Des couilles du pape


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Posted by teleologie.org on December 28, 1998 at 06:49:07 PM EST:

Papy s'en est encore pris une

Avez-vous remarqué de quoi parlent les petites vieilles quand elles s'en prennent une sur le museau ? Elle parlent de morale : ce qui est bien, ce qui est mal, et de mon temps, etc.

Prenez notre papy Voyer, un peu bousculé ces derniers temps : utile, non ! pas utile, oui ! utile, non ! pas utile, oui ! sur le tempo des moutons de 'la Ferme des animaux', quatre pattes, oui ! deux pattes, non ! quatre pattes, oui ! deux pattes, non !

Loi de la relativité

De son temps, déjà, il s'était fait un petit dada de cette question assez secondaire, mais personne n'y prêtait attention : oui, l'utile à première vue a toujours été moins marrant que l'inutile, pardon, que la négation de l'utile.

A deuxième vue, on se dit que l'inutile, pardon, la négation de l'utile, est au moins utile, bigrement utile, au marrant.

Et on pourrait aussi bien dire que tout ce qui est réputé utile, dans ce monde qui ignore où il va, est parfaitement inutile, pardon, est une négation de l'utile, tant que ce monde ignore où il va.

Donc, toute chose est inutile en soi, et toute chose est utile à son objet, à son but. Je dirai même, comme papy Einstein à l'époque où Voyer était jeune, que l'utilité d'une chose est relative à son objet, à son but.

Utilitarisme et utilité

La prose de papy Voyer - devenue très approximative depuis qu'elle est monologue incantatoire - oblige à quelques précisions. Ainsi, pour forcer le trait (utile, non ! pas utile, oui !), il amalgame bassement utilité à utilitarisme. Or l'utilitarisme n'est que l'idéologie qui veut donner la primauté aux choses dont l'utilité est triviale.

Il y a deux formes d'utilité : une utilité implicite, triviale, le couteau à désosser la côte de bœuf par exemple, et une utilité magique (qui apparaît alors qu'on n'y avait pas pensé), le couteau à désosser le client par exemple.

Contrairement à ce dont rêve Papy, l'art a le plus souvent eu une utilité triviale (money ! carrière ! célébrité !), et toujours une utilité magique, mais on n'y avait pas pensé : l'art est une expression de l'aliénation du débat humain, le résultat d'une mise au salon d'une dispute de rue.

Papy dit lui-même quelque chose dans le genre : l'art n'avait d'autre utilité que de manifester le néant de l'utilité. Bien qu'il concède ainsi une utilité à l'art - chose par excellence de laquelle il prétend qu'elle est négation de l'utile - comme une vieille tante cabotine qui nous lâcherait un bon mot, et ça sent, il faut le prendre justement au mot : l'art a été utile, quoique bien sûr pas pour manifester le néant de l'utilité (si Papy avait dit ça à Goya dans une des tavernes de la Manoleria, il aurait soudain vu une navaja prête à désosser, tant ce paysan aragonais utilitariste - au point qu'on pensait qu'il avait au moins tué cinq insolents - pensait que sa peinture était utile à sa carrière, à sa fortune, à séduire les femmes, et à la vérité), mais l'art a été utile au beau, à la vérité et à l'aliénation du débat sur l'humanité. Rien n'a été plus utile à la conservation infinie de l'esprit et de la communication que l'art. C'est pourquoi les musées sont subventionnés et bondés.

Utilité et but

Donc, toute chose est utile en fonction de son objet, de son but. Les commissariats de police sont aussi utiles que les paysages. Passons sur ce gazouillis pour papys en vacances (sans ouistiti), où un paysage est si beau, gouzi-gouzi, dans ce monde de commissariats de police. Et je ne vois pas quel commissaire de police ne serait pas en train de soupirer : comme il a raison ! Gouzi-gouzi !

C'est là que papy Voyer voudrait induire, comme un vieux prélat rusé, qu'il y a tout plein de choses qui n'ont pas d'objet, pas de but, sont donc inutiles, pardon, négations de l'utile. Pour l'art, on a vu à quoi s'en tenir. Mais pour l'esprit, pour la communication ?

Ce sont là, pour notre Papy, des choses infinies, et les choses infinies n'ont pas de but : le but n'est rien, la communication tout. Laissons, de grâce, les choses infinies être affaire de goût (petit doigt levé, moue de connaisseur) : Papy aime les beaux paysages, il a bon goût, et d'autres préfèrent les commissariats de police, qu'y faire ?

But de l'infini

Si je suis cette ligne droite, ce sera à l'infini, et je n'en verrai toujours pas le but. Eh non, bien sûr, puisque le but de la ligne infinie, de l'esprit infini, de la communication infinie n'est pas dans la ligne, dans l'esprit ou dans la communication, mais dans l'infini. Et si le but est renvoyé justement dans ce qui n'a pas de but, l'infini, ces choses ont donc égaré leur but.

C'est là que le but de l'infini apparaît : c'est justement d'égarer le but de certaines choses, mes buts.

L'utilité de l'infini, le but de l'infini n'est pas dans l'infini, lui, il est dans tout parti qui veut conserver ce qui est là, il est policier. Et l'infini de la ligne, de l'esprit, de la communication a justement pour objet et pour but de conserver ligne, esprit, communication, d'où les commissariats de police dans les beaux paysages ou les beaux paysages autour des commissariats de police, au choix.

Chez les " sauvages " tels que les imagine Papy sur Internet (les " sauvages " sont assez utiles à Papy, parce qu'ils ne lui répondent pas), la communication n'a pas de but. Mais ce n'est pas parce que ces " sauvages " cherchent (bien moins ou bien plus - comment savoir - que Papy sur son Internet) quel pourrait être le but de leur communication qu'ils n'en ont pas, thank you Philip Francis de nous l'avoir rappelé.

En attendant, chez les " sauvages ", le sacrifice de l'utilitarisme est utile à la communication, tout comme chez les économistes le sacrifice de la communication est utile à l'utilitarisme. C'est du pareil au même. Sauf d'un point de vue moral.

Trois partis

Il y a donc trois partis. Les deux premiers occultent la question du but. Le nôtre met son cœur enragé dans la réalisation du but (la communication n'est rien, le but tout - un gueux).

Le parti utilitariste reconnaît des choses utiles et des choses qui ne le sont pas ; et il préconise, avec ses commissariats de police et ses beaux paysages, de soumettre les seconds aux premiers.

Le parti anti-utilitariste pense la même chose, sauf qu'il veut soumettre les choses utiles aux choses non utiles, et vraisemblablement les commissariats de police aux beaux paysages. C'est le parti de notre Papy, c'est le parti de nos médias, c'est le parti de la communication aliénée ou non, allez savoir ; mais comme l'observait déjà Adreba Solneman, même papy Voyer jeune, grand théoricien de la communication totale, n'a jamais réussi à communiquer ce qu'est une communication non aliénée.

Entre ces deux partis ce seront d'ailleurs des discussions infinies pour savoir ce qui est utile et ce qui ne l'est pas : commissariats ? paysages ? esprit ? " sauvages " ? communication ? teleologie.org ?

Le troisième parti est le nôtre qui dit que tout ce qui a un but est utile, donc tout est utile puisque tout a un but. Cela dit, je ne connais pas pour autant l'utilité de chaque chose, parce que je n'ai pas encore réalisé chaque chose, je n'ai pas atteint le but de chaque chose. Mais c'est mon but.

Par ailleurs, dans ce parti, la question de l'utilité est bien moins importante que la question du but ; et telle chose y sera utile à un but et inutile à un autre ; et dans telle chose, c'est moi qui mettrait l'utilité, alors que dans telle autre, elle apparaîtra toute seule. Ce n'est pas l'utilité de la chose qui est son essence, comme pour nos ennemis utilitaristes et anti-utilitaristes, c'est sa réalisation, c'est-à-dire le mouvement de la suppression de la chose, qui est le mouvement de la chose vers mon but.

Les couilles du pape

Prenons un dernier exemple, qu'on appellera celui de l'utilitarisme anti-utilitaire, et vous allez voir combien il est spectaculaire.

Il y a sept ans, Papy n'était pas encore tout à fait à la ramasse lorsque, apostrophé sur l'essence de la communication par Adreba Solneman, il ne jugea pas utile de répondre, où plutôt, mais cela revient au même, il jugea utile de ne pas répondre, car il aurait été bien mal.

Manque de chance, sur l'Internet, ce silence n'est plus utile à faire taire la même question.

Alors, chaque fois qu'il est interpellé sur l'infini de sa communication - c'est arrivé trois fois ces trois derniers mois -, Papy fait sous lui, il lâche la quantité la plus spectaculaire de textes, vieux ou chiés à la hâte, avec des contenus insignifiants, comme toutes ces arguties platouilles et pauvrettes sur le spectacle (" le spectacle de l'utile est bien absence de l'esprit " ! pauvre Papy, s'il avait moins de ouistiti dans la cervelle, il aurait plus d'esprit !), pour effacer la question centrale, en vieille couille molle radoteuse qu'il est devenu !

C'est une technique assez courante dans son parti : l'information dominante, organisation officielle de la communication infinie dont Papy est le théoricien (il y a encore assez peu d'adeptes avoués, mais ça vient, tant la convergence de vue est grande, et tant les militants de ce parti ont besoin d'une théorie), a procédé de la même manière contre de nombreuses émeutes ces dernières années. Un coup on utilise l'occultation, et un coup on utilise le spectacle de l'inutile, pardon, de la négation de l'utile (ou le spectacle de l'utile, ce qui revient au même, du point de vue du but). Pourvu seulement qu'on ne parle pas de l'essentiel !

Nous savons que notre pape de la communication urbi et orbi a encore de nombreuses bulles à lâcher sous lui, chaque fois que nous désosserons son galimatias verbeux, faute de mieux. Mais nous sommes jeunes, il est vieux ; nous voulons en avoir le cœur net, il gicle, pas comme le plaisir, non, comme la seiche qui gicle de l'encre pour pouvoir fuir. Et lui, qui avait promis de ne pas laisser Debord libre de son silence, et qui a prudemment attendu la mort de la raclure de bidet pour refrétiller de la plume, c'est nous qui ne le laisserons pas libre du sien, mais de son vivant. Et ce ne sera pas le nouveau comble de l'inutile !





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