Posted by Pierre Bergé on November 20, 1999 at 06:04:51 AM EST:
Yves Saint Laurent, un parfum de stock-options
MIEUX QUE des stock-options ! Avant de laisser les rênes de la marque Yves Saint Laurent à l'italien Gucci, et de se retirer sur l'Aventin de la haute couture, qu'il continuera à diriger, Pierre Bergé a pris soin de s'assurer d'un confortable système de « retraite » pour lui et pour son protégé, le couturier Yves Saint Laurent. Lors de la précédente cession de leur entreprise, à Elf-Sanofi en 1993, les deux hommes avaient provoqué une polémique en empochant à titre personnel 340 millions de francs pour la dissolution de la société en commandite par actions qui leur donnait les pleins pouvoirs. Cette fois, ils vont toucher 70 millions de dollars (445,4 millions de francs) de Gucci, pour prix de leur désintéressement de l'exploitation de la marque Saint Laurent et de leur renoncement à toute fonction opérationnelle dans les sociétés YSL Parfums et YSL Couture (prêt-à-porter). Deux maisons rachetées par Gucci à Artémis, la holding personnelle de François Pinault à qui Sanofi a vendu Saint Laurent en mars.
JUSQU'EN 2016
Cette somme conséquente n'est pourtant pas un « solde de tout compte ». MM. Bergé et Saint Laurent, qui ont épuisé plusieurs actionnaires en 38 ans - dont l'Italien Carlo De Benedetti et le pétrolier français Elf, les deux derniers propriétaires -, rechignaient encore à céder les rênes au tandem Domenico De Sole/Tom Ford, le dirigeant et le styliste de Gucci. Pour les convaincre, M. Pinault et le maroquinier italien, que le groupe Pinault contrôle à 42 %, ont dû accepter de mettre la main à la poche jusqu'en... 2016, année où le couturier français fêtera ses 80 ans (Pierre Bergé aura alors 86 ans).
Les deux fondateurs de la maison de couture ont obtenu de se faire rétribuer, via leur société commune Berlys Conseil, pour l' « assistance technique » qu'ils sont susceptibles d'apporter à Gucci afin de « promouvoir l'image et les marques d'Yves Saint Laurent ». Aux termes d'un protocole d'accord conclu le 12 novembre, valable jusqu'au 31 décembre 2006 et reconductible pour deux périodes successives de cinq ans, YSL Parfums devra verser chaque année à Berlys l'équivalent de 0,4 % du chiffre d'affaires tiré de ses marques. Un versement plafonné à 4 millions de dollars par an. Soit un total maximal théorique de 64 millions de dollars (407,6 millions de francs) sur seize ans.
Par ailleurs, la haute couture, qui réalisait en 1998 un chiffre d'affaires de 37 millions de francs et le double de pertes, sera transférée le 1er janvier à une nouvelle filiale d'Artémis, baptisée YSL Haute Couture et dirigée par Pierre Bergé. Celle-ci se verra verser par Gucci, « en contrepartie des droits intellectuels et autres » cédés par les fondateurs, un total de 240 millions de francs, en six versements annuels, prélevés là encore sur le chiffre d'affaires des parfums Saint Laurent.
Ce montant sera cependant réduit de moitié si MM. Bergé et Saint Laurent prennent une retraite anticipée avant le 31 décembre 2002. Et l'utilisation de ces fonds sera personnellement supervisée par MM. De Sole et Ford, et probablement aussi par M. Pinault, qui siégeront au conseil d'administration d'YSL Haute Couture.
Enfin, une fondation, elle aussi à créer, reprendra la mission dévolue jusqu'ici à l'Association pour le rayonnement de l'oeuvre de M. Yves Saint Laurent, c'est-à-dire « préserver les créations, modèles et carnets de croquis » du couturier. Cette fondation à but non lucratif sera dotée par Gucci d'un budget constitué par un prélèvement de 0,25 % sur le chiffre d'affaires consolidé de la société YSL Parfums - décidément beaucoup mise à contribution -, avec un plafond de 1,875 million de dollars par an (11,9 millions de francs).
Au final, Gucci sera amené à payer jusqu'à 1,1 milliard de francs, en sus des 6,14 milliards de francs versés à Artémis pour la reprise de l'ensemble Sanofi Beauté. « L'héritage du nom Yves Saint Laurent est fabuleux », s'enthousiasmait Tom Ford lors de l'annonce du rachat de la griffe, le 15 novembre. Les droits de succession sont en conséquence...