Posted by Le petit voyériste on April 07, 2000 at 08:24:58 AM EDT:
In Reply to: Précision posted by on April 05, 2000 at 07:13:27 PM EDT:
PRÉFACE À " DE MARX ET DU MARXISME " DE KOSTAS PAPAIOANNOU (Gallimard, 1983) PAR RAYMOND ARON (Extraits).
Kostas admirait en Marx le sociologue et non le philosophe, ou plutôt il n'a jamais reconnu en Marx un philosophe. Il le disculpe de toute responsabilité dans le matérialisme dialectique, il ne lui prête aucune attention aux problèmes de la logique et de l'ontologie. Il se gausse du Père Calvez qui écrivit : " Le problème de la méthode est le problème central de la pensée marxiste. Marx a d'ailleurs eu une conscience très vive de son importance, ce qui souligne encore le caractère philosophique et total de son œuvre. Elle ne porte pas sur une technique particulière, mais sur le logos intérieur à l'être et à la science, sur la totalité saisie comme sens, sur la méthode. " Kostas commente : " … où Marx aurait-il parlé de ce logos intérieur à l'être et de la 'totalité saisie comme sens' ? Légitime s'il s'agit de la philosophie néo-kantienne ou de la phénoménologie husserlienne, ces termes sont si étrangers à la pensée et à la terminologie de Marx qu'on éprouve une certaine gêne à lire le texte ou plutôt le brouillon cité par le Père Calvez comme un témoignage du 'besoin' qu'aurait éprouvé Marx de 'prendre position par rapport à Hegel sur les problèmes de méthode et sur le problème du sens en général'. " (…)
Dans un passage essentiel de l'article " Le mythe de la dialectique ", Kostas s'oppose, textes à l'appui, à la thèse courante à Paris sur les rapports entre les écrits de jeunesse et LE CAPITAL. Selon cette thèse que défend Merleau-Ponty dans LES AVENTURES DE LA DIALECTIQUE, la dialectique inscrite dans les textes antérieurs à 1848 aurait été progressivement durcie, cristallisée, matérialisée ; les facteurs objectifs l'emporteraient sur la praxis ; ce que Marx cherche désormais chez Hegel, " c'est le rationalisme pour le faire jouer au bénéfice de la nature, des 'rapports de productions' considérés comme un ordre en soi, une puissance extérieure et toute positive ". Comment réplique Kostas pourrait-on attribuer à Marx la mystification qu'il ne se lassa pas de dénoncer. " Le 'fétichisme' que l'auteur du CAPITAL reproche à l''économie politique bourgeoise' consiste précisément à considérer comme des choses, comme une puissance extérieure aux hommes et toute positive ce qui en fait n'est qu'un produit de l'activité humaine, des rapports presque personnels d'homme à homme. " Certes l'activité humaine est engluée, durcie, déshumanisée dans les rapports de production, conception majeure de l'interprétation de l'histoire et présente dès l'IDÉOLOGIE ALLEMANDE. Les rapports de production sont chosifiés, ils ne sont pas choses, ils comportent précisément l'authentique dialectique marxiste ; celle du travail et de l'objet, la critique de l'illusion d'un monde d'objets ou de marchandises qui existerait par lui-même alors qu'il est l'œuvre aliénée de l'activité humaine. (…)
Que les écrits de jeunesse constituent un dialogue ininterrompu avec Hegel, tous les historiens le savent. La question est de savoir en quelle mesure Marx est le contraire ou la suite de Hegel. Selon les textes et selon les objets du dialogue, Kostas pencha d'un côté ou de l'autre. Dans le MANUSCRIT ÉCONOMICO-PHILOSOPHIQUE Marx écrit que Hegel se met au point de vue de l'économie politique. (…)
" La démarche de Marx se situe aux antipodes de Hegel ", écrit Kostas ailleurs. (…)
Ce texte de 1844, le MANUSCRIT ÉCONOMICO-PHILOSOPHIQUE, Kostas le met au compte du culte de Feuerbach que Marx lui-même renia et jugea après coup presque risible. (…)
Ces remarques ne rendent pas pleine justice à Kostas et à l'ensemble des articles d'où se dégage une interprétation des rapports entre Hegel et Marx. Elles devraient mettre en garde les lecteurs contre une lecture rapide de textes faussement faciles qui apportent une contribution majeure sur une question majeure de la marxologie : la dévaluation du MANUSCRIT ÉCONOMICO-PHILOSOPHIQUE, simple brouillon qui ne contient pas une profonde philosophie ; la disparition rapide du verbiage feuerbachien du naturalisme achevé et de l'humanisme achevé ; la transfiguration de la technique, démiurge de l'histoire humaine ; une anthropologie monophysite, l'homme réduit à sa pratique ; le glissement de la critique de la religion à une critique nihiliste de toute la vie spirituelle. Que reste-t-il de cette inspiration dans le marxisme scientifique ? Kostas suggéra, ici ou là, une réponse. J'hésite à en présenter une, en me réclamant de lui.
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Il a pas de couilles ce Aron. C'est un Aron et ça se voit. Vous par contre vous y allez franco comme d'habitude : " On ne peut pas, comme Voyer, à la fois POSER un concept comme la communication en dehors du système de Hegel et brailler des Heil Hegel à tout bout de champ. " Je m'oppose, textes à l'appui comme dirait Aron-le-sans-couilles, à votre thèse qui ne risque heureusement pas de devenir courante à Paris :
" L'essentialité et la nécessité du point de vue de Hegel est la communication. Hegel ne peut être critiqué que du point de vue de la communication. Toute critique de Hegel qui ne se place pas de ce point de vue est NULLE. Prétendre critiquer Hegel d'un autre point de vue que la communication est parler pour ne rien dire, ce qui est chose extrêmement répandue. " (HÉCATOMBE, p. 43.) " Marx a critiqué la pensée de Hegel en tant que pensée de l'Histoire. Grand bien lui fasse. Mais la pensée de Hegel est aussi une pensée de la communication. Elle devait donc aussi être critiquée comme une théorie de la communication. (…) Il n'y a rien d'étonnant à ce que la pensée de Hegel soit aussi une théorie générale de la communication car elle est aussi une théorie générale de l'histoire. Or il n'y a d'histoire que de la communication. (HÉCATOMBE, p. 47-48.) " Ce que vous nommez 'généralité anthropologique' est tout simplement la 'parfaitement effective et irréductible' généralité humaine qui n'est pas une généralité qui existerait dans la pensée mais dans le monde, en soi. Et cette généralité n'a jamais été définie, sauf par Hegel. Ce que les sauvages et les hommes modernes ont d'identique, c'est qu'ils pratiquent la communication, très différemment évidemment, mais la communication cependant. " (HÉCATOMBE, p. 152.) " Ou bien la production et la communication sont des apparences et seule la communication est réelle, la communication est la seule chose. Ainsi le voulait Hegel, et Marx ne l'a pas compris. " (HÉCATOMBE, p. 347.)