FIN de la jeunesse


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Posted by GALLY Mathias on October 11, 1998 at 10:58:59 AM EDT:

 

FIN

de
la jeunesse


 

Il y a déjà
un certain temps que la vieillesse aurait dû être abolie. Je
me rappelle de ma première révolution, vers 93, le temps
passait plus vite que les dates, et mes amis et moi-même étions
fort jeunes, euphoriques jusqu’à l’ivresse, préoccupés
par tellement de questions centrales, de bastons, de causes et de perspectives
inouïes, que nous avions mis l’abolition de la vieillesse tout en
bas du désordre de la nuit, nuit que nous rêvions alors sans
fin. Et puis, nous étions si jeunes que nous pensions que la vieillesse
s’abolirait d’elle-même, que les vieux eux-mêmes comprendraient
quelle faute grave, quelle insulte constitue leur présence aux abords
d’un débat public, et qu’ils en tireraient, avec notre honnêteté,
leurs conclusions définitives.

Sans doute aurions-nous dû,
même avant la Restauration, nous souvenir de quelques vieux arguments
de vieux : la sagesse grecque, le respect des Anciens, la patience des
Mères, les doctes pondérations, la reconnaissance pour ce
qui a été accompli, les lourds bagages de petit-savoir, de
grande-renommée et de prudentes habiletés qui sont les dédales
des gérontocraties. Mais, aussi insouciants qu’imprudents, nous
n’avons pas vu ramper ces vices cachés, que nous allions payer d’un
siècle de coups de vieux.

On m’excusera dans ce rapide
traité de ne pas explorer les positions de ceux qui se disent jeunes
et que pond, couve, éclôt et mûrit le parti vieux, le
parti de la conservation. Toutes les boîtes à rut, à
bac, à cadres dynamiques par exemple, sont remplies de jeunes qui
conservent, de jeunes pour vieux. Techniquement, ou pour les socioloques
si l’on préfère, ce sont des jeunes. Mais je n’ai pas le
temps ici de les considérer comme tels, et je ne m’adresse qu’à
ceux qui n’ont pas besoin de me demander pourquoi.

Je n’ai retrouvé de
vrais jeunes, je veux dire en nombre, pour rire, qu’entre 1917 et 1923,
dans un cyclone dont l’œil était l’Europe. Il était difficile
lors de cette seconde grande partie (plusieurs dizaines de préliminaires
avaient eu lieu depuis 1848) de penser de manière définitive
le problème des vieux. D’abord parce que nous ne pensions pas alors
les problèmes de manière définitive, ou seulement
comme au cinéma ou dans la littérature, à savoir une
scène définitive, un chapitre final, une œuvre qui clôt
; et ensuite parce que nous étions au début d’une explosion
de l’âge telle que les vieux, qui nous combattaient pourtant autant
qu’ils pouvaient, nous paraissaient si peu nombreux, si faciles à
engloutir, qu’ils nous faisaient plus souvent sourire que cracher.

De cette partie, que nous
avons aussi perdue, en définitive face aux vieilleries reliftées
socio-bolcho-facho-démo, est issue une première conscience
d’être jeune. Pas un mouvement, pas une idée, pas une critique,
rien de grave qui ne serait apporté, imposé par du jeune.
Dada, la Commune de Canton, les surréalistes, par exemple, étaient
impitoyablement jeunes. Mais la paix des vieux durait, une nouvelle partie
de jeunes ne s’engageait pas, nous avions beau mouiller et foutre, rire,
sauter sur la moindre occasion, les croulants s’accrochaient, massacraient
et ricanaient leurs sentencieuses conneries, comme " le temps, mon petit,
a de drôles de lois ". De Proust, par exemple, ils ont servi jusqu’au
vomi les phrases et le milieu social passé, là où
il parlait de jeunesse ils en ont fait un vieux à leur image.

Les vieux, que nous avions
si violemment humiliés à deux reprises qu’ils en avaient
les sphincters éclatés comme le curé Aristide quand
il rencontre le Père Lebrun (qui ne fait pas de vieux os celui-là
!), usent du temps pour leurs petites revanches qu’ils magnifient en "
vengeance ", cette activité typiquement jeune. Ils vous griffent
le visage, ils vous sèchent les couilles, ils vous yaourtent le
cerveau. Ils font cela par mille et un gestes qu’on ne sent pas plus qu’une
mouche à merde, et tout d’un coup, comme les vampires, ils vous
ont sucé, transformé en eux : c’est ça leur ricanement
quand ils meurent. Je n’aurais jamais cru que Breton, par exemple, pourrait
devenir vieux, enjamber la barricade, garnir l’autre camp de son visage
griffé, de ses couilles sèches, du yaourt de son cerveau.
C’est Debord, putain qu’il était jeune, qui me l’a fait remarquer.

Et quand on est jeune, on
n’arrête pas de commencer, de recommencer, on apprend si mal, parce
qu’on ne fait pas encore d’apprendre quelque chose de rare et de précieux,
parce qu’alors apprendre est prodigue, se ramasse dans la rue. Ça
fait bien ricaner les vieux qui continuent à griffer, assécher,
yaourter ; et on recommence à ne pas le savoir.

Un beau jour, la troisième
partie commença. Comme les deux fois précédentes,
on se disait, en regardant voler les coups en Iran, au Nicaragua, à
Brixton et à Gdansk, que ce monde est jeune ! il n’a jamais été
aussi jeune ! On avait les pupilles dilatées comme des globes terrestres,
les vieux ricanaient un peu moins (ou sous cape comme on l’a compris après),
et nous, on rejouait la même ouverture perdante. Mais pour la première
fois, à Matagalpa, le parti jeune a attaqué sans les vieux,
si bien que quinze jours plus tard, les muchachos sandinistes, qui étaient
les vieux qui paraissaient les plus jeunes, ont attaqué dans le
dos les niños qui ne voulaient pas se soumettre. Et c’est presque
passé inaperçu : parce que dans cette bataille de septembre
1978, les sandinovieux n’avaient pas trente ans, et pourtant ils étaient
déjà pire que Breton.

Cette grande partie-là
n’était pas encore terminée à Téhéran
que (on manque vraiment de vigilance !) c’est Debord qui était devenu
vieux ! Un jeune l’avait attrapé par la cravate pour lui poser une
question anodine (pas à l’époque : parce qu’à l’époque
c’était la première fois qu’on disait que l’économie
n’est peut-être pas de l’argent comptant ; et parce que, dans cette
fin de partie, les questions ne pouvaient pas encore être anodines).
Et comment se comporta le Debord ? Pas même en Finistérien,
non, en chicken, en fion qui se débine. Moi, je n’y croyais pas,
je disais, attends, il prend son temps, il réfléchit,
c’est pas une question facile, laisse-le, il ne peut pas être vieux
puisque c’est lui qui a montré comment Breton est devenu vieux.
Et bien non seulement j’avais eu tort, absolument, mais le vieillissement
du Debord s’est accéléré pendant quinze ans, jusqu’à
ce qu’il finisse par trahir sa parole pour un peu de frime, et qu’il crève
pour des raisons de santé, vieille lope débile, pourtant
encore adulée, excusée, par reconnaissance de sa jeunesse,
par ses suivistes qui du même coup sont devenus un petit tas pitoyable
de vieux cons.

Le jeune qui avait forcé
Debord a montrer qu’il avait le visage griffé, les couilles sèches
et du goût bulgare plein les méninges s’appelait Jean-Pierre
Voyer. En voilà un qu’on se le dise tout haut – mort au vieux !
– qui ne vieillira jamais. Les sociologues, qui sont tous vieux, par définition,
ricanent : techniquement, c’est impossible. Salopes, la jeunesse dont je
vous parle n’est pas une jeunesse technique, ordures, masturbez-vous avec
Bourvieu le sénile ! Voyer ne vieillira jamais ! Je le décrète
! La jeunesse choisit les siens ! Comme bon lui semble !

Et bien, il ne lui aura pas
fallu neuf ans, au Voyer, pour devenir un petit tas de merde. Il a suffi
qu’un de mes amis, qui avait appris qu’il fallait respecter les jeunes,
lui pose poliment une question, la seule du moment il est vrai, pour que
Voyer s’écrase comme un fion, exactement comme le Debord ! Et même
comme une journapute qui s’arroge le droit d’interpeller qui il veut, mais
qui, dès qu’on l’attrape par la cravate, piaille à la mort,
vous n’avez pas le droit ! lâchez-moi, monsieur ! aïe mes oneilles
! oppresseur ! Et, comme s’il était en compète avec le Debord,
le Voyer a vieilli en accéléré, a rattrapé,
puis dépassé son ancêtre. C’est des crevasses qui lui
tiennent lieu de tronche, ses couilles sont un désert lunaire et
il n’y a plus que du Yop entre ses oreilles. Quand Debord n’est plus qu’un
bout de Finistère, Voyer c’est la rade de Brest un jour de vacances.

Huit ans plus tard, voilà
le résultat : papy Voyer, édenté, ne sait plus pourquoi
la réalité serait en Iran, alors qu’il la fouille dans l’alcôve
d’un certain Lévy qui n’a pourtant de réalité que
dans les écrits (quel talent !) de notre papy ; papy Voyer éructe
mais n’éjacule plus comme le prouve le petit ouistiti enculé
qui lui imprime son incontinence ; papy Voyer, de sa petite voix devenue
aigrelette et stridente nous assène que la société
du spectacle de papy Debord ne serait pas trop spectaculaire ; quel scoop
! quelle importance ? allez tiens, on va lui répondre sur ce petit
plus ou moins : la société la plus spectaculaire est celle
où je vis, connard, et pour cette unique raison ; papy Voyer vient
à la rescousse de papy Bourvieu, socioloque, parce que papy Bourvieu,
socioloque, se plaint que les socioloques d’aujourd’hui ne sont plus aussi
honnêtes que les socioloques d’hier ; c’est quoi le contenu, le but,
la fin de la communication déjà, papy Voyer ? La reconnaissance,
répond le vieux chicken cabotin en se débinant tout ce qu’il
sait, et bien de la reconnaissance en voilà, vieille croûte
! De retour de ses petites vacances dans la rade de Brest, papy Voyer,
fion bronzé, pédale dans le vide, et j’te soliloque et j’te
pérore tout seul dans mon p’tit coin en attendant que ça
vienne, et la pente est si raide qu’on a l’impression que la vieille gâteuse,
qui traite même le creux et prétentieux Tomas Kinder de monsieur
(probablement quelque subtile ironie !), essaie de passer, non sans raison,
sous le niveau de la vengeance méritée. Salauds de vieux
!

Mais attention, il y a un
match sérieux chez les ruines : en challenger, nous avons Barbie
Knabb, le plus con des zen prositus avec son sapajou Jean-Luc Lahaeye pour
nous infliger leur vieillesse commune, après l’anglais, en français
; et avec une courte tête d’avance, on a Mehdi Belhaj Sacem, qui
est vieux, même s’il a réussi, mieux qu’aucun
autre vieux con-nu, à se déguiser en jeune.

Faudrait peut-être
commencer une quatrième partie rien que pour en finir !


 

 

 

 


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