Posted by Adreba Solneman on December 07, 1999 at 05:57:41 PM EST:
In Reply to: Re: la fin dites vous ? posted by trop humain on December 06, 1999 at 01:31:35 AM EST:
De l'histoire
4) L'HISTOIRE EST UN JEU
L'histoire est le moment le plus bref imaginable, maintenant. Et l'histoire est tout le temps mesurable de l'humanité. Cette étendue étourdissante, qui paraît infiniment grande, n'existe que dans cet instant qui paraît infiniment petit. De ces deux grandeurs contradictoires, l'histoire tire sa gravité et l'inépuisable richesse du monde, un éclat de rire au milieu d'un cortège de misères.
La fin de l'histoire, la réalisation de l'humanité, est le but de l'histoire. La réalisation de la vie individuelle n'est pas différente de la réalisation de l'histoire : c'est pourquoi aucune vie individuelle n'est encore réalisée. Le besoin de cette réalisation simultanée de l'individu et du genre contient seul la satisfaction définitive appelée bonheur. Mais le bonheur n'est encore qu'une idée invérifiée, un but indéterminé. C'est ce but, qui pourtant rend identique toute grandeur avec leur vie, et attire les humains comme un aimant, qui, pour l'instant, est encore au-delà de leur vie. Leur fin est le seul véritable besoin qui les fait vivre. C'est un besoin qui n'est fait proprement que du contraire du besoin. Aussi bien, la réalisation de l'histoire est à la fois besoin de l'individu et de l'humanité. C'est le besoin qui contient et fonde tous les autres. La gloire est l'empreinte dont l'histoire marque ceux qui s'en emparent. A notre époque, le peu d'estime pour la gloire, le peu de gloire même, mesure l'étendue de la résignation de l'humanité à se réaliser.
Ceux qui ambitionnent la gloire, ceux qui savent ou veulent faire l'histoire, savent que l'histoire est un jeu. Pour les autres, qui en sont les pions, l'histoire est une succession de catastrophes : l'histoire est le débat dont ils sont le bâillon, la dispute dont ils sont le tampon, la guerre dont ils sont les cadavres, l'embrassade dont ils sont l'interdit. Les joueurs qui connaissent ce jeu extrême qui va au-delà de leur vie savent qu'eux-mêmes doivent aller au-delà d'eux-mêmes ; et, probablement, cela sera insuffisant. Loin de décourager, cette exigence démesurée attire. Je n'énumérerai pas les qualités qu'il faut pour gagner, car il les faut toutes. Je veux seulement signifier que le but, c'est la victoire : que l'histoire soit courte !
Les ennemis de l'histoire disent : que l'histoire soit longue ; et même : que l'histoire s'arrête ! Ce jeu absolu, ainsi, est le jeu pour la maîtrise de la totalité, qui appartient à l'humanité entière, mais aussi le conflit de l'humanité divisée. En effet, ce qui rend ce jeu absolu est qu'il n'a pas d'autres règles que celles, toujours et toutes éphémères, que se donnent les participants. Le sacré est une règle du jeu profane, l'infini est le labyrinthe de l'illusion dans l'histoire, l'absolu même n'est que la règle implicite de faire des règles explicites.
L'histoire enfin est à la vie ce que le quotidien est à la survie, la mesure de son temps. Le jeu est l'activité générique de l'homme, où l'intelligence est l'unité du cœur et du cerveau. Dans son besoin de pratiquer le jeu, l'histoire, l'humain ne rencontre la nécessité que comme misère, comme accident, comme aliénation de son intelligence. Notre époque complète le monde en révélant le travail comme contraire du jeu, la nécessité comme contraire de la vie, le quotidien comme contraire de la richesse. Jamais la richesse n'est nécessaire. L'humanité peut survivre sans histoire. Les égarements du cœur et de l'esprit peuvent aller jusqu'à l'oubli du cœur et de l'esprit, jusqu'à la résignation. L'amour et le génie se sont raréfiés, incritiqués, dans l'inflation de leurs ersatz, de mêmes noms. Dans le jeu, il n'y a pas davantage de leçons à retenir que de lois respectables. La richesse pratique, l'histoire, n'a pour seule exigence, limite et principe que la volonté des humains, qui est leur goût du jeu, d'en finir.
5) EN DEFINITIVE
L'histoire est le jeu de l'humanité entière et divisée, ici et maintenant. Elle a pour but la maîtrise et la fin de l'humanité et du temps.
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