Viande faisandée


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Posted by Manuel Venator on February 24, 2000 at 12:13:21 PM EST:

In Reply to: Pédagogie posted by Artitotalitaire on February 23, 2000 at 08:02:33 PM EST:

Tout d'abord, je voudrais remercier Aristote pour ces merveilleux lapins de garenne qu'il a exhumés de l'oubli pour les porter à la connaissance du Debordof.
Une fois de plus, je vais devoir me faire l'avocat du diable mais c'est dans un but heuristique et, j'espère, thérapeutique.

Cette "Section Ecossaise du Mouvement Chienniste International" (sic) a beau nous affirmer : «nous pensons qu'une critique du monde mal fondée… est mille fois plus pernicieuse qu'un n-ième éloge de circonstance du paradis», elle ne nous dira pas sur quoi se fonde sa critique du monde, sinon en nous refourgant une n-ième resucée du marxisme, horizon indépassable de notre temps, semble-t-il.

Mais c'est sur l'article de Denis Collin, «tout à fait étranger au Mouvement Chienniste», que je voudrais intervenir, article intitulé "A propos de L'essence du néolibéralisme de Pierre Bourdieu".
Dans son intervention, il affirme : «On comprend mal en quoi le monde peut être "la mise en œuvre d'une utopie"». (Et l'URSS, c'était quoi alors, sinon une utopie léniniste et stalinienne ?)
Il reproche à Bourdieu de ne pas employer intentionnellement les termes "mode de production capitaliste", "idéologie". En somme, ce que Collin reproche à Bourdieu, c'est de n'être pas marxiste ! Intéressante découverte que nous faisons là ! Au lieu de critiquer Bourdieu de manière raisonnée, il utilise l'argument d'autorité, en l'occurrence Marx et «sa méthode matérialiste (ou même simplement scientifique)» comme il l'écrit naïvement.

Autre affirmation : «Si le Capital [le livre] est inachevé, c'est parce que Marx n'a pas cru pouvoir livrer ses travaux au public, tant qu'il ne pouvait pas résoudre quelques problèmes épineux.» Doux euphémisme ! Si M. Collin avait lu "Les trois communismes de Marx" de Francis Kaplan, il aurait pu relever : «Marx a eu conscience de l'insuffisance des réponses qu'il apportait aux objections qu'il avait lui-même soulevées [allusion aux contradictions manifestes entre la loi de la valeur-travail, la loi des échanges équivalents et le surtravail, contradictions que Kaplan relève minutieusement]. Comment expliquer autrement son silence après la parution du livre 1 du Capital en 1867 ?»

Je continue ma lecture : «Il ne s'agit pas de reprocher à Bourdieu de n'avoir pas lu Marx.» Non ! C'est pour lui reprocher de ne pas le prendre pour maître !

«Bourdieu fait exactement ce qu'il reproche aux économistes néolibéraux, confrondre les choses de la logique avec la logique des choses.» Exactement comme vous faites M. Collin en invoquant l'argument d'autorité en dehors de tout raisonnement logique !

«On devrait savoir depuis la magistrale étude de Karl Polany [La Grande Transformation, Gallimard] que le libre marché présuppose une intervention réglementaire massive et le développement de l'appareil répressif.» Mais avec le soutien actif des travailleurs, ainsi que l'affirme Castoriadis, cité par Michel Barrillon dans "D'un mensonge déconcertant à l'autre" : «les luttes des travailleurs ont sauvé le capitalisme en élargissant les marchés intérieurs et en corrigeant les "irrationalités" de son mode de fonctionnement car, livré à lui-même, le capitalisme "se serait effondré cent fois."» (p 110) Il ne suffit pas de dire que le capitalisme survit grâce à la contrainte (cela, c'est l'échec de l'URSS qui n'a pas su se faire aimer de ses gouvernés) mais avec également la complicité des salariés qui, loin de vouloir le renverser, veulent avoir une part du gâteau de la richesse ! Le concept de servitude volontaire est plus pertinent que ceux de contrainte et de répression. Si vous ne tenez pas compte de cette donnée, M. Collin, comment voulez-vous expliquer «"les bonnes raisons" qui ont poussé une partie des salariés à accepter, peu ou prou, ce néolibéralisme quitte à en limiter les effets les plus dévastateurs par de grands mouvements sociaux.» ?

Pour finir, je ne crois pas, comme vous l'affirmez dans votre conclusion, que le fascisme a été inventé pour sauver le capitalisme en perdition. Vous péchez par économisme, comme avait tendance à le faire Marx. Si votre affirmation était vraie, pourquoi le fascisme et le nazisme ont-ils été circonscrits à un nombre de pays limité après la crise de 1929 ? Pourquoi se sont-ils effondrés ? Comment se fait-il que le fascisme apparaît en Italie après la 1ère Guerre Mondiale et s'empare du pouvoir dès 1922 ? En vérité, l'apparition du fascisme et du nazisme est une conséquence de la 1ère Guerre Mondiale dans un pays vaincu (l'Allemagne) ou dans des pays mal récompensés pour leur intervention au côté des Alliés (Italie, Japon). La crise de 1929 n'est que le détonateur qui permet au nazisme d'accéder au pouvoir et de satisfaire la soif de revanche des allemands humiliés après le Traité de Versailles de 1919.



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