Posted by voyer on December 29, 1998 at 05:10:18 PM EST:
Marx renverse Hegel
Marx veut tellement renverser Hegel, il veut tellement le remettre sur ses pieds, qu’il reprend à son compte la vieille prétention théologique pour qui la raison d’être (Dieu) est au commencement, ce qui est une pure régression par rapport à Hegel. Il se contente seulement de remplacer Dieu par la prétendue économie, tout aussi fallacieuse. Le mot économie a remplacé le mot Dieu. Pour Marx, le commencement est la cause suprême et tout en découle. Simplement, il se contente de mettre au commencement l’économie et ses lois (Tu gagneras ton pain à la sueur de ton front). C’est parce que la raison d’être est le commencement qu’il peut y avoir des lois de l’histoire alors que pour Hegel, il n’y en a pas; mais seulement une logique de la négation, du conflit et de l’effacement à l’œuvre. Hegel est conséquent. Si le monde est un savoir, alors la logique a lieu dans le monde, contrairement à la logique formelle qui n’a lieu que dans la pensée. Pour Hegel, la seule loi de l’histoire est la négation de toute loi, la liberté d’effacer. Ainsi, Marx aboutit à ce paradoxe que j’ai toujours trouvé si ridicule (et quand je dis toujours, c’est dès mes vingt ans, alors que tous mes petits camarades étaient gauchistes marxistes bon teint) : les lois de l’histoire qui découlent du fait que la raison d’être est dans le commencement font que les jeux sont faits, que le capitalisme est merveilleusement condamné. Cependant, il faut éduquer et guider la classe ouvrière. A quoi bon puisque le capitalisme est merveilleusement condamné par les lois de l’histoire. Les connards à patins à roulettes et les pédés qui se marient (ce sont souvent les mêmes) vont certainement fonder la nouvelle Athènes. Plutôt, le monde va la fonder à leur place. C’est seulement une question de temps. L’imbécile Debord me soutenait une chose pareille en 1970. Les pédés et les gouines en colère allaient se radicaliser et on allait voir ce qu’on allait voir. C’était une simple question de temps. Or ce que j’avais particulièrement apprécié dans l’I.S. était sa condamnation des révoltes parcellaires.
De même, j’ai toujours trouvé ridicule que les situationnistes se réjouissent du prétendu effondrement du capitalisme. L’empire romain s’est effondré, et alors ? Ni Rome ni Athènes, ni les révolutions bourgeoises ne résultèrent d’un effondrement ; mais d’une préparation dans les profondeurs du monde comme le veut Hegel. Quand on voit enfin ce qui se préparait dans un climat de frivolité, tout est déjà fait : lever du soleil qui dessine en un instant un monde. Rien de bon ne peut résulter d’un effondrement.
Dans ce monde l’esprit est condamné à suinter des plaies des stigmatisés, sourdre des pans de mur, transpirer comme un secret. Voilà pourquoi la musique de Wagner transpire.