Posted by OT on February 15, 2000 at 03:05:36 PM EST:
In Reply to: Yet more answers (better format) posted by Hate Company on February 08, 2000 at 09:54:04 PM EST:
Vous dites que la communication est la cause première, comme les déistes disent que la cause première est Dieu, et vous n'expliquez pas davantage. Comme eux, vous récitez une croyance fondamentale.
Vous dites que Dieu et le big bang n'existaient pas avant l'humanité. Nous sommes de cet avis, mais tel que vous le dites ce n'est qu'une affirmation gratuite, qu'il est facile de renvoyer dos à dos à ceux qui pensent que rien n'existe avant Dieu et à ceux qui pensent que rien n'existe avant le big bang.
Chez vous comme Dieu, et à sa place, la communication est déjà là, grande dispute théologique, incréée ou créée, substance patati, infini qualitatif, tout est dans tout et vous appelez ça la communication. Vive la tranquillité.
Mais voilà que la communication viendrait de la sélection naturelle. Donc il existe quelque chose à quoi la communication est soumise. Nous aurions plutôt pensé en vous lisant que la sélection naturelle aussi dépend de la communication ; mais non content de cela, la communication doit aussi accomplir un process dialectique à travers l'histoire. Voilà notre cause première soumise à un devoir, à une obligation, à un process, à une méthode - la dialectique -, à un devenir purement temporel. Parce que notre cause de tout (à l'exception de sa sélection naturelle) doit soudain s'accomplir. Pourquoi ? Par quel décret divin ? Qu'est-ce que ça nous apportera qu'elle soit accomplie, puisqu'elle cause déjà tout (à l'exception de la sélection naturelle et du process de l'histoire et de la dialectique, puisqu'elle y est soumise) et continue de tout causer ?
Par ailleurs, la sélection naturelle n'est-elle pas, comme son nom l'indique, une cause « naturelle » au même titre que, selon vous, le big bang ? Et n'est-elle pas de la même manière une construction positiviste qui n'existe que « through a special type of organization of communication (science) » ?
Nous ne saisissons pas bien votre « It is what differenciates as from a pig or a journalist. » Faut-il comprendre que les journalistes, qui sont pourtant le gros bataillon du parti de la communication, ne font pas partie de la communication selon vous ? Et les cochons, qui après tout sont aussi des marchandises, non plus ?
Vous expliquez la fin du monde par la fin de la communication, donc la fin du monde et la fin de la communication existent, même pour vous. Vous seriez bien du genre à expliquer l'infini du monde par l'infini de la communication et vice versa. Peu importe que la fin du monde et l'infini du monde se contredisent. Easy one, huh ?
Vous retournez le fait que la communication dépend de l'humanité en son inverse, mais vous ne réfutez pas le fait que la communication dépend de l'humanité. D'ailleurs quand vous dites the universe vanishes when humanity does, soit l'humanité est donc bien la cause première, soit vous vous êtes trompé une fois de plus et vous auriez dû dire pour un dernier semblant de cohérence que l'univers disparaît quand la communication (et non l'humanité) disparaît. Il faut en tout cas conclure que communication et humanité sont la même chose. Si non, vous aurez bien l'obligeance de signaler au monde émerveillé en quoi communication et humanité se différencient. Vous en profiterez pour nous instruire si l'humanité est ou non infinie, comme nous vous le demandions.
La bombe atomique serait une absence de communication ? Sa cause n'est-elle pas la communication ? L'absence de communication n'est-elle pas communication, quand la communication est tout ? Si l'absence de communication n'est pas communication, quelle est l'origine de l'absence de communication ? Qu'est-ce que vous appelez absence de communication ?
La pensée des totems serait en fait la pensée des Indiens. Mais vous nous avez expliqué que la pensée des marchandises est la pensée des « riches » qui la possèdent. Où est la différence ?
Contrôler n'est pas posséder, d'autres exemples : le gouvernement des Etats-Unis contrôle l'Amérique centrale, mais ne la possède pas ; qui la possède ? Saddam Hussein contrôle l'Irak, mais ne le possède pas ; qui le possède ? Bill Gates contrôle Microsoft, mais ne le possède pas, ce sont ses actionnaires, et encore seulement sur un plan strictement juridique ; je contrôle cet échange mais je ne le possède pas, parce que personne ne possède cet échange, il n'y a pas de propriété privée, il n'y a pas de possession en la matière.
Les « esclaves » ne pensent pas. Et ce qui différencie un humain d'une chose, c'est que l'humain pense, mais pas la chose. Après nous avoir répété en long et en large que les choses pensent ! Vous vous moquez du monde ?
Votre vision des managers, des policiers et des propriétaires montre au moins que vous n'en faites pas partie. Vous avez des riches une image si caricaturale qu'on voit que vous ne connaissez le monde qu'à travers Voyer-Debord et pas, comme nous, à travers le monde.
Vous dites qu'on ne trouve pas la richesse qualitative dans ce monde. Tant mieux, ça nous laisse quelque chose à faire, n'est-ce pas ? C'est comme le communisme et le paradis. Heureusement que l'au-delà nous fait rêver. Vous dites que cette richesse qualitative, qui n'existe pas, sauf peut-être dans un autre monde, est la substance humaine. Il faut donc en conclure que la substance humaine n'existe pas dans notre monde.
Vous avez de l'esprit l'acception qu'on en avait dans les cours du XVIIIe siècle. Pour savoir ce qu'est l'esprit découvrez cet intéressant ouvrage de référence : 'la Phénoménologie de l'esprit'. Il n'a pas encore été critiqué. Vous y découvrirez peut-être que la pensée des marchandises est de l'esprit.
Vous avez de l'aliénation l'acception qu'on en avait dans les salons philosophiques du XIXe siècle. Pour savoir ce qu'est l'aliénation découvrez cet intéressant texte de référence : 'Ali et nation'. Il n'a pas encore été critiqué. Vous y découvrirez peut-être qu'il n'y a pas de pensée sans aliénation et même que la pensée de la désaliénation est au mieux une aliénation d'une pensée.
La tentative d'éliminer de l'aliénation dans la Commune de Paris ne répond toujours pas à la question : comment est-ce qu'on élimine de l'aliénation ? L'aliénation n'est pas une tâche qu'avec la bonne Commune de Paris de chez Ajax on pourrait nettoyer, voire qu'on pourrait éviter avec un peu plus d'écologie.
Le sens que nous donnons à « infini » est celui de contraire de fini. Que l'infini soit linéaire comme en arithmétique ou retourné en soi comme chez Hegel, l'infini est une lubie qui arrange les conservateurs.
Qu'une chose « soit » sa propre limite - ou, à plus proprement parler, qu'une chose contienne sa limite, ne soit pas limitée par un autre - n'en fait pas pour autant une chose infinie. La fin de tout, la fin de la totalité, est comprise dans la totalité ; sans quoi on ne pourrait parler de totalité. Embrasser tout, c'est tout contenir, donc tout délimiter. Ce qui embrasse tout est ce qui donne à tout sa limite. Est-ce que pour vous la communication et la totalité sont identiques, ou est-ce que la communication est le concept magique qui vous permet de ne pas penser la totalité, jusqu'à la fin donc ?
Comme nous l'avons déjà dit, l'infini est ce qui est invérifiable par essence. Seul le fini est vérifiable. Seul le fini a de la réalité. Quelque chose qui ne finit pas, qui nous dépasse et que nous, humains, humanité, communication, ne pouvons donc pas maîtriser par définition, est l'essence de ce que nous appelons une religion. Si l'économie est une religion, comme vous l'affirmez avec nous, c'est parce qu'elle prétend gérer l'infini. La communication de Voyer n'en est qu'une variante moderniste.
Vous êtes un brave militant de cette variante moderniste. Vous en récitez de pleins chapelets, aussi vite que possible. Lorsqu'on vous montre une contradiction, vous l'ignorez, ou vous renversez le terme, mais sans répondre à la contradiction. Tranquillement, comme s'ils n'existaient pas, vous continuez à enfiler contradictions et archaïsmes, banalités grandiloquentes et épaisses pirouettes. Si nous vous répondons, c'est uniquement comme un hobby, comme surfer (mais pas le week-end, parce que le week-end, vous savez, nous faisons des émeutes), et je pense que vous pouvez en être satisfait.
Les autres auront compris que votre balourde scansion du dogme voyériste mal digéré nous permet d'en montrer certaines contradictions et limites.
Un voyériste vous décerne une palme de bien comprenant. Il aime bien votre lecture de Voyer, parce que votre compréhension est juste un peu en dessous de ce qu'a dit le falsificateur, ce qui permet d'ergoter en long et en large sur les détails du corpus, et ce qui en définitive a pour fonction de le valider, et de lui faire occuper la tribune, même avec des peccadilles. Ainsi, qui n'a pas ri en découvrant vos tentatives d'allier le voyérisme au darwinisme ? Est-ce que la communication existait déjà au temps des singes ? Et au temps encore antérieur des poissons ? Et encore avant ? Mais s'il existe des choses avant la cause première, comment peut-elle être cause première ? C'est sans doute que du temps des malheureux poissons la vraie religion, la communication infinie, n’avait pas encore été révélée. Le même voyériste n'aime pas du tout notre façon de comprendre Voyer (même quand nous arrivons aux mêmes conclusions que vous, le bien comprenant, par exemple quand nous comprenons que l'économie est une religion). C'est logique : notre lecture va loin au-delà de ce que Voyer a dit. C'est très fâcheux pour le voyérisme, parce que dans le voyérisme des voyéristes il n'y a pas d'au-delà de Voyer, dont la théorie serait une sorte d'infini à la mode qualitative : elle ne peut avoir d'autres limites qu'elle-même. Nous continuons donc de penser que vous digérez mal votre Voyer, et vous n'êtes pas le seul. Par pensée bien digérée, nous entendons une pensée qu'on peut déjà chier, critiquer, et non une pensée ruminée à s'en étouffer.
Notre critique de Voyer, qu'on nous reproche de ne pas avoir faite en décortiquant l'enquête ou les révélations sacrées, et en les retournant comme des artichauts, à la manière dont les jeunes hégéliens travaillaient le corpus de Hegel, consiste seulement dans l'affirmation de quelque chose qui invalide son fondement : tout a une fin. Il n'est pas nécessaire de rentrer dans les vraies disputes byzantines pour critiquer et dépasser le byzantinisme. Au contraire.