La première chose dont on est surpris qu'elle ait une fin est l'émotion. Le moment arrive où le jet de vie est rattrapé par la conscience qui lui courait après, à bout de souffle. Tout d'un coup, les perspectives ne sont plus linéaires, mais guettent l'accident, le monde cesse d'être un rêve et la vérité devient un possible. Ce qu'on avait cru une rampe de lancement infinie, tout d'un coup, mais personne ne peut dire quand, s'achève. On découvre que la richesse, qui s'est rapprochée, nue, à travers la conscience, était dissimulée par les utopies de l'infini, par les illusions de la complaisance. L'émotion, qu'on croyait suffire à tout, a une fin : c'est dans cette fin qu'elle devient enfin le négatif qui prend sens.
Dans le cours du mouvement de la révolution en Iran, ce sont des choses crues infinies qui ont soudain trouvé leur fin : le voyage était une légende, mais dans le monde de la communication, il tourne en rond et se ridiculise lui-même, s'avère essentiellement marchandise. C'est la fin d'un mythe. La musique ensuite se découvre comme n'ayant pas toujours été ; donc elle aussi ne sera pas toujours, a une fin, un sens, est devenue essentiellement autre que ce qu'elle était en apparence et en promesse. La communication crue infinie découvre sa limite : son contenu est le projet de sa réalisation, l'idée de sa fin. La culture, cette mainmise sur le débat de l'humanité, a une fin. Tout a une fin.
Cette négation ample et complexe du monde de l'aliénation est apparue ainsi : simple et brusque.
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La Naissance d’une idée Tome II : Téléologie moderne |
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