Posted by F. on October 19, 1999 at 10:49:58 AM EDT:
Voici le texte intégral d'un tract distribué à Strasbourg (et pas à Paris). Pour ceux qui connaissent LaTeX, la commande de compilation est simplement : 'latex nom_fichier', pour les autres, il n'y a qu'à pas tenir compte des différentes commandes.
Quel est l'intéret d'un tel texte ? Il est bien évident que ce tract pourra paraître bien naïf en regard de ce qui peut se dire ici même sur la finalisation, etc. Mais ce tract est destiné à "l'homme normal". Une bonne idée est donc de l'imprimer et de le distribuer aux jolies filles dans la rue ou de le déposer chez des enculés de commerçants, ou que sais-je ? Après une petite diffusion de ce type, les réactions hostiles qu'a suscité ce texte m'amènent à passer à la vitesse supérieure.
Notons encore qu'une copie a été déposée sur le forum Agora Philo, actuellement subverti par les téléologues déchainés - et enfin quittes pour les procédés indignes. Je conçois l'absence des réponses sur ce site comme une preuve supplémentaire de la stupidité de ses intervenants. Non ! L'inévitable Terrien (prout-prout, etc.) aura tout de même daigné me sommer de m'expliquer en résumant mon texte, jugé par lui 'trop long'. La réponse que je lui ai faite a été censurée.
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% sur deux colonnes...
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\title{\Huge{\textbf{\# 1}}}
\author{}
\begin{document}
\maketitle
Tout déplacement au sein de Strasbourg a pris, plus encore qu'il y a quelques temps, l'allure déplorable d'une \textit{marche règlée vers la marchandise}. Jamais les travers de la consommation ne se sont affichés avec une telle outrance. Plus qu'un signe réel de l'amélioration des conditions d'existence, cela ne fait que prouver un peu plus à quel point se sont enracinés dans tous les esprits les préceptes nuisibles de la pensée dominante.
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\textsc{\large{\textbf{Le tract que vous avez sous les yeux vous pose un problème de conscience}}}
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Cette ville n'est plus un théatre de jeu, il est désormais exclu d'espérer y vivre une vie \textit{passionnante}, tant l'esprit du commerce semble y règner en maître. On se propose donc ici de briser cette domination scandaleuse. A tout ceci, il ne s'agit pas de s'opposer par le vandalisme ; car la reconquête ludique du milieu urbain ne saurait se réaliser dans la violence.
Seuls le rétablissement de la communication véritable -- et plus par portable -- et de la dérive contemplative systématique peut redonner à Strasbourg un esprit qui l'a déserté. Nous préconisons donc une redécouverte active des différentes ambiances, liées aux lieux qui ont votre prédilection, afin de rendre à cet environnement un visage humain. Concrètement, il faut briser le fonctionalisme dans lequel vous ont enfermés ceux qui gouvernent vos vies.
Sachez déterminer toute la vacuité de votre existence, et combattez-la sans relâche ! C'est le premier pas vers l'\textit{abolition du travail aliéné} qui gâche chacun de vos instants de << liberté >>. Qui ne s'est pas demandé un jour où il allait ? question, du reste, affiliée à celle, plus générale, de savoir où va \textit{le monde}. Il ne nous reste que ce que l'on veut bien nous donner : ce qu'on appelle << les loisirs >>. Et que faisons nous de ces mêmes loisirs ? Nous les passons à \textit{consommer}, contribuant par là à renforcer plus encore ce qui nous opprime. Débarassons-nous de cette reconnaissance servile. On objectera qu'il faut bien vivre. Bien sûr ! Vivre mieux, c'est là ce que la plupart demande. Mais peut-on croire qu'on y arrivera en consommant pour consommer ?
Cette explosion de comportements consommateurs-spectateurs, qui nuisent tant à la ville, la société et l'environnement, se fait sous l'emprise d'une puissance singulière car immatérielle et invisible. Nous agissons de la sorte car nous sommes guidés par \textit{une représentation} de la vie humaine, entretenue chaque jour par le spectacle\footnote{Entendez ce mot dans son sens élargi d'\textit{économie règnante.}}. Nous pensons, perdus dans la contemplation de cette image lointaine de vies \textit{qui ne seront jamais les nôtres}, prendre part à ce mouvement général. Or, tout laisse penser qu'il n'en est pas ainsi. Seuls les chiffres -- et d'où viennent-ils ?.. -- se portent mieux ; le monde, non.
C'est que cette duperie généralisée est nécessaire. Elle permet de maintenir une foule de mécontents loin de tout pouvoir revendicatif. Prenons un exemple concret qui viendra illustrer cette fatalité dégoûtante : une grande entreprise licencie en toute impunité, exploite sans relâche et accroît ses moyens de pression. Seul la voix idiote des syndicats se fait parfois entendre. Pour le reste, c'est l'\textit{omertà}. Et pourtant, on se prend à rêver qu'enfin \textit{tous} parlent ensemble. Les forces productives ont ceci pour elles qu'elles sont indispensables à nos dirigeants, dans leurs croyances na\"ives, à la \textit{bonne marche de l'économie}. Le pouvoir de ces mêmes dirigeants n'est d'ailleurs qu'économique : abstrait, sacralisé et rituel. Loin de nous. Alors qu'attendons-nous ?
Il faut se réapproprier le temps, le rendre à nouveau historique et le substituer à jamais au temps spectaculaire. Briser l'oubli entretenu de tout. Comprendre que l'information n'a rien à voir avec la vie. Nous avons mis en avant, au début de ce tract, l'exemple de la perdition urbaine car il représente à notre sens la trop parfaite matérialisation de l'idéologie que nous entendons dénoncer. Nous avons ensuite revendiqué quelques buts à atteindre. Reste à parler de nos moyens.
Nos ambitions sont à la hauteur de la tâche à accomplir. Nous avons exactement tout pour nous. Pourquoi ? Simplement parce que notre nombre nous permet de \textit{prendre ce que nous voudrons}. Le nombre ici fait tout. La vague de révolte doit pouvoir se survivre à elle-même. La ville est en cela un terrain stratégique privilègié. Là seulement peuvent se former les groupes qui commenceront par libérer la cité de la canaille mercantiliste. Là seulement sera démolie \textit{l'image de liberté} qui semble séduire une part croissante de ses habitants. Et là seulement pourra s'établir le modèle effectif -- et non plus représenté, falsifié -- d'une société dans laquelle la vie serait de retour, ainsi que le jeu et d'autres occupations passionnantes qui donneront un sens autre à nos existences que celui de la servitude volontaire et honteuse.
\end{document}