Posted by Doktor Weltfaust. on December 11, 2000 at 06:57:19 PM EST:
E pericoloso sporgersi. Doktor Weltfaust.
1] (...) Les événement mondiaux et les attentes qui règnent généralement dans le monde, ainsi que dans des cercles plus restreints, m’induisent le plus souvent à des considérations plus générales, qui écartent de moi en pensée les choses particulières et proches, quelque intérêt que leur porte le sentiment. Je m’en tiens à cette idée, que l’esprit du temps a donné l’ordre d’avancer. Cet ordre est obéi; cet être s’avance comme une phalange cuirassée et compacte, irrésistiblement et avec un mouvement aussi peu perceptible que celui du soleil, par les bons et les mauvais chemins. D’innombrables troupes légères, contre lui et pour lui, le flanquent de tous côtés; la plupart ne savent pas de quoi il s’agit et reçoivent seulement des coups sur la tête, comme d’une main invisible. Toutes les fanfaronnades et les coups d’épée dans l’air des Weiller et des Wismayr n’y peuvent rien. Ils peuvent arriver jusqu’aux cordons de soulier du colosse et les enduire d’un peu de cirage ou de fange, mais il ne peuvent les délier; encore moins peuvent-ils lui retirer les chaussures des dieux qui, d’après Voss - voir les Lettres mythologiques - ont des semelles élastiques, et moins encore les bottes de sept lieues lorsqu’il les chausse. La chose la plus sûre ( intérieurement et extérieurement ) est sans doute de ne jamais perdre de vue le géant qui s’avance; de cette façon, on peut même, pour l’édification de toute la compagnie affairée et zélée, aider soi-même à enduire les souliers du géant avec la poix qui doit le retenir, et pour son propre amusement prêter son assistance à cette entreprise qu’ils prennent au sérieux.
La réaction, dont nous entendons tant parler actuellement, je l’ai attendue. Elle veut faire prévaloir son droit. La vérité en la repoussant, on l’embrasse * : c’est une profonde formule de Jacobi. La réaction est encore fort en dessous de la résistance; car la première est déjà elle-même entièrement à l’intérieur de la sphère, à l’égard de laquelle la seconde se comporte comme une chose extérieure. Sa volonté se réduit principalement - quoiqu’elle pense le contraire - à satisfaire sa vanité, à apposer son cachet sur ce qui s’est produit et contre quoi elle prétend avoir la plus grande haine, afin d’y lire : voilà ce que nous avons fait... La plus formidable réaction que nous ayons vue - celle contre Bonaparte - a-t-elle changé beaucoup de choses pour l’essentiel, en bien ou en mal, surtout si nous négligeons les agissements ridicules et les minuscules succès des fourmis, des puces et des punaises ? Et ces personnalités assimilables aux fourmis, aux puces et aux punaises, nous ne devons les laisser venir à nous que selon la destination à eux assignée par le Créateur - c’est-à-dire pour en faire des objets de raillerie et de sarcasme. Ce que nous pouvons faire avec cette bienveillante intention, c’est de les aider eux-mêmes en cas de besoin à parvenir à leur perfection.
Mais en voilà assez et trop... Votre H.
Hegel à Niethammer, le 5 juillet 1816. Correspondance/Volume 2.
* En français dans le texte.
2] Dear K.O. êtes-vous certaine que je sois tombé dans un piège ? Il est vrai que Mozart n’avait pas survécu à son "Requiem" mais croyez-vous que, comme Schubert, je puisse laisser une symphonie inachevée? Il s’est écoulé 15 minutes et 54 secondes entre l’apparition de mon message "AMEN" et celle de votre sympathique mise en garde. Je pense que vous êtes fiable mais toujours aussi impulsive. C’est en partie ce qui fait votre charme.
3] Je profite de cette communication pour remercier le grand calife [ 29 ans de règne absolu et sans partage]. Simple petit coup de brosse à reluire en attendant la suite [ je dis ça pour faire plaisir aux morpions messianiaques de la néo-téléologie, qui continuent à me lécher le trou du cul avec une touchante insistance ].
Je suis en train de lire "L’Univers existe-t-il" de l’excellent Jean-François Gautier et simultanément de relire "Introduction à la science de la publicité". Je ris de nous voir si beaux en ces miroirs. Je réponds très rapidement.
L'opération de séparer dans la pensée, de distinguer, de diviser, de poser l'identité et la différence n'est qu'un lointain écho de cette opération telle qu'elle existe dans la pratique, hors de toute pensée. La pensée est ce qu'est devenue l'abstraction face à sa puissance aliénée. La puissance de division, d'autodivision est la puissance absolue. La communication est l'action de la substance sur elle-même par la médiation de chaque conscience. Cela suppose que l'on soit arrivé au stade logique où quelque chose comme la conscience existe.
A] a) Il y a des abstractions pratiques, agissantes [ ex : des virus ] qui existent en soi et hors de soi effectivement [ Hegel est mort du choléra ] et antérieurement à l’apparition de ce que l’on appelle la pensée. La pensée dite scientifique ne fait que prendre acte et livraison de cette logique à l’œuvre et peut éventuellement essayer de supprimer son indépendance ou - au moins - de la détourner. Nous sommes - en tant que poussière d’étoile devenue autre - des incarnations de ce détournement et de la suppression de cette indépendance déjà effectués en puissance, mais sans la conscience, qui [ comme disait monsieur Voyer - en 1972 - dans une lettre à l'excellent monsieur Denevert ] est l'arme absolue.
Et b) il y a d'autres abstractions [ exemples pris au hasard : Dieu ou la race aryenne ] qui n'existent que dans la pensée et aussi un peu dans l'effectivité inhumaine [ Pile = "Aimez-vous les uns les autres"et face = "Tuez les tous, Dieu reconnaîtra les siens"] ou cauchemardesque [ au sens "Nacht und nebel" ] qu'elles essaient quelquefois de se donner.
B] C'est parce qu'existe d'abord l'abstraction tout court [ comme pure négativité pratique oeuvrant au sein d'une multiplicité de processus identiques ] : aveugle, sourde et muette, sans instinct ni pensée ni phrase, que peuvent ensuite exister - un jour, des milliards d’années plus tard - des "choses" comme la pensée, le travail et la communication. Ces trois dimensions "abstraites" [ isolées en pensée ] de l’opération substantielle sont l'équivalent synthétique de la primitive relation à soi, à l'extériorité pure et à autrui dont parlait Hegel à propos de la vitalité punctiforme. Hegel donne de l'esprit à ceux qui n'en ont pas. Trois lignes de Voyer vont me faire réfléchir pendant 15 jours. Cent pages de branlette néo-téléologique [ autoalimentée ] me font pouffer de rire. Continuez avec votre offensive d'automne à nous faire pisser de rire, c'est tout ce qu'on vous demande, vous êtes là pour ça. Chaque époque sa merde.
C] La logique est la logique de l'abstraction. L’abstraction est l’opération constitutive de l’individualité [vivante, animée ou humaine ]. L’abstraction est, à proprement parler, l’opération de la substance sur elle-même. Il n’est pas facile de faire mieux que Voyer, il l’est encore moins de faire mieux que Hegel. Pourtant, 169 ans ce n’est pas rien. Je consacre très peu de temps au forum Deboard [ vous m'en excuserez ] et beaucoup à la composition de ma symphonie. Je parlerai donc des abstractions hypostasiées, de la valeur et de l'aliénation une autre fois. Féeries pour une autre fois.
Doktor Weltfaust.