifier par ses provocations puériles à l'épate. L'inconvénient des provocations de Voyer est simple : elles sont ciblées sur une pensée présupposée ; mais comme Voyer les soutient comme si elles étaient universelles, il oublie, devant ceux qui ne font pas partie de la cible, et qu'elles ne choquent pas, qu'elles n'étaient que des petites exagérations pour frimer. Ce sont devenues des ruses supplémentaires qui ont pour fonction de tenter de soustraire à la critique ce qui reste de son discours. En ce moment, on en ramasse au kilo :
« On tient pour une abstraction ce qui se tient par lui même, ce qui est le concret par excellence (…), et qui vous emmerde, de toute éternité. » Nous pouvons garantir à tout un chacun que le concret par excellence, qui a beaucoup emmerdé tout un chacun, n'a jamais emmerdé et n'emmerdera jamais personne de toute éternité, si les mots veulent encore dire quelque chose.
« Ceci dit, je sais bien que je fais un contresens sur ce passage de Hegel. La différence avec ceux qui font des contresens habituellement est que je le sais. Il faut faire des contresens sur Hegel. Il est là pour ça. Le contresens est nécessaire, le progrès l'implique. » On voit bien le faux cul : d'abord il prétend qu'il y a une différence entre savoir qu'on fait ces « contresens » et l'ignorer, mais ensuite, quelle importance, puisque ce qui compte c'est de les faire ? Voyer, qui se trompe de plus en plus souvent sur Hegel et qui ne peut plus espérer le cacher, est désormais obligé de magnifier ses fautes, de prétendre que ce ne sont pas des fautes puisqu'il les fait exprès, et d'ailleurs qu'il faut les faire. Comme « paradoxe » signifiait chez Voyer bonne contradiction qu'il ne faut même pas chercher à dépasser, « contresens » signifie en fait : illumination dont on essaie d'empêcher par avance qu'elle soit démasquée. Quant au « progrès », que Voyer se trompe ou non, ce n'est plus de lui qu'il dépend depuis longtemps, si ce n'est le progrès du faux.
Plus récemment Voyer prétend que Hegel est un « moulin à parole », une « auberge espagnole ». Les multiples Heil Hegel qu'il a piaillés signifiaient donc Heil moulin à parole !, Heil auberge espagnole ! Mais c'est bien évidemment là une inversion digne de ce truqueur : c'est parce que lui, le petit Jipi Voyer, toute sa vie valet, d'abord de Debord, puis de Hegel, commence à être démasqué comme « moulin à parole » et « auberge espagnole » qu'il espère maintenant rejeter l'opprobre sur ses maîtres.
« La réalité est, l'abstraction n'est pas » : après son ignorance verbeuse sur l'existence, on rit du confusionnisme sur l'être et sur l'abstraction chez cet ennemi de la réalité, et désormais de la logique.
« Les tentatives de Hitler et de Staline ne furent rien moins que des tentatives pour faire de ces multiplicités absolument infinies des objets achevés, pour parler comme Cantor. » Les multiplicités absolument infinies dont il est ici question sont celles dont fait partie « tous les hommes ». Pour parler comme Cantor signifie « se penser sans contradiction ». Staline et Hitler, infinitistes millénaristes s'il en fut, n'ont voulu faire de tous les hommes qu'un ensemble sans contradiction, mais nullement achevé, ce qui est d'ailleurs la conception courante de la société idéale. Voyer en est réduit à utiliser ici cette sorte de « mauvais fini » pour venir à la rescousse de son « bon infini », à moins que cette évocation des deux dictateurs ne soit qu'une variante de la calomnie la plus courante et la plus stupide contre la téléologie moderne qui voit forcément dans le projet d'achever l'humanité un grand massacre perpétré par quelques consciences déréglées. Signalons cependant que les voyérisateurs ont au moins ceci en commun avec Staline et Hitler qu'ils tentent de faire croire, par tous les moyens à leur disposition, que le patron n'a jamais été contredit, que face au patron la contradiction n'existe pas.
« Ces salauds d'Autrichiens auraient quand même pu interner cette connasse plutôt que de nous la renvoyer. Merci du cadeau, c'est sympa. » Nous constatons que Voyer en est à regretter que des gens ne soient pas internés. Par ailleurs, il serait assez amusant de savoir qui est le « nous » qui se fait renvoyer (creuser le mot renvoyer) une « connasse », devenue connasse parce que, selon une dépêche de presse qui n'est pas mise en cause, elle aurait traité de nazie une flic. Moi, j'ai rien reçu. Il nous prend tous pour des cons franchouillards ou bretonnants, ou quoi ?