Posted by F.C. on April 03, 2000 at 05:31:09 PM EDT:
Mondes rebelles ne retient, "sur la scène insurrectionnelle mondiale", que les "mouvements de guérillas, milices ethniques ou partisanes, groupes terroristes et formations paramilitaires ou mafieuses". Adopter ce point de vue, c'est ne voir dans la "rébellion" que l'aspect institutionnel, c'est-à-dire l'organisation en vue de la prise de pouvoir. A l'opposé d'une telle conception, la revue Bibliothèque des émeutes s'est donné pour tâche, depuis 1990, de rassembler toute la documentation disponible sur les émeutes contemporaines, qu'elle considère comme les formes privilégiées de la rébellion, justement parce qu'elles ne procèdent pas d'un calcul politique, mais d'une révolte spontanée contre l'aliénation : Adoptant un ton volontiers provocateur et souvent ironique, les huit numéros parus de cette revue ne manquent pas d'intérêt : les mouvements sociaux y sont analysés dans une perspectives mondiale - ce qui est suffisamment rare pour être signalé -, et ces analyses ne se limitent pas au rabâchage des opinions de journalistes ou d'"experts" en tout genre. On y trouve, par exemple, une critique très serrée du traitement différencié auxquels ont donné lieu divers types de révoltes en 1992 : "la bonne émeute de Los Angeles", censée répondre à "une colère légitime" ; la grève des camionneurs en France, "diffamée" et qualifiée de "stupide" ; "la mauvaise émeute de Rostock", que l'on s'est limité à étiqueter d'extrême droite, ce qui a dispensé d'aller y voir de plus près ; enfin la 'purification ethnique' en Bosnie, perpétrée dans une impunité absolue, pendant que les experts se disputaient pour savoir si les Serbes étaient les 'méchants' et les Croates les 'bons'. Dans son dernier numéro, la Bibliothèque des émeutes s'est efforcée de déterminer quel pourrait être "le véritable contenu de la prochaine insurrection", en remettant à l'ordre du jour la "théorie des conseils" - sur le modèle des conseils ouvriers russes et allemands de 1917-1923 - comme étant la "seule forme d'organisation issue des révoltes spontanées" qui soit "en cohérence avec cette spontanéité". La faiblesse des conseils estévidemment qu'ils ont toujours été "complètement récupérés" ou "tragiquement massacrés", et les rédacteurs de la revue ne se font pas trop d'illusions sur la possibilité de voir se produire à brève échéance, dans la pratique, une "remise en marche" de cette forme d'organisation.