Posted by on February 26, 2000 at 02:55:49 PM EST:
Le derriériste Hate Company n’a pas compris ce qu’était un derriériste.
Hate Company « croit » que la communication est la cause première. C’est bien ce que nous avions compris. D’autres croient que c’est Dieu : remplacez communication par Dieu dans le charabia de Hate Company et ça marche pareil. « And in all its glory, too ! »
La logique de boutique voudrait que la chose qui soit essentielle en ce moment l’a donc toujours été : en ce moment ce qu’il y a d’essentiel c’est ce que j’écris, mais ça n’a pas toujours été essentiel. Pour le voyérisme orthodoxe, tout est déjà là, toujours, et seules les formes changent, toujours. Le fond définitif de la révélation est atteint, on ne peut pas dépasser la communication de Voyer, jamais.
Hate Company continue toujours de sauter ce qui ne l’arrange pas : pourquoi la communication devrait traverser un process historique ? Si c’est le cas, la communication dépend de l’histoire ou du process. Mais il va nous dire que la communication est l’humanité, et que le tout est l’histoire, et que tout est process, etc.
La différence entre communication et humanité est la suivante : la communication est la réalité, l’humanité n’est pas une réalité, elle est à réaliser. D’un côté Hate Company, qui n’est plus à une contradiction près, prétend que communication et humanité c’est la même chose (alors pourquoi y a-t-il deux mots différents pourrions-nous répondre à ce militant qui utilise bien ce vieil argument imbécile pour infini et éternité) et ailleurs il soutient « Of course, natural selection could help build communication. But no humanity ». Ce n’est donc la même chose que quand ça l’arrange.
Et que dire de la perle suivante où le militant, trouvant une nouvelle différence entre communication et humanité qui sont la même chose, reconnaît dans son darwino-voyérisme que la communication peut donc avoir une cause autre, et quelle cause ! : « The cause of communication could well be another thing, one of this unfounded, meaningless things at the time. But the cause of humanity, the primary cause, could not be other than communication. »
Hate company fait donc une différence entre l’humanité et autre chose qui existe, et même avant l’humanité. Il intercale seulement la communication entre l’humanité et cet autre chose. Maintenant si cette autre chose, qui contribue au moins à causer la communication, existe qu’est-ce que c’est, et c’est forcément ça qui nous intéresse, et non l’humanité, qui n’en est qu’une partie ?
« Only communication made their meaning, that is to say their reality, possible. » Quant au concept de réalité, l’enculé Voyer nous avait habitués récemment à un usage spécieux, mais là on va encore plus loin. Quand réalité devient signification, les idéologues se frottent les mains : Dieu, Mickey Mouse, l’amour éternel, la licorne, qui ont de fortes significations, ont donc de la réalité selon la définition de notre voyériste orthodoxe.
Hate Company présume et lit mal quand il pense que pour nous infini veut dire éternel, qui est la forme temporelle de l’infini. Nous l’avons dit à de nombreuses reprises, infini veut dire sans fin. Quelque chose qui n’a pas de fin n’est pas vérifiable pratiquement et n’a donc aucune réalité possible. Réaliser, c’est finir. Construire une pensée sur l’infini est une escroquerie religieuse, quelle que soit la forme d’infini utilisée. Hate Company s’est gardé de répondre à la question de savoir si l’infini de la communication de Voyer est une spéculation ou non.
Avec le nombre pi, Hate Company renverse l’argumentation de l’infini qualitatif, qui prétendait trouver sa limite en soi et uniquement en soi. 3,14 au contraire est présenté comme un infini qui n’a aucune limite en soi, mais auquel il est reconnu une limite extérieure : celle de la fin de l’humanité. Nous sommes d’accord avec cette façon de considérer l’infini, comme une hypothèse de travail, ou comme élément d’une démonstration par l’absurde. Nous savons évidemment que l’infini est un vrai paradoxe, au sens de sophisme, c’est-à-dire que pour qu’une chose puisse être prétendue infinie, il faut que sa définition ou son énoncé soit erroné. D’ailleurs, l’infinitude d’une chose persiste même lorsque l’erreur de départ qui a conduit à la contemplation résignée de cette infinitude est révélée : la théorie de la relativité a démantelé le paradoxe d’Achille et de la tortue, mais par rapport à son énoncé, Achille continuera de réduire la distance à la tortue sans jamais pouvoir la rattraper, et ceci à l’infini.
Mais il y a une différence fondamentale entre l’utilisation de l’infini comme contrepoint par l’absurde pour éclairer un argument, et comme résultat et fondement d’une théorie comme celle de la communication de Voyer, puisque dans ce cas l’infini a des conséquences directes sur la pratique, sur le projet, et sur le concept même de l’humanité.
Un dernier mot sur ce point crucial, et il va faire plaisir à nos détracteurs, mais probablement dans un premier temps seulement. Les voyéristes et autres défenseurs de l’infini veulent bien nous accorder que dans le temps tout a une fin. Ils associent en effet l’infini dans le temps au mauvais infini, puisqu’ils croient toujours qu’il y a un mauvais et un bon infini, et cette dépréciation n’est pas étrangère au mépris et à l’ignorance qu’ils ont de la catégorie centrale qu’est l’histoire (eux en sont encore à la préhistoire). Mais l’infini dans le temps est bien plus une propriété de chaque infini qu’un infini séparé et différent des autres, à moins qu’on admette avec les ismaéliens que le temps est une petite parenthèse de parenthèse de parenthèse dans la métahistoire. Car, tout infini, qu’il soit pi ou l’idée absolue, qu’il soit Achille et la tortue ou la communication de Voyer, est soumis au temps. Aucun infini ne peut se dire affranchi du temps, et ni Hegel ni même Voyer n’ont prétendu pareille sottise voyériste. Tout infini prétend donc être éternel, bien sûr. L’exemple de pi finissant avec l’humanité (nous pensons plutôt avant, mais peu importe) montre que l’infini n’est possible que dans l’énoncé incomplet qui sous-entend une intemporalité qui évidemment n’a pas davantage de réalité que l’économie. En effet, si l’infini n’était plus soumis au temps, il l’aurait aboli, et à ce moment-là personne ne pourrait dire que dans le temps tout a une fin.
Pour le militant Hate Company la pensée des Indiens est moins aliénée que la pensée des pauvres modernes, et les totems sont davantage une construction sociale consciente que la marchandise. Le plus ou le moins de l’aliénation, le fait que la marchandise soit moins une construction sociale consciente qu’un totem (rappelons à ce propos que l’économie existe en tant que pensée, comme n’importe quelle religion, et que c’est précisément une construction sociale consciente pour expliquer cette autre construction sociale consciente qu’est la marchandise ; il n’a pas suffi de dire que Dieu n’a pas de réalité pour faire cesser le christianisme, et il en va de même pour l’économie, avec laquelle le prétentieux Voyer disait en avoir fini dès 1991), c’est tellement ridicule que la réponse est dans l’exposé.
Hate Company voudrait, pour expliquer que les riches contrôlent, que le mot posséder englobe, par définition, contrôler. Il croit qu’en modifiant le sens des mots, en leur attribuant leur sens figuré, il aura rétabli sa vision voyériste orthodoxe du monde. Ce que nous avions essayé de lui expliquer, c’est que dans le monde d’aujourd’hui, posséder et contrôler sont deux concepts fort différents, en particulier dans l’organisation de la société. Les propriétaires, ceux qui possèdent, sont rarement ceux qui contrôlent, et sont en diminution quantitative et qualitative accélérée. En revanche, il y a de plus en plus de choses non possédées, et même, comme le montre l’aliénation, de choses et de pensées non contrôlées. L’organisation sociale entre riches et pauvres est un vestige de la pensée économiste, qui avait encore une apparence de vraisemblance dans les années 60 (à l’époque où, d’après ce qu’il dit, l’enculé Voyer a fait sa petite expérience de capitaliste, dont personne n’a jamais compris pourquoi il ne l’a pas continuée ou renouvelée puisque les pauvres sont des minables et la richesse est seule intéressante), mais les révoltes depuis ont accéléré l’évanescence de cette ancienne bipolarité économiste. Les gueux, lorsqu’ils se révoltent, ont affaire à d’autres pauvres, gestionnaires, qui savent très bien qu’ils ne possèdent pas ce qu’ils gèrent et qui connaissent à la fois les inquiétudes des latifundistes devant les soulèvements de leurs paysans, et les frustrations des métayers soumis à toutes les précarités, l’indifférence mercenaire face à un bien qui n’est pas le leur, et une hargne parfois meurtrière de l’arrivisme contraint de faire ses preuves chaque jour.
Et ça continue, satisfait de soi : « "the thought of the goods is the absense of human spirit". Not absense of spirit altogether, just absense of human spirit. » Nous voilà donc maintenant avec deux pensées, une qui est humaine et l’autre qui ne l’est pas. Après qu’on nous ait rabâché que toute communication, toute pensée, était humaine ! Elle est quoi alors, bon militant, la pensée non humaine ?
On va éviter deux ou trois laborieux allers et retours avec notre orthodoxe de service, en résumant ici ce qu'il pense à ce sujet. Pour lui, il y a deux types de pensée, la pensée des humains, la pensée de la désaliénation, le négatif ; et la pensée des choses, qui est indépendante, aliénée. D’un côté la pensée du voyérisme orthodoxe mal digéré, de l’autre la pensée que le jargon récent de la petite secte appelle malcomprenant, pour dire : ne comprennent pas les choses comme eux, et qui va des marchandises aux téléologues. D’un côté la bonne pensée (ouf, les Indiens sont du bon côté), de l’autre la mauvaise (beurk, la bombe atomique, tiens il n’a pas répondu là-dessus notre bon militant, beurk, beurk, beurk, les téléologues, crétins, idiots, imbéciles, etc.). D’un côté la communication aliénée avec laquelle il n’y a rien à faire, poubelle, de l’autre la bonne communication qui va tous nous libérer et nous créer un petit monde voyériste à perpète (éternel) où on communiquera enfin sans aliénation, car la communication infinie sera réalisée selon son concept, mais dans le bon infini. Nous voilà exactement revenus dans la discussion avec le voyériste fondamentaliste sur toute communication est nécessairement aliénée vs. non, un petit village gaulois résiste à l’aliénation du monde, avec Voyérix, Panzerix qui est tombé dedans quand il était petit, toupetivoyérix qui prépare la potion en prétendant que tout cela n’existe pas et hatecompanix qui fait le chef sauf au marché aux poissons avec sa femme. Une communication rédemptrice existe. Yeah ! Pour lui donner un peu de poids, elle en a besoin, on va l’appeler ici human spirit. Car Papy Voyer a bien parlé de deux communications, l’une aliénée, l’autre directe. Et voici ce qu’est un paradoxe en milieu voyériste : c’est une contradiction, mais une contradiction qui échappe à la dialectique, c’est-à-dire une contradiction qui ne se résout pas. Paradoxe est le mot bien comprenant pour une contradiction du maître, l’enculé Voyer.
La discussion qui avait commencé entre les voyéristes, et qui nous aurait davantage intéressés que leurs vains ergotages contre les téléologues, est de savoir en effet qui est orthodoxe et qui ne l’est pas, celui que nous avons appelé le fondamentaliste, ou celui que nous avons appelé l’orthodoxe, non sans partialité comme on le voit (mais nous sommes toujours prêts à être détrompés) : est-ce que la communication est tout aliénée, donc il n’y a rien à faire, ce monde est soumis à une communication infinie, et dans ce cas-là infini est éternel a foritiori et la catégorie de l’histoire est un gadget, ou est-ce que, dans la communication même, tout infinie qu’elle est, existe un négatif, qui permet un projet qui ne soit pas indifférent, une action, et c’était la question de départ de Hate Company, et cette version est justifiée par le fait que nous serions dans la préhistoire, puisqu’il y aurait donc encore quelque chose à faire, une histoire à atteindre. Soit nous sommes dans la résignation totale, une éternité de communication aliénée, il n’y a rien à faire que chercher la reconnaissance théoricienne ou s’amuser avec ses goûts, et pourquoi pas devenir « riche », soit le projet social de l’IS a encore une validité, quoique fortement amendé puisqu’il ne se présente plus que comme la réappropriation de la grande masse de la communication - on n’en est évidemment pas encore à se demander pour quoi faire, dans quel but, et ce qu’on fera une fois ce but atteint -, et donc on est contraint à considérer la communication comme duelle, avec d’un côté la bonne communication, la bonne « richesse », celle qui nous fait préférer rester pauvres, et de l’autre la mauvaise communication, la méchante « richesse », celle qui nous fait préférer rester pauvres. Rappelons que la question initiale de Hate Company était : d’accord la communication de Voyer est infinie au point de nous exploser le cul, d’ailleurs on aime assez ça, mais à part ça, il y a quand même bien quelque chose à faire, non ?
Hate Company est donc, sans surprise, incapable de nous expliquer comment fonctionne la désaliénation. Il ne sait pas lire : nous ne parlions pas de la réification (à moins que son « objectification » soit autre chose que la réification, Verdinglichung), mais de l’aliénation, c’est-à-dire le mouvement de la pensée qui devient autre pensée. La réification est d’ailleurs une forme particulière de l’aliénation et non comme il le prétend l’aliénation une forme particulière de la réification : « However, alienation is only a special form of the objectification of thought. » Mais on n’est plus à ça près.
C’est donc dans la confusion des multiples contradictions et la mauvaise foi que se termine la première déroute du voyérisme orthodoxe (quoique nous sommes convaincus que ce mauvais perdant va encore essayer de corriger l’impression laissée, plutôt que de comprendre ce que nous disons ; il est vrai que ce n’est pas lui, le derriériste, et ses alter ego que nous voulons convaincre). Nous allons quand même répondre aux petites aigreurs de la fin de son courrier : un voyériste n’a pas besoin d’être un théoricien pour être voyériste, et si nous avons appelé « militant » le petit personnage scandalisé que nous avons en face de nous, c’est parce que, évidemment, nous ne l’avons jamais pris pour un théoricien ; nous ne pensons pas avoir de « théoriciens concurrents », parce qu’une fois de plus, notre théorie n’est pas là pour une éventuelle carrière à la Voyer ; nous avons souvent osé rendre compte de ce que nous sommes, c’est-à-dire comme le militant le dit assez justement, nothing, ce sur quoi il n’y a pas à épiloguer. D’ailleurs nous ne lui demandons pas non plus ce qu’il est, nous le savons : nothing. Quant à la faiblesse de notre contribution théorique, elle est évidente, mais tout de même assez au-dessus des prétentions du voyérisme orthodoxe, encore si loin de l’avoir comprise.