Posted by Jean Terrien on December 05, 1999 at 12:41:17 PM EST:
In Reply to: Le temps des résumés n'est il pas venu? posted by Jean Terrien on December 04, 1999 at 04:29:59 AM EST:
De: saure
> > Répondre à: philosys@ns.levesinet.net
> > Objet: Cioran, du nihilisme à la plénitude. -- R.1.3211
> >
> > MESSAGE #3211: Cioran, du nihilisme à la plénitude.
> > AUTHOR: Saure
> > DATE: Saturday, 4 December 1999, at 7:06 p.m.
> >
> > Je ne sais pas si certains des intervenants habituels de ce forum
> ont déjà lu et apprécié Cioran.
> > Dans quelques aphorismes désabusés et simples, Cioran évoque sous
> des angles
> > multiples sa peine d’être conscient et le regret de n’être pas plus
> idiot,
> > aveugle, sourd, au point qu’il voit la vie elle-même comme une
> malédiction.
> > D’autres auteurs plus anciens avaient déjà émis l’idée que la
> consience était
> > une tare, et comme une erreur de la nature. Pour exemple,
> Nieztsche, me
> > semble-t’il, avait vu dans l’intelligence une réaction de défense
> des faibles
> > contre les forts, et au bout du compte l’expression d’une baisse de
> vitalité
> > pour l’humanité ou les faibles triomphent. La victoire née de
> l’intelligence,
> > l’intelligence née de la ruse, la ruse née de la faiblesse. C’est
> sans doute à
> > ce titre qu’il fut récupéré à peu de frais par le régime nazi, ou
> l’on clamait
> > fièrement un retour à la barbarie.
> >
> > Mais Cioran va plus loin en promenant un regard cynique sur
> l’arrogance de la
> > vitalité. Il démonte la vie elle-même et tous les sens que nous
> pourrions lui
> > donner. Il ne laisse même pas de chance à l’animal qui est en nous
> !
> >
> > Cioran m’a aidé à dépasser Nieztsche, et en dépassant Nieztsche je
> crois finir
> > par dépasser Cioran. (pardonnez la forme péremptoire de mon propos)
> Car les
> > destructions menées par ces deux philosophes marchent l’amble.
> Elles reflètent
> > un même glissement vers la relativité des repères moraux. Arrivé au
> fond, on
> > respire un air qu’on ne s’attendait pas à trouver. On croyait
> s’enfoncer dans
> > le plus sombre désespoir et on se retrouve libéré (le temps d’une
> intuition).
> >
> > Il n’y a pas à adhérer. Se faire disciple de Cioran est une
> contradiction dans
> > l’âme. Mais le lire peut rendre libre. J’ai relu récemment « de
> l’inconvénient
> > d’être né » et j’ai éprouvé les mêmes sensations. Même effet
> thérapeutique
> > pour « les cîmes du désespoir », livre écrit pourtant par l’auteur
> à 22 ans
> > pour, dit-il en préface, éviter de se suicider.
> > Tout respect gardé à l’auteur, il faut lire Cioran pour le
> dépasser, même
> > quelques secondes. C’est brillant.
> >
> > Vous-même, quel regard portez-vous sur la conscience et sur la
> place de
> > l’intelligence dans l’évolution des organismes vivants ?
> >
> > Saure.
Pas mal ce style et cette tournure d'esprit, chère "Saure", cela fait
un moment que je lis avec plaisir vos contributions... toutes .
>"Vous-même, quel regard portez-vous sur la conscience et sur la
> place de l’intelligence dans l’évolution des organismes vivants ?
l'évolution n'est pas (encore) menée par une force rationnelle...
la matière et la nature sont animées d'une force mystérieuse qui pousse
les entités de l'univers à occuper tout l'espace qu'elles peuvent et
l'ayant fait butent sur les limites de cet espace (de toute nature)
la force est toujours là et conduit les entités à tatonner et à essayer
à peu près tout ce qu'elles peuvent essayer... (rats, insectes ou
hommes c'est pareil)
dans l'histoire de la terre un certain dépassement a été associé à une
augmentation de l'intelligence (outils) puis de la conscience (les
premières traces en sont parait il les rites funéraires).
l'intelligence et la conscience sont d'abord des résultats, imparfaits
d'ailleurs comme tout ce qui est produit par tatonnement. Personne ne
prend le temps de nettoyer les scories ... dès que c'est utile et assez
stable, la course reprend, trainant ses scories .....
à quoi cela peut nous servir dans le futur?
l'intelligence et la conscience me semblent avoir comme qualités
premières de favoriser les tatonnements sous formes mentales, donc
beaucoup plus rapides et moins couteux que les tatonements par mutation
des espèces...
l'intelligence et la conscience servent, de fait, à accélerer
l'évolution de la matière, toujours habitée par cette force.
le problème numéro 1 de l'humanité est de prendre le controle de cette
force qui la pousse aux limites et aux souffrances ...
l'homme a déjà, depuis quelques millénaires, échappé à la malédiction
animale qui voit les populations varier de 1 à 4 selon les incidences
du climat et des proies. D'abord des variations limitées à quelques
dizaines de % (pestes, famines) puis, depuis quelques siècles, une
croissance puis une stabilisation.
pour controler la force folle qui est en nous ... des philosophes de
grèce d'inde ou d'amérique ont inventé la fuite des passions et la
sagesse... ou le nihilisme ou l'hédonisme...
ils n'ont pu empêcher que chez les autres la guerre et la conquête
soient une activité majeure .... qui a conduit à la mondialisation sur
notre terre finie ...
nous voilà de nouveau aux limites : comment faire vivre ensemble les 12
milliards d'humains de 2100 (qui commencent à naitre), pourquoi ?
par pure extrapolation optimiste je vois que la conscience et
l'intelligence vont nous permettre de maitriser ces nouvelles limites ,
notamment controler enfin la population totale, tirer mieux parti de la
terre ....
et continuer plus vite l'expansion de la vie et de la pensée en dehors
de la terre....
quoique disent des penseurs à ras de terre et ras d'humanité ...
(l'homme dieu ?) l'intelligence et la conscience me semblent avoir
prouvé leur utilité pour le dessein apparent de l'univers : se
complexifier et étendre/multiplier ses formes les plus complexes...
la philo la morale et autrefois les religions ont pour signification de
permettre la vie en commun de plus en plus d'humains en état de
collaborer au tatonnement général et de construire les artefacts qui
permettront à la vie pensante de s'étendre et bientôt sauter dans
d'autres planètes galaxies ....
cela ne réduit pas la difficulté ni l'urgence de la tache ...
car en attendant les gens souffrent, s'entretuent et gaspillent de
cette force si abondante mais si brownienne ...
sans compter ceux qui sont saisis par le désespoir... et dont les cris
nous poignent le coeur...
de toute façon, chère Saure, comment ne pas célébrer cette intelligence
de tous ceux qui ont permis que je puisse vous lire !