Posted by you on January 18, 1999 at 05:17:58 PM EST:
Le centre du monde ne doit pas occulter
la question centrale
L’idée du centre du monde me plaît, merci Le Manach. Qui n’a jamais désiré être au centre du monde, être le centre du monde, c’est-à-dire celui qui fait le monde ?
De toutes les insurrections généralisées et révolution dont nous avons pu être contemporains, chacune a constitué, en son temps, le vrai centre du monde, celui d’où le monde, dans sa totalité, est accessible. Celui d’où a jailli chaque fois la question centrale : ce monde est à faire, à réaliser, à finir.
Je cherche (contrairement à Le Manach) le centre du monde, c’est-à-dire à faire le monde. Tant pis si Alexandre le Grand et son monde ont disparu, et tant mieux. Notre monde est celui des anonymes, des you, et je n’ai pas l’ambition d’être le seul faiseur d’histoire.
Mais je combats (pas tout à fait comme Le Manach) le centre du monde partout où il est supposé ou imposé. En vrac : le nord de Yen et le sud de Yu (en passant par Bruère-Allichamp !) ; le nombril des nombrilistes, qui prennent leur nombril pour le centre du monde ; Cannes et ses carrefours ; les eurocentristes, pour qui le défaut caché de la révolution en Iran est de s’être passée en Iran… ou encore tous ceux qui ordonnent du particulier au général et non l’inverse, comme ces « psy » qui intiment de commencer par nous changer nous-mêmes : il suffirait que nous changions notre façon de vivre, et le monde changera.
C’est quand le monde dans sa totalité apparaît que le centre du monde apparaît, et non l’inverse.
Le Manach pose deux questions qui occultent mais intéressent la question centrale.
Tant qu’il nagera dans le délire de la bonne révolte mondiale qui ouvre tout à l’infini, hérité des situationnistes, et relayé par le concept indéterminé de la communication selon Voyer, en passant par son vœu pieux de la libération de la communication, Le Manach passera à côté des centres du monde, c’est-à-dire des révoltes qui prennent le monde pour objet.
La difficulté de mettre en débat la simple idée de la finalité procède aussi d’une déperdition de la rigueur intellectuelle, dont ce site internet est une caricature. Ainsi un Voyer confond tranquillement commencement et origine dans la théorie de Hegel (ce dont aurait rougi un professeur d’université) ; ainsi un certain Bueno diffame grossièrement teleologie.org en prétendant que c’est l’endroit où les émeutes seraient « rangées par prix » (malveillance dont rougirait un journaliste moyennement menteur) ; ainsi Le Manach, pour étayer sa thèse d’une régression du centre du monde chez Debord, cite à charge la réorganisation de l’IS en 1962, où celle-ci s’est proclamée un « centre uni ». Or dans l’extrait cité, le centre uni n’est pas le centre du monde, comme l’induit Le Manach, mais l’IS. Et rien dans le compte rendu de cette délicate opération de réorganisation ne laisse supposer que ses auteurs aient pris l’IS pour le centre du monde. Les prositus sont les seuls à avoir jamais confondu l’IS avec le centre du monde. Comme si le centre du monde était une organisation ! Comme si le centre du monde était une théorie !
A propos de ce que dit le théoricien de la « société du spectacle » qui est devenu la Raclure de Bidet que nous savons (1), ce qu’il y a de plus admirable ne tient pas dans la « terrible vérité de ce mot : le centre même du monde existant », mais dans l’idée même de la vérité de la théorie, d’une théorie parfaitement inadmissible qui s’expose à la vérification.
Si la vraie question – ce monde est à faire, à réaliser, à finir ; oui, mais quelle fin ? – n’est pas née de théoriciens, et si elle tente de se théoriser, elle ne se résoudra qu’en pratique.
you (c’est comme ça qu’on m’appelle)
(1) « Sans doute, une théorie générale calculée pour cette fin (ébranler réellement une société établie) doit-elle d’abord éviter d’apparaître comme une théorie visiblement fausse ; et donc ne doit pas s’exposer au risque d’être contredite par la suite des faits. Mais il faut aussi qu’elle soit une théorie parfaitement inadmissible. Il faut donc qu’elle puisse déclarer mauvais, à la stupéfaction indignée de tous ceux qui le trouvent bon, le centre même du monde existant en en ayant découvert la nature exacte. La théorie du spectacle répond à ces deux exigences. »