C'est le mois d'Octobre ,les bolchéviques fétent leur coup d'Etat


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Posted by Ben A. on October 05, 1999 at 03:29:17 AM EDT:

La position de la Bibliothèque des Emeutes, forte de son analyse depuis ce zénith, en 1991, est la suivante : le mouvement manque d’un projet, d’une théorie, d’une explication radicale du monde, mais nouvelle, née de l’époque. C’est de l’argumentation que nous avons essayé de construire, c’est un langage, un sens que nous avons proposé. Cette théorie n’est pas de la chantilly sur une mousse au chocolat. C’est un moyen de communication issu du mouvement qu’elle soutient. Elle pose un but. Elle propose un débat pour atteindre ce but.

L’activité principale de la Bibliothèque des Emeutes depuis 1991 a donc consisté à étoffer la théorie de la finalité, que nous appelons téléologie moderne. Cette théorie est en effet, comme toute théorie, une proposition sur le monde. Mais elle est la seule juste jusqu’à preuve du contraire.

La téléologie n’est pas une sorte d’hypothèse qui en vaut bien une autre. Elle est le résultat d’une époque. Elle est un cheminement, non d’une ou deux pensées dans une ou deux têtes, mais de la conscience d’un mouvement, de la connaissance du monde, de l’esprit en entier. Elle est le négatif de la théorie de l’époque précédente. Elle est une construction logique et urgente, l’urgence étant sa nécessité. C’est une théorie de l’achèvement du temps.

Comme notre propre temps est court, les déclinaisons nécessaires au volume et au coffre de cette théorie sont plus nombreuses que ce que nous avons pu encore réaliser. C’est l’une des raisons pour laquelle cette théorie est controversée, aujourd’hui. La prudence à la discuter est justifiée, chez tous les vieux, par la peur profonde de devoir changer qu’il y a chez tous les conservateurs.

Dans la jeunesse révoltée, qui a moins d’hésitations, les difficultés sont d’un ordre différent : la téléologie moderne, qui stipule de faire la fin du monde, est un projet positif. Même si chez les émeutiers modernes cette exception est perçue, il est pour eux difficile, comme le montre leur pratique de l’émeute, de dépasser le négatif simple.

A ceux, rares survivants relativement expérimentés, qui rêvent de ce dépassement, celui-ci se présente sous forme d’un fantasme orgiaque. Mais cette irréalité n’est nullement conceptualisée en point de départ retrouvé de la cohérence.

Dans la jeunesse révoltée de 1988-1993, finir le monde n’est pas perçu, comme pour les vieux résignés issus de 1968, comme une catastrophe nucléaire ; mais comme un rapide incendie néronien, qui fait, dans sa hâte négative, l’économie d’achever les choses. Conformément à la misère ambiante, et à l’urgence d’un mouvement dans son crépuscule, le projet téléologique du monde est bien conçu comme un orgasme, mais qui ressemble davantage à l’éjaculation précoce qu’à mourir de plaisir.

La portée de notre théorie nécessite que le premier assaut ne soit pas un suicide. La situation de la révolte dans le monde, également, nous contraignait à exhorter à construire. Ceux qui ont pensé autrement sont allés à l’assaut, isolés. Ils sont aujourd’hui morts, en prison ou en exil, en Algérie, en Somalie, et ailleurs.

Une rupture préalable, quoique tacite, avait montré que, dans la dérive des continents d’une société middle class et de son négatif, la Bibliothèque des Emeutes se trouvait, pour la première fois, dans un choix qu’elle avait du mal à argumenter : la middle class ne peut pas être éradiquée ; il faut donc la dissoudre, la diviser, la transformer, en convaincre une partie. Mais ainsi, nous risquons de devenir ce que nous critiquons, comme jadis le prolétariat dans les abstraites acrobaties des alliances de classes. Passer inaperçu à découvert parmi nos ennemis, cet exercice d’endurance, est difficile à admettre, à concevoir, à adopter pour la génération impatiente qui veut tout achever, comme nous, avant la prochaine.

Le grand fossé qui s’est creusé dans le monde depuis 1988 n’a pas fini de grandir. Le mouvement qui a créé ce fossé est battu. La Bibliothèque des Emeutes, qui seule lui a donné un discours, aussi. Ses membres sont libérés de leur engagement.

Ainsi, avec une logique malheureusement supérieure à sa réussite, la Bibliothèque des Emeutes a atteint sa fin.

(Extrait du bulletin no 8 de la Bibliothèque des Emeutes, 1995.)




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