FIN DU VOYERISME PAISIBLE, 2e partie


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Posted by Der K on June 10, 1998 at 02:42:50 PM EDT:

Strasbourg, 1er juin 1998


 


Monsieur,


J'accuse bien réception de vos messages.


Mon édition de L'imbécile de Paris comporte tout ce qui a été publié dans L'Imbécile de Paris (le journal) et rien de plus, comme je l'indique d'ailleurs dans l'avertissement. La deuxième lettre de M. Solneman n'y figure donc pas. J'ai appris l'existence de cette lettre bien après avoir fait mon opuscule, en feuilletant des exemplaires de la Bibliothèque des Émeutes chez un ami. M. Voyer n'a jamais répondu à cette deuxième lettre. Tous mes ouvrages sont faits avec l'accord et la supervision de M. Voyer.


J'espère vous rassurer sur la probité de mon humble demeure.


Et maintenant permettez-moi de vous poser à mon tour quelques questions. Avez-vous entendu parler de l'infâme falsification que M. Lebovici (avec la complicité de Debord) a pratiqué sur les lettres de Voyer dans le volume I de la Correspondance de Champ Libre ? Une première explication de Voyer consiste dans la publication de l'affiche Fin du situationnisme paisible. L'avez-vous lu ? Tout l'intérêt d'Hécatombe (à part la correspondance avec le MAUSS) est de contenir les neuf lettres de Voyer à Lebovici (les cinq publiées dans la Correspondance et les quatre censurées) et une explication la plus complète possible de toute cette affaire. En feuilletant la collection de la Bibliothèque des Émeutes je vois que ces messieurs s'intéressent à Voyer et, dans un article qui lui est consacré, le considèrent comme ce qui s'est fait de plus intéressant après les situationnistes sur le plan de la théorie. Ils mentionnent Introduction, Une enquête, le Rapport et signalent qu'après la RPC n°1 (1982) Voyer s'est tu. Pas un mot de Fin du situationnisme paisible ni de Hécatombe (1991). Autrement dit ils font totalement l'impasse (et le silence) sur l'affaire Lebovici comme s'il ne s'agissait que d'une querelle personnelle sans intérêt pour leurs lecteurs à qui ils parlent grande théorie. La censure de Lebo portait pourtant sur un point fondamental de la théorie puisqu'il s'agissait tout simplement de savoir si Marx et même Hegel avaient déjà été vraiment critiqués, et si oui par qui ? Comment ont-ils pu prétendre que Voyer s'était tu après la RPC n° 1 alors qu'ils correspondaient avec lui dans L'Imbécile de Paris (le journal) où la publicité pour Hécatombe s'étalait largement. N'ont-ils pas réussi à se le procurer à la Librairie Parallèle où il était en dépôt à côté de la Bibliothèque des Émeutes et autre coffrets de M. Solneman. Je vous pose la question sincèrement comme je me la pose. Avez-vous une idée sur la chose ?


Vous voyez qu'en matière de probité, j'essaye d'être aussi vigilant que vous.


Avez-vous reçu ma brochure ? Si oui je vous envoie gracieusement L'Imbécile de Paris et l'affiche originale de Fin du situationnisme paisible ainsi qu'un premier jet de Limites de conversation dont le volume complet va sortir sous peu. À part ça, commandez ce que vous voulez. Vous actionnerez votre pompe à phynance quand vous pourrez.


Bien à vous,


 


Karl von Nichts.




 


Paris, 1er juin 1998


 


Monsieur,


J'accuse à mon tour réception de votre envoi, et vous en remercie. Je me permets de vous signaler une coquille sur la couverture, qui ne vous aura sans doute pas échappé : le point après "Réponse à M. Bueno".


Je n'ignore rien des mésaventures de Voyer avec son ex-éditeur et son ex-éraste. C'est de la vieille histoire, dont les membres de la BE sont eux aussi parfaitement au courant. Ni eux ni moi ne méconnaissons le rôle bassement maspérisateur de Lebovici et Debord dans cette affaire. Adreba Solneman y fait d'ailleurs une brève référence dans l'une de ses lettres à Voyer.


Mais il ne s'agit au vrai que d'une mésaventure, qui eût certes le mérite de dévoiler un, pardon, deux falsificateurs, et de mettre un peu le pied dans la fourmilière prositue. Le "point fondamental de la théorie" que vous soulevez y est subordonné à l'anecdote ; c'est dans le Rapport que la question de savoir si Marx et Hegel ont été critiqué, et par qui, a été proprement traitée. Il me semble donc normal que la BE fasse, comme vous dites, "l'impasse" sur des textes qui sont surtout polémiques, et dont l'essentiel est donné ailleurs. Il faut dire que ses membres avaient fait depuis bien longtemps le deuil du situationnisme, paisible ou non.


"Tout l'intérêt d'Hécatombe (à part la correspondance avec le MAUSS) est de contenir les neuf lettres de Voyer à Lebovici (...)" La correspondance avec le MAUSS est donc la seule partie réellement intéressante de cet ouvrage. Pour qui connaît l'affaire, le reste n'est que répétition. Du point de vue de ce qui occupait la BE, faire connaître les révoltes réelles et proposer une nouvelle théorie de l'histoire, et en proportion de l'envergure et de l'urgence d'une telle tâche, il ne s'agissait effectivement que "d'une querelle personnelle sans intérêt pour leurs lecteurs". Je vous laisse l'expression "grande théorie", qui n'est pas exempte d'une certaine impuissance démago, et qui me surprend un peu.


La BE ne s'est pas contentée de "mentionner" tels ou tels ouvrages de Voyer : ses membres ont lu tout ce qu'il a écrit ; si bien qu'ils sont les seuls, à ma connaissance, à en avoir tenté la critique. Car il faut bien reconnaître, au grand déshonneur de notre époque, que Voyer n'avait, jusque là, jamais été critiqué.


Et vous, M. de Rien, que lisez-vous ? Vous contentez-vous toujours de "feuilleter" ?


Voyer est un théoricien. L'Introduction, l'Enquête, le Rapport et certains textes de la RPC sont toute son œuvre théorique. Rien de ce qu'il a écrit par la suite n'est à la mesure de ces révélations-là. Les tombereaux de fiel qu'il a cru bon de déverser publiquement sur quelques histrions, c'est marrant cinq minutes, mais ça va pas chier loin. Quant aux articles (bravo !) de Voyer dans l'Imbécile, ça n'est que du radotage, et qui a finalement été traité comme tel par la BE. En 1972, Debord reproche son silence à Vaneigem ; en 1982, Voyer reproche son silence à Debord ; en 1991, Solneman reproche son silence à Voyer. Entendons-nous sur ce mot "silence" : Voyer ne s'est pas tu, comme Rimbaud, il n'a plus rien dit de neuf. Certes, il a depuis peu repris la parole où vous savez. Mais sa critique de Debord, qui est par moment juste, et sur laquelle je m'exprimerai ailleurs, montre à quel point il est désormais incapable de séparer les questions théoriques des petites querelles personnelles, caractérielles. Le jugement de la BE, duquel je suis parfaitement solidaire, s'en trouve plus confirmé qu'infirmé.


 


* * *


 


"Mon édition de L'imbécile de Paris comporte tout ce qui a été publié dans L'Imbécile de Paris (le journal) et rien de plus, comme je l'indique d'ailleurs dans l'avertissement. La deuxième lettre de M. Solneman n'y figure donc pas. J'ai appris l'existence de cette lettre bien après avoir fait mon opuscule, en feuilletant des exemplaires de la Bibliothèque des Emeutes chez un ami. M. Voyer n'a jamais répondu à cette deuxième lettre. Tous mes ouvrages sont faits avec l'accord et la supervision de M. Voyer."


Vous publiez donc la réponse de Voyer comme étant le dernier mot de cette dispute. Vous faites, en connaissance de cause, l'impasse (et le silence) sur la deuxième lettre de Solneman. "Voyer n'a jamais répondu à cette deuxième lettre". C'est faux, et vous ne pouvez pas l'ignorer, puisque vous avez "feuilleté" des exemplaires de la BE. Mais, vu la teneur de cette piteuse "réponse", son caractère faux-cul et queue-entre-les-jambes, on comprend que ni vous ni le superviseur Voyer n'ayez souhaité lui donner plus de publicité. Voilà qui n'est certes pas pour me rassurer sur votre "probité". Voyer, il est vrai, n'était pas plus regardant sur ces choses en 1991. Voici un extrait de la seconde lettre de Solneman :


"D'autre part, j'ai bien reçu de vous une lettre datée du 28 juin 1991. Je vous en rappelle le texte : 'Monsieur, J'accuse réception de votre lettre et vous en remercie. J'y répondrai dès que possible. Je vous prie d'agréer, Monsieur, mes salutations distinguées.' Celle qui est datée du même jour, et qui est parue dans l'Imbécile de Paris, je n'ai jamais pu la lire que lorsque j'ai acquis ce journal, c'est-à-dire à sa parution, le 5 septembre. Pour le maigre public de cet échange, je ne trouve pas conforme à la vérité que vous paraissiez me répondre du tac au tac, et que mon temps de réflexion soit additionné du vôtre ; à moins que PTT se soit une fois de plus avéré négligent, voire indiscret, ce que vous seul pouvez m'apprendre."


Malgré votre parfaite connaissance des faits, vous n'avez pas jugé bon de retirer votre ouvrage en y incluant la totalité de la dispute. Et les problèmes techniques de fabrication et de délais, qui étaient déjà pour Lebovici les calamiteux prétextes que l'on sait, tiennent encore moins, ce me semble, pour vous.


Si ce n'est pas de la falsification, ça s'en rapproche dangereusement.


 


Der Kommissar




 


Strasbourg, 3 juin 1998.


 


Monsieur,


Je reçois bien tous vos message, comme vous recevez les miens. Pas d'inquiétudes de ce côté-là.


Je voulais vous répondre plus longuement mais malheureusement je suis très occupé en ce moment. J'y travaille néanmoins et je vous demande un peu de patience.


En attendant, je constate qu'il y a un problème. Je vais peut-être vous étonner, mais je n'ai jamais lu la deuxième lettre de Voyer à Solneman. Eh quoi ! M. le commissaire, vous vous imaginiez que tel un Lebo au petit pied, j'aurais fait, et avec la complicité de Voyer, au coin d'un feu ou plusieurs bûches brûlaient ensemble et en riant comme des tordus, un coup pendable à M. Solneman. Vous faites erreur. Quand j'ai fait L'imbécile de Paris en 1991, j'ai repris les articles du journal et je ne connaissais pas encore M. Voyer. Quand j'ai entendu parler de la deuxième lettre de M. Solneman, je lui ai posé la question et il m'a dit qu'il n'y avait pas répondu. Il y a peut-être eu malentendu. De toute façon la présentation de L'imbécile telle que je l'avais faite lui convenait parfaitement.


En attendant, je suis extrêmement embêté pour vous répondre plus longuement. Vous me dites que la deuxième lettre de Solneman est parue dans le n° 4 de la BE. Je ne possède pas ce numéro, pas plus qu'un autre d'ailleurs. J'aimerais pouvoir lire cette lettre in extenso. Pourriez-vous me l'envoyer, sans vouloir abuser d'une trop grande abnégation de votre part.


Et la deuxième lettre de Voyer ? A-t-elle été publiée ? J'aimerais absolument la lire pour constater par moi-même son caractère " faux-cul et queue-entre-les-jambes ". La possédez-vous ? Envoyez-la moi immédiatement. Merci.


Vous n'êtes évidemment pas obligé de me croire M. Le commissaire, mais méfiez-vous. Vous faites un métier difficile et fatiguant. Il arrive parfois que les commissaires qui croient tenir un coupable ne veulent plus le lâcher.


Vous me dites que les membres de la BE ont lu tout Voyer. Très bien. Mais vous apparemment vous n'avez pas lu Hécatombe puisque vous me demandez s'il contient bien la correspondance avec le MAUSS. Comme j'aimerai vous répondre aussi un peu sur le fond de ces histoires, je vais vous l'envoyer. Vous avez autant besoin d'Hécatombe que moi des lettres de Solneman et Voyer. En attendant, lisez la " Lettre au Jésuite " dans Limites de conversation.


Dans l'attente de votre réponse,


 


Karl von Nichts.


 


P.S. :Je voulais évidemment demander son avis à mon superviseur mais il est en vacance pour quinze jours. Je vous le répète, vous n'êtes pas obligé de me croire, là non plus. D'autant plus que vous avez des doutes sur ma probité.


 


P.P.S. : Merci pour la coquille. Contrairement à ce que vous croyez, là aussi (décidément), je ne l'avais pas remarquée. Comme je vous l'ai dit, je suis très occupé en ce moment.

 





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