Posted by Christian Bartolucci on January 01, 1999 at 08:03:12 AM EST:
Points de vue et images du (pauvre) monde Tout système n’est qu’
Feueurbach
" Debord est bien un cinéaste, il voit des images partout. " (dixit Voyer). Justement. Il n’est pas inutile de rappeler que Debord a débuté comme critique du cinéma (1952). Pour comprendre le concept de spectacle (dont Voyer ne veut manifestement plus rien savoir — comme il s’applique à en faire la démonstration) il faut donc revenir au cinéma (de Debord).
Dans Critique de la séparation (1961), on trouve la considération suivante : " Généralement, les événements qui arrivent dans l’existence individuelle telle qu’elle est organisée, ceux qui nous concernent réellement, et exigent notre adhésion, sont précisément ceux qui ne méritent rien de plus que de nous trouver spectateurs distants et ennuyés, indifférents. Au contraire, la situation qui est vue à travers une transposition artistique quelconque est assez souvent ce qui attire, ce qui mériterait que l’on devint acteur, participant. Voilà un paradoxe à renverser, à remettre sur ses pieds. " On a ici la racine de la notion de spectacle que Debord étendra par la suite à l’ensemble de la société : la séparation entre acteur et spectateur dans un monde à l’envers ; ainsi que l’indication du sens révolutionnaire de la critique.
Au début de son film Debord disait précisément : " La fonction du cinéma est de présenter une fausse cohérence isolée (...) comme remplacement d’une communication et d’une vie absente. " Ce qui est exactement résumé — si l’on omet isolée — la définition du spectacle1 qui sera développée dans son opus magnum (1967) ; qu’il mettra comme il se doit lui-même en images par la suite (1973).
Que Debord ait fini par se persuader d’avoir effectivement établi " avec exactitude "2 la théorie de la société (30 juin 1992), qui dès lors n’avait plus qu’a être " réitérée " ne varietur jusqu’à la fin des temps (spectaculaires), témoigne certes plus d’une " perte de la saisie dialectique du réel "3 que d’une hyperlucidité de la critique. Il n’en reste pas moins, pour peu que l’on considère plus modestement la chose sous l’angle (cinématographique) indiqué au départ, que le spectacle puisse être regardé comme une métaphore de la société moderne qui ne manque pas de pertinence.
Ainsi, que voyons nous dans la société ? Des marchandises qui s’échangent (communiquent) au moyen des hommes ; c’est-à-dire un monde à l’envers où les spectateurs, qui se croient des acteurs (parce qu’ils participent au spectacle), sont contraints de jouer leurs pauvres rôles (leur rôle de pauvres) dans le grand spectacle de la marchandise qui est le véritable sujet de l’histoire. Cela dit, une métaphore si pertinente soit-elle (ou une théorie qui prétend à l’exactitude) ne fait que rendre compte de la réalité d’une manière particulièrement saisissante pour l’esprit — ce qui n’est pas sans effet sur la masse, évidemment.
À partir de là on sera en mesure d’apprécier le spectacle debordien en toute connaissance de cause — et avec autant de (bonne) raison que Voyer reconnaissant dans l’antisémitisme de Céline " une grande métaphore de la livraison de Popu au commerce ". Le monde de Céline est bien le même que celui de Debord (à un " détail " près : là où Céline dénonce nommément le complot ; chez Debord il devient innommable.) Au fond c’est toujours la même histoire. Tout est (dans la) métaphorisation4. Question de style — et le style c’est l’homme comme chacun sait. C’est juste une image et c’est une image juste. C’est la triste réalité.
On n’a véritablement que les images qu’on mérite.
ÉCRAN NOIR
Message :
" Il est minuit dans le siècle. "
" La nuit toutes les vaches sont noires, même les blondes. "
What do you want to do ?
1. Reboot your computer.
2. Exit.
" À reprendre depuis le début. " — de toute façon.
_______________
1. C’est aussi une définition " qui n’est pas celle du spectacle comme médiatique " que je transmet à M. Bueno et à qui de droit.
2. Ce que Voyer trouve décidément tout à fait exorbitant chez quelqu’un qui avait un si petit zob.
3. Le texte de la théorie n’a plus à faire la preuve de son adéquation à la réalité (simple prétexte) qui n’est plus là qu’à titre d’illustration (inessentielle) : miroir, sombre miroir comme tu réfléchis bien.
4. " il n’y a pas de d’expression " intrinsèque " et pas de connaissance " intrinsèque " sans métaphore. (...) Le fait de connaître est seulement le fait de travailler sur les métaphores les plus agrées (...). " " les vérités sont des illusions dont on a oublié qu’elles le sont, des métaphores qui on été usées et qui ont perdu leur force sensible (...). " Nietzsche.