Il y a des bornes qu'il ne faut pas franchir

(La grève de la fonction publique en france
du 24 novembre au 21 décembre 1995)

Aussi inattendue que prévisible, aussi pathétique qu'infructueuse, la grève, la « grande » grève de décembre 1995 en France mérite surtout d'être commentée parce que, malgré ses hésitations en la matière, la lente et lourde machine de l'information a mis en place sa version de l'événement pour tout l'avenir que nous lui laisserons, en organisant son oubli, aussi complètement qu'elle avait organisé son spectacle. Mais cette machine a accusé aussi quelques ratés, parce qu'une grève est un événement que dans le passé récent elle avait combattu par tous les moyens, peu soucieuse d'ailleurs, dans son utilitarisme économique-libéral, de l'équité, si bien qu'il était devenu légitime de penser qu'une grève, surtout générale, serait partout présentable comme un archaïsme, en tout cas comme un mal, puisque le mal aujourd'hui est ce que cette information combat. Or comme l'attitude de cette information pendant les semaines du conflit a été plutôt fluctuante, elle n'a plus su si de cette grève elle devait se réjouir ou se désoler, rire ou grincer des dents, mentir ou dire la vérité, y fonder ses espoirs ou ses craintes. 

Si nous situons d'abord cet événement dans le monde, il apparaît bien différent. Vu d'Amérique, par exemple, c'était là une lointaine dispute, incompréhensible autant dans ses causes, ses buts, son déroulement, mais qui semblait ne pas pouvoir toucher l'Amérique, et même avait peu de chances de se répandre hors des limites de la province touchée, la France. C'est comme si l'information mondiale laissait à sa filiale française l'organisation de ce spectacle. Cette filiale en a effectivement fait un spectacle prioritaire, presque absolu, mais qu'elle n'est pas parvenu à rendre mondial. Ceci tient à deux phénomènes techniques : le premier est que les filiales occidentales de l'information s'adressent à des publics qu'elles pensent clients, alors que l'information d'Etats où il n'y a pas encore de clientèle en mesure d'acheter l'information s'adresse à l'information mondiale pour faire passer son spectacle là où il y a de l'argent. De sorte que, recherchant plutôt d'efficaces relais que de versatiles publics, de petits spectacles dans des pays non occidentaux, mais déclinés en anglais, avec un format CNN et un potentiel émotionnel évident, peuvent passer toutes les frontières, au contraire d'une protestation dont le prétexte correspond à de complexes dispositifs constitutionnels et légaux, et dont les modes de comportements ont longuement macéré dans des traditions politiques locales. Le deuxième frein tient dans la sensibilité diffuse plutôt que la conscience que l'information a de ses propres effets : dans le cas de la grève, dont elle découvrait les « enjeux » au fur et à mesure du déroulement, elle craignait visiblement que si le spectacle dépassait la frontière française, l'événement le suive, avec des conséquences qu'elle n'était pas capable d'évaluer. Voilà bien d'ailleurs une des conditions centrales dans laquelle se déroulait cette grève : un monde où l'information, qui commence par suivre l'événement, rapidement le double, au point que c'est l'information, se substituant aux acteurs réels (dont la réalité devient de plus en plus virtuelle), qui va se demander jusqu'où elle peut permettre l'extension de l'événement. Il était cependant intéressant de constater dans l'information dominante, plus sérieuse et plus honnête sur ce point capital pour elle que les résidus des rêves prolétariens, dans le monde entier, qu'elle s'inquiétait non sur le danger immédiat d'un tel mouvement mais sur la façon de l'interpréter, non sur l'absence quasi complète du parti le plus radical de la société (celui du plaisir, celui de l'imagination, celui de la fulgurance), mais bien sur l'opportunité d'en prendre la place vacante, au moins en apparence. Les médias publics en France ont même oscillé jusqu'à cette angoisse tragi-comique et paradoxale de faire grève. 

La référence absolue du mouvement était Mai 68. Personne certainement n'osait plus penser qu'un mouvement social en France se rapproche d'aussi près du grand exemple de la génération précédente, par la pratique de la grève. Car 68, c'était déjà un début de dissolution, semblait-il, du vieux mouvement ouvrier traditionnel, qui avance au lourd pas cadencé de ses grèves, colères et acquis se relayant dans des rituels chaque décennie plus mous et plus figés, résignés. Et cette continuelle analogie avec ce que les situationnistes avaient alors appelé avec un enthousiasme de visionnaires sans lendemain le « mouvement des occupations » donna à cette nouvelle grande grève une apparence de légitimité historique. Car lorsqu'on se mesure à un événement vieux de plus d'un quart de siècle, on balaie et comprend d'abord l'intervalle. Il y eut donc cette mesure, vingt-sept ans, qui justifiait que l'information, au-delà de ses doutes et de ses réticences, en parle comme si on était dans une situation d'exception, et comme on était dans une situation complexe, elle simplifia en égalisant. Par exemple, l'écart entre le quotidien et ce qu'en modifiait cette grève fut alors gonflé à cette dimension historique, le changement étant tout juste proportionnel à une grande perspective, comme celle qui avait été imputée après coup à 68. 

Mais 68 était la joie, la jeunesse, ces graffitis devenus des bons mots de la langue française, des rencontres si marquantes qu'un théoricien de l'aliénation qu'est la communication croyait y avoir vu la communication directe ; c'était aussi une grève sauvage, sur laquelle les syndicats avaient eu beaucoup de peine à poser le mors, et c'était encore une floraison de questions sur l'ensemble de la société en bien des aspects qui n'avaient jusque-là pas encore été envisagés publiquement, et qui étaient des abstractions, comme la qualité de la vie, comme l'érection du sexe en point d'interrogation, comme le doute sur ce qu'est réellement l'économie ; c'était dans les faits de violents combats, des sabotages et une grève généralisée à l'intérieur d'un Etat certes déjà de second plan, sans grande influence dans le monde, si ce n'est justement pour la révolte, après deux siècles où sa capitale, Paris, était devenue l'illustre domicile de l'avant-garde du négatif. La comparaison qui caricature le mieux peut-être la différence entre les deux événements est celle des craintes de ce qu'on appelle l'exécutif : en 1968, on se souvient de De Gaulle – le général, le résistant, le « héros », qui avait échappé à plusieurs attentats, qui avait terminé la guerre d'Algérie – fuir comme un lapin à Baden-Baden, au-delà des frontières de son propre Etat, pour sa première et dernière panique publique, causée par l'explosion d'humeur de ses propres administrés ; tandis qu'en 1995 non seulement le président Chirac, qui n'a pas une réputation de courage même approchante, ne sembla jamais songer à fuir, mais les autres principaux chefs d'Etat du monde se rendirent à son invitation, au beau milieu du pays en grève, seulement incommodés mais nullement inquiets pour leurs précieuses personnes média-technocratiques, signer une paix pour une vraie guerre civile qui avait lieu à deux mille kilomètres de là ! Rien donc de ce qui avait été si frais, si cru, et si tranchant en 1968, n'était visible en 1995. 

Enfin, notre incapacité à comprendre le ici et maintenant comme étant l'histoire aligne notre connaissance des événements contemporains sur la présentation de l'information dominante : éclatée, quotidianiste, spectaculaire. Mais l'histoire n'est pas une succession de « unes », mais une marche pour maîtriser le temps où le négatif et le qualitatif jouent les rôles de guide. Or, depuis que le monde a son actuelle forme entièrement étatisée, il change par grandes vagues de révolte, qui avancent et refluent. Quoiqu'il faudrait les retracer avec précision, on peut en situer une première entre 1953 et 1956 ; c'est lors de la seconde qu'eut lieu Mai 68, mais comme son cœur ouvert, son point culminant. Au mouvement de 1978-1982 succéda celui de 1988-1993. Or les grèves de décembre 95 en France se situent au creux d'un ressac, une désolante démobilisation de la révolte dans le monde. L'influence de l'optimisme ambiant, l'envie de mettre au jour des insatisfactions informulées, le désir de se compter, dans le moment où l'on retrouve l'envie de se battre en dehors de l'envie de gagner, agit sur un mouvement comme un vent dans le dos. Il n'était pas difficile de voir, début décembre 95, que le vent soufflait de face sur l'aspiration la plus radicale, et que les faiblesses qui avaient initié le recul de la vague d'émeutes de 1988-1993, principalement le manque de théorie, le manque de projet dans le monde, loin d'être des obstacles dans ce conflit naissant, y présidaient et y paradaient sans contestation, aux premières loges. Et contrairement à 68, qui se comparait aussi bien aux émeutes qui avaient commencé l'année précédente dans les grandes villes américaines qu'au vaste mécontentement porté dans la rue par les étudiants, de Berkeley à Berlin et de Milan à Mexico, et qu'au soulèvement d'abord libéral puis ouvrier de Prague l'été suivant, le mouvement de décembre 95 apparaît comme complètement isolé. 

Pourtant, la comparaison à 68 n'est pas si ridicule qu'elle paraît d'abord, si on l'inverse, c'est-à-dire si au lieu de comparer 95 à 68 on compare 68 à 95. En effet, on peut voir dans le sketch qu'a été décembre 95 en France ce qui reste de 68, c'est-à-dire une partie de 68 qu'on n'aurait jamais osé penser de 68, tant, particulièrement en France, tout le monde a pris l'habitude de glorifier uniquement ce mouvement battu, et bien battu, comme le montre 95. 95 n'est pas seulement la caricature un peu indigne de 68, mais cette caricature un peu indigne de la révolte en général s'avère enfin en 95 avoir aussi été la vérité de 68, et peut-être, dans le sens de l'histoire, son essence. 

Au début du mouvement de 95, il y eut, par une similitude qui prit évidemment valeur de signifiant, une grève étudiante. En France, il y a deux grandes grèves étudiantes tous les trois ans, depuis 68, parce qu'il y a autant de réformes de l'enseignement. Cet enseignement, qui non seulement n'a aucun rapport avec la vie, n'est même pas adapté, depuis fort longtemps, aux principes, aux buts, aux méthodes de cette société. Les réformes de l'enseignement ne sont pas non plus de vraies réformes ; chacune d'entre elles signale seulement l'arrivée d'un nouveau ministre, qui bouscule trois détails pour laisser son nom, justifier son budget, et tester la docilité, ou la bêtise, ou la fatuité de ce bétail destiné à être le futur encadrement, et qui reste considérablement méprisé dans la société, d'autant qu'il s'est encore assagi, et beaucoup, depuis qu'à « CRS, S-S » on a trouvé la réponse « Etudiants, dian-dian », c'est-à-dire dès 1969. 

Mais la grève étudiante cette fois-ci ne demandait pas une multiplication ou division du nombre de sections en classe terminale, ou une refonte d'un quelconque statut d'employé de faculté. Non, on se mit en grève pour que la faculté ait plus d'argent, d'employés, de petit confort. Bref, c'était une demande structurelle, dont les premiers balbutiements s'étaient manifestés dès l'hiver précédent, un problème de fond, qui aurait pu éclater dans le désœuvrement universitaire, il y a cinq ou dans cinq ans. Un ministre avisé, d'ailleurs, se serait empressé de lancer une grande réforme (par exemple regrouper psychologie avec médecine, et économie avec les sciences exactes, en augmentant le coefficient histoire-géographie au bac) s'il avait voulu détourner la question. Mais il est assez improbable qu'un ministre ne soit pas solidaire d'une exigence d'augmentation de son budget, surtout quand tout porte à croire que c'est encore lui qui en disposera à la « rentrée » suivante. 

Cette grève étudiante n'a jamais mérité ce long développement, sauf pour la coïncidence d'avoir démarré avant la grève de ceux qui risquent de perdre leur salaire à faire grève, et que, vu de loin, avec un éclairage médiocre, cela pouvait ressembler au démarrage de 68. Mais les étudiants de 95 n'ont jamais tenu la rue en corps, quand les hommes en casque leur demandaient poliment de partir ; leur mouvement n'a jamais rejoint l'autre, le grand, je dirais encore moins qu'en 68 ; cette future élite de la France (pouah !) n'a jamais avancé une seule idée au-dessus de « des sous » ; et lorsque des crédits et des emplois accrurent le poids budgétaire de la canaille ministérielle Bayrou, ils n'ont qu'à peine, mais sans qu'on puisse les entendre ou les comprendre, tergiversé sur une « solidarité » qu'ils étaient bien en peine d'expliquer, en tout cas incapables de rendre offensive. 

Le reste du mouvement s'est mis en branle en se superposant au mouvement étudiant, lorsque le gouvernement Juppé décida d'un certain nombre de mesures de gestion qui visaient à remplir un cahier des charges européen. Sans entrer dans le détail économiste, il s'agit, pour chaque Etat de la CEE, de mettre un corset. Les petits bourrelets à supprimer sont les saillies des différents systèmes nationaux de ce qu'on appelle le service public, parce que d'une part ce sont là des dépenses sans recettes, et d'autre part comme elles sont différentes dans chaque pays, si on ne les supprime pas il faudra alors les additionner, et je ne vous raconte pas le coût final. Depuis qu'en Europe occidentale on parle d'unir les Etats, la question n'est pas de savoir dans quel but, mais sous quelle gestion. Et les minorités nationalistes sont tout aussi européennes que la majorité européaniste dans le sens où elles sont également obligées de présenter un projet de gestion qui implique tout autant tous les Etats européens, mais qui simplement conserve leurs particularités et leurs différences de gestion. D'ailleurs si l'on se penche d'assez loin sur les minuscules calculs de ces deux factions de commis, celle qui veut l'unité non seulement est beaucoup plus forte mais beaucoup plus cohérente. Et Juppé pouvait dire, en n'étant contredit que par le parti communiste, que personne n'avait de plan de réforme de rechange, et le parti communiste, en effet, n'a pas fait connaître le sien. 

En vérité, le clivage des gestionnaires sur cette question traverse toute la middle class, mais pas selon les clivages reconnus : ce n'est pas gauche-droite, ce n'est pas moderne-conservateur, ce n'est pas moral-immoral. Le clivage est upper middle class contre lower middle class. La raison est simple : la upper middle class retaille une société rationnelle, efficace, compétitive, où la CEE devient une entreprise gérée selon les impératifs de rentabilité, et dont le résultat est une upper middle class plus prospère, et plus nombreuse, beaucoup de cadres sup. Mais pour ce retaillage, pour cette architecture semi-continentale, pour financer ce chantier, c'est la lower middle class, l'alliance trentenaire des ouvriers et des petits employés, qui paie. Elle paie avec ses sous, et aussi avec ses effectifs, car si une petite partie va grimper d'un échelon, une partie plus importante va être taillée en pièces, c'est-à-dire sombrer dans la gueuserie, pour n'être même plus ni ouvrière ni employée, et c'est le pire cauchemar de toute la lower middle class. Les européanistes sont ainsi les gestionnaires responsables, c'est-à-dire ceux qui gèrent effectivement, chefs d'entreprise et d'Etat, vedettes du spectacle et de l'information, et les antieuropéanistes, la foule du petit emploi, bafoué, squeezé, secoué. 

La dispute de décembre 95 a donc tourné autour de cette question centrale : la middle class doit-elle être élitiste et élitaire ou nombreuse et populeuse ? Les européanistes avaient en tout cas l'argumentation la mieux frappée, la plus logique. Jacques Attali, par exemple, synthétisait le projet de l'Europe de façon simple : créer une forteresse, contre « l'ennemi » qu'il définit comme étant l'ensemble des pays où le revenu moyen est le tiers de celui de la France. Ce socialiste, économiste, arriviste désinvolte, faisait ici un peu de démagogie télévisuelle envers les nationalistes : car on sait bien que les citoyens dont le revenu personnel est proche de celui d'Attali seront comme chez eux dans sa forteresse, même s'ils sont issus de pays si menaçants ; de même, la piétaille grandissante en France de gens dont le revenu moyen est en dessous du tiers du revenu moyen français seront évidemment considérés comme ennemis de la forteresse, même s'ils y résident depuis qu'ils y ont été conçus. 

Dans cette dispute, qui n'a concerné et où l'on n'a entendu que la middle class, les adversaires des projets du gouvernement, c'est-à-dire la lower middle class, se sont, sur le problème de gestion même, manifestés par une grande inanité. Les réformes projetées par le gouvernement ont été rejetées sans que les problèmes auxquels elles voulaient remédier ne fussent niés, et sans qu'aucune autre solution ne fût avancée. C'était donc, du point de vue même dont il accepte la prédominance, l'économie, un mouvement ultra-conservateur. Ce n'était pas une grève pour obtenir quelque avancée, mais uniquement pour que tout reste en l'état. Mais ce n'est pas en cela que s'est située sa ligne de défense. C'est un mode de vie qui était menacé de disparaître, et qui était ici ardemment défendu. Il n'y a bien que la middle class qui veuille conserver son mode d'existence, si manifestement misérable, aussi bien aux dirigeants de la « World Company » qu'aux yeux des gueux. Là, la défense tentait maladroitement de protester contre une mainmise du marché mondial qui ignorait combien il était bon d'être cheminot, postier, français, car du titre d'identité le plus conservateur on peut aujourd'hui prétendre développer une sorte de négativité, comme le font les matons dans leurs grèves, ou les Bretons bretonnants quand ils soutiennent les pêcheurs qui grillent le palais de justice de Rennes ; cette pleurnicherie pitoyable s'aidait en outre d'arguments plus policiers : ainsi, les chauffeurs de bus, les enseignants, les assistantes sociales firent remarquer combien ils étaient des récupérateurs, des postes avancés de la défense de cette société dans les zones gueuses des banlieues, combien leur travail initial s'était augmenté de cette mission de pacification et de ce risque physique d'être soudain en première ligne, et combien ils étaient donc indispensables à la forteresse, qui non seulement ne devait pas les taxer davantage, mais au contraire les gratifier mieux. Si d'aussi minables offres de service ne peuvent pas publiquement être rejetées, il est certain que les employeurs d'un petit peuple aussi collabo doivent sourire de cette fidélité canine, eux qui justement veulent pousser dans la gueuserie banlieusarde une bonne partie de son premier rempart, si coûteux, et si piteux. 

La « lutte » elle-même porta tous les accents de la middle class. D'abord ce furent les cheminots qui se mirent en grève contre la baisse de leur retraite. Et puis, de jour en jour, ils reconduisirent leur mouvement, par une obstination qui s'étonnait d'elle-même, de sorte que, encouragés par l'exemple, les postiers, les gaziers, les employés des impôts, les enseignants, une grande partie de la fonction publique bascula lentement. L'information commença comme elle en a pris l'habitude par diffamer les grévistes, ressortant l'argument comme quoi ceux-ci prenaient en otages tous les autres. Cet excès de langage est devenu si courant qu'il n'est plus dénoncé comme parfaitement hors de propos. On pourrait d'ailleurs facilement le retourner : c'est l'opinion publique qui prend en otage toute velléité de grève, et quand on démonte de quoi la prétendue opinion publique est faite, on s'aperçoit que c'est uniquement d'information dominante dont le fiel et la mauvaise foi antigrévistes se déchaînent à travers le fragment de « public » convié alors à l'exprimer. Mais cette argumentation est évidemment vaine : en effet, qu'on se place d'un côté ou de l'autre, il n'y a pas plus d'otage lors d'une grève que de génocide en Roumanie en 1989, ou de démocratie dans un Etat, ou alors il y aurait otage à chaque conflit qui implique un tiers, et c'est le cas de la quasi-totalité des conflits, y compris ceux entre particuliers. L'imprécation morale contre la grève qui prend en otages les usagers, sans jamais que la responsabilité en soit imputée aux responsables des entreprises en grève, est une offensive calomnieuse contre la grève en général comme moyen d'exprimer une critique. Il n'est pas étonnant que cette offensive, impensable encore en 1968, soit menée par les journalistes : ce sont les vrais idéologues officiels, ils ont acquis depuis dix ans le monopole de l'exégèse du présent en tant qu'intermédiaires indispensables entre toute connaissance approfondie et son public et, comme ils font partie de l'upper middle class, ils sont en bloc contre un moyen de combat qui fausse leurs prévisions économiques, sauf lorsqu'ils en usent eux-mêmes. Mais en décembre 1995, après quelques jours où toute l'information parut derrière le plan Juppé (pas derrière le nom Juppé bien sûr, mais derrière sa réforme upper middle class), un revirement s'opéra. En effet, la clientèle de l'information est bien plutôt dans la lower middle class, et pour une fois, et c'est d'ailleurs certainement ce en quoi le mouvement a montré le plus de force, celle-ci n'a pas suivi l'opinion de l'information dominante. C'est donc cette information qui dut fléchir et se scinder, réussissant seulement à stabiliser la dualité : d'un côté, il était impossible de revenir sur un plan si nécessaire ; de l'autre, il fallait représenter le fait que ceux qui votent, et qu'on prétend souverains, votaient à ce moment avec leurs pieds contre ce nécessaire. D'un côté, on pouvait faire une ambiance maussade et bougonne, car tant qu'on la respecte l'information contribue de manière déterminante à faire l'ambiance, mais, de l'autre, elle ne pouvait plus accuser la grève d'être le crime moral, prise d'otages, qui était l'origine de l'ambiance maussade et bougonne. Le désarroi comique de l'information face à un phénomène pourtant timide, s'arrêta à l'opinion, qui ne varia plus, que la grève était somme toute honnête, participant des mérites innombrables quoique tortueux de la démocratie d'Etat, même si ses nuisances restaient difficiles à tolérer. 

Car la grève des services publics ne fut pas suivie dans le secteur privé. On eut donc le grotesque spectacle quotidien de petits employés partant à 4 heures du matin pour revenir exténués dans leur banlieue à 10 heures du soir, pour ne pas manquer une journée de travail, dans un pays où tout le monde ne parlait que d'arrêt de travail. Il n'est pas sûr que ce stoïcisme militant n'ait pas été encore plus significatif de l'esprit middle class du mouvement que la passive reconduction quotidienne de la grève. Les grévistes, en effet, avaient mis à leurs têtes les syndicats d'antan, régulièrement balayés depuis dix ans à chaque mouvement d'envergure par des « coordinations » où il n'y avait pas moins d'arrivistes et de magouilleurs, mais qui, contrairement aux syndicalistes, ne partaient pas au départ du mouvement avec une autorité usurpée. Les syndicats, remis miraculeusement en selle, restèrent donc d'une prudence nonpareille. Comme les journalistes, les dirigeants syndicaux sont pour une réforme de la middle class parce que eux aussi, contrairement à la bureaucratie dont ils sont issus et qu'ils dirigent, font partie de l'upper middle class. Amenés à réfléchir à la gestion d'ensembles de la taille des Etats, qui les consultent d'ailleurs rituellement, ils ont fait le calcul pour lequel on les paie, que soit on réforme comme Juppé et on perd quelques emplois en gagnant de l'argent, soit on ne réforme pas et on perd beaucoup d'emplois et de l'argent. Les syndicats sont en outre aussi incapables que les journalistes de concevoir une société non organisée autour de la gestion, parce que plus vite encore que les journalistes, ils y perdraient leur existence. Mais dans une division des tâches un peu improvisée, seule la CFDT épousa en entier le soutien au plan, afin de récupérer les adversaires de la grève : au moment où l'ineffable Nicole Notat choisit ce positionnement, il semblait au moins probable que ce serait là le point de vue le plus moderniste et le plus suivi, mais, dès le 24 novembre, cette cheffaillonne fut expulsée violemment d'une manifestation par les militants de son propre syndicat, qui la rejetèrent ainsi dans son choix antigréviste, qu'elle tenta d'adoucir par des contorsions verbales apparemment restées sans effet. FO et CGT au contraire, dans une prudente alliance, échaudés par des années de mépris, de grèves sauvages et d'insultes de leurs troupeaux évanescents, passèrent le mois à observer sans y croire, à cultiver de petites carrières médiatiques, et à tenter de suivre le peu de mouvement. Mais le miracle du come-back syndical a évidemment des raisons prosaïques, c'est-à-dire sociales : la base du mouvement n'est même plus ce prolétariat d'antan qui rêvait de grandeur et de monde, certes en mettant au centre le travail, mais non sans être déterminé à prendre les armes pour suppléer tout ce qu'à l'évidence le travail ne saurait renverser. La lower middle class en France, gémissant de la vilenie des technocrates et gestionnaires, s'y choisit des tribuns de la même pâte lower dont elle-même est pétrie : les syndicats, tout ébahis du rétablissement de leur tribunat, toujours aussi infâme qu'en 1968, mais encore plus timoré. Non contents de tolérer de tels chefs, les grévistes se rangèrent dans une stricte légalité : le seul geste qui aurait pu entraîner le secteur privé et plier le gouvernement aurait été de faire marcher leur outil de travail contre l'entreprise, contre l'Etat, pour la grève, mais sans faire payer les usagers, ce que d'ailleurs les non-grévistes les exhortaient régulièrement à faire. Mais, pour des raisons inhérentes à l'idéologie d'une société construite sur la propriété privée, ceci est bien entendu hors-la-loi. Pour donner à la société une orientation différente que celle qu'elle prend, on est bien obligé, à un moment ou à un autre, d'enfreindre la loi. Mais nos grévistes de décembre 95, eux, ne voulaient pas donner une orientation différente à la société, au contraire ils protestaient avec toute la force de la loi contre le fait que cette société prenne une orientation différente. C'est dans la dignité ridicule de la morale ouvrière de jadis, et des bons sentiments pompeux de la boutique (il y eut finalement très peu de détournements de ce qui est appelé l'outil de production, essentiellement à l'EDF), que notre basse middle class est allée protester, tout comme en 1848 – comme le signalait déjà Marx – la petite bourgeoisie était allée au combat après la défaite du prolétariat. 

Les banlieues en France, les cités qui sont devenues no-go areas, s'étaient beaucoup battues ces dernières années. Mais la défaite du mouvement d'émeute dans le monde a isolé et transformé leurs assauts en colères d'arrière-garde ou en comportements endémiques, qui manquent de vue d'ensemble, et qui s'installent dans une quasi-routine aux horizons limités. Face à la grève, dont le seul plaisir aura été cette rupture avec l'habitude quotidienne, dans les longues files de piétons boudeurs, mais ravis, dans les rues de Paris, et peut-être dans quelques manifestations d'une allégresse bon enfant, étonnamment massives et fréquentes en province, les gueux furent véritablement pris de court. D'abord, très peu d'entre eux travaillent dans le salariat, et ils évitent plutôt les services publics, qu'ils voient, non sans raison, comme une sorte de gangrène de leur existence. Du fait de l'actuelle situation sociale des gueux (c'est-à-dire constitués en fraction de la société par la révolte, mais non encore en unité organique, et dans la période consécutive à la défaite de leur premier mouvement de révolte massif), une grève des postiers, des contrôleurs dans les transports, des fonctionnaires des impôts, des services sociaux, c'est comme un ennemi momentanément plus fort qui refuse soudain de se battre ; leur réaction peut être comparée à celle qu'on peut imaginer pour les grévistes, si soudain le gouvernement, le patronat et les médias s'étaient mis en grève pour protester contre la grève. 

Ensuite, en France depuis 1990 au moins, les gueux sont la critique radicale de cette société, encore sans fond ni projet avoués certes, mais sans ces compromis humiliants et chaque fois aggravés qui ont dissous ou domestiqué la classe ouvrière. Aussi la jeunesse un peu turbulente des banlieues et les résidus aujourd'hui marginaux de l'ancienne classe ouvrière qui refusent encore de résigner furent-ils plus étonnés qu'enthousiasmés, et plus sceptiques qu'imaginatifs face à la lourde légalité de la grève des salariés de l'Etat, qui visait en somme à fortifier ce qu'ils combattent en profondeur depuis qu'ils combattent : le travail et la famille, le petit emploi chicanier et les satisfactions médiocres, l'ennui baigné dans cette morale molle, flexible, déshonorante du ventre mou de la société, ses rêves et sa réalité. 

Peu présents lors de la première grande journée de manifestations, le 24 novembre, ils se signalèrent par quelques actes plus radicaux dans la suite nocturne d'une manifestation étudiante, dans et autour de Jussieu. Puis le 30 novembre, à Paris, Nantes, Montpellier, ces vrais ennemis de l'Etat, de la marchandise et de l'information dominante rappellent sans innover que leur plaisir consiste dans une visière de casque de CRS, dans une vitrine de magasin, dans une caméra mobile qui explosent ; et que sans vrai plaisir, il n'y a pas de vraie critique. Mais déjà plus discrets lors du 5 décembre, les émeutiers ne se sont plus manifestés que le 7, à nouveau à Nantes et à Montpellier. Lassés par l'incompréhensible petitesse de ce grand mouvement, triomphaliste et sans couilles comme un beauf, depuis les piquets jusqu'aux assemblées générales sans âme, sans contenu, sans même la vie d'une kermesse, les gueux de banlieue dégoûtés ont disparu de cette dispute (notamment lors des marches funèbres du mouvement, les 12 et 16 décembre) qui n'était pas la leur, et où même le parasitage pilleur des manifestations avait le goût du chewing-gum fatigué. La middle class a d'ailleurs à cet égard montré son unité, les grévistes s'alliant avec les adversaires de la grève pour exclure la racaille de banlieue, au lieu de s'allier avec celle-ci contre un gouvernement si généreusement ménagé. Ainsi s'est rejouée en grand la division que les situationnistes avaient signalée en germe dans la peur et l'incompréhension qui avaient rapproché les étudiants de la Sorbonne en 1968 plutôt de la police que des voyous « katangais », qui avaient pensé pouvoir se battre à leurs côtés. 

Mais d'autres épisodes du mouvement ont aussi montré que cette recomposition de la société n'est pas encore achevée, et qu'entre gueux et middle class tout le monde n'a pas encore choisi son camp. Dans les petites villes que sont Yssingeaux et Gardanne, de violentes déprédations (mairie, permanence RPR murées) témoignent d'une autre conception de la colère et de la dignité que celle d'une grève qui n'a jamais véritablement réussi à dépasser le prétexte de tel ou tel plan concernant la « retraite » (quelle vie que celle qui se termine par cette manœuvre caractéristique de la défaite !). En Lorraine, à Merlebach, les mineurs se battent avec la police à coups de cocktails, de barricades, de manches de pioche. Pendant deux jours, « on aurait dit une guerre », ou plutôt une émeute moderne. Le même 8 décembre, les grévistes d'Air France obligent à nouveau les CRS à leur reprendre de force les pistes d'Orly, comme en octobre 1993, où ils avaient inauguré cette forme de dispute radicale. Dans la recomposition de la classe ouvrière, il existe aussi une vie après le travail. Mais il faut maintenant choisir : rentrer dans la complicité de ceux qui estiment avec indignation avoir droit à une « retraite » , c'est-à-dire à devenir une vieille merde qui pourra survivre bien au-delà de la poursuite de n'importe quel projet, de n'importe quelle dignité, ou bien aller au charbon, à la Merlebach, c'est-à-dire au vrai, pas celui qu'on n'extrait plus des mines. 
 

Le mouvement s'acheva lorsque le gouvernement céda avec les cheminots : le plan qu'ils avaient critiqué fut retiré, et le patron de ce service public fut remplacé. Satisfaits, ou non, les cheminots reprirent le travail, abandonnant toute revendication sur la Sécurité sociale et toute solidarité, et, toutes les autres professions, qui n'avaient rien obtenu, les suivirent comme les moutons de Panurge. Battue donc à plates coutures, la basse middle class rentre dans le rang. Elle s'applaudit elle-même, de sa dignité, de sa fermeté, de la justesse de son appréciation des choses, et l'information, qui infléchit dans la douleur sa propre déviation upper, a fait entendre dans des jeux d'écho bien tendres combien ce mouvement était important, et combien son influence sera durable : « Rien ne sera plus comme avant. » Qui sait la lire a compris qu'elle a senti exactement le contraire : la hiérarchie de la société restera la même. Si quelque chose change, c'est ce que vont payer les vaincus, en argent et en effectifs, comme il était prévu. Et si après la farouche obstination des employés marseillais, qui ont prolongé le mouvement jusque tard dans la première moitié de janvier, on n'entend plus guère parler de cette grève (au contraire de 1968, que l'écho avait encore amplifié), c'est que son contenu a été comme son issue : nul.
 

Enfin, un mot rapide sur la lutte de classes. Pendant toute la grève, l'information dominante, pourtant à court de certitudes, n'a jamais utilisé ce concept. La première raison est futile : il existe une mode même pour les mots, et « lutte de classes » est actuellement démodé, c'est-à-dire dans l'angle mort du passé, c'est-à-dire entre ce que la mode valorise pour sa nouveauté et ce qu'elle ressuscite, au second degré, sous l'épithète « rétro ». L'information dominante est comme un petit salon, où chacun s'observe, et où les fautes de goût sont devenues bien plus graves que les fautes de logique, ou celles par rapport à la vérité. Aussi, il est encore trop tôt pour cette corporation de vulgarisateurs universels pour utiliser, avec profit, le lourd concept de lutte de classes. La seconde raison de la non-utilisation de ce concept est analytique : l'information ne sait pas ce que c'est, non que les journalistes n'aient pas au moins feuilleté hâtivement Marx ou Lénine, mais ils ne savent pas comment se situer par rapport à la lutte de classes. En effet, l'information ne nie pas formellement qu'il existe des classes sociales selon lesquelles le monde serait divisé ; mais elle n'arrive plus à situer les groupes qu'elle discerne par rapport à cet étiquetage, à commencer par elle-même. Comme elle est incapable de critiquer la lutte de classes, elle la moque, un peu comme le gros des athées depuis le siècle dernier en use avec la religion. Mais la profonde raison du silence de l'information sur la lutte de classes est sa croyance que ce dualisme rigide serait, de plus, fondamentalement insurrectionnel. Comme corporation, comme discours, comme théorie sur le monde, elle a peur de l'insurrection, et elle craint de l'exorciser en la nommant. Frivolité modique, incapacité analytique et peur d'être assimilée à la classe contre qui aurait lieu l'insurrection sont le bouquet de fausses raisons pour lesquelles les médias ont éludé cet austère concept, il est vrai chargé de passé, d'illusions et de promesses.  

Les tenants du parti de la lutte de classes (il faut ainsi nommer ceux qui non seulement la reconnaissent, mais surtout qui font partie de la « classe » inférieure, à laquelle l'information, justement, ne sait plus très bien si elle appartient), les ouvriéristes et communistes non staliniens, ont littéralement rayonné d'aise pendant la grève : on vous l'avait bien dit, rien n'est fini, tout recommence. Pendant des années, ces sectaires avaient continué à conserver, comme des petits vieux, leurs constructions théoriques auquel le monde doit se plier, quoi qu'il arrive dans le monde même ; décimés par les défections, les limites d'âge et l'incrédulité des foules (qu'ils appellent au contraire crédulité dans les mensonges de la vilaine classe exploiteuse), eux-mêmes risquaient des coups s'ils s'approchaient trop bruyamment de la révolte réelle, qu'ils proclamaient volontiers prolétarienne, mais à distance respectable de ces émeutiers modernes qui ont secoué tous les cocotiers de la planète entre 1988 et 1993, y compris, évidemment, le leur, qui était devenu l'un des plus secs. Mais face à la négativité édentée de la grève, leurs offres de service théoriques, leur come-back dans la même brassée que ces syndicats qu'ils vilipendent, s'ils ne furent pas applaudis, ne furent pas, pour la première fois depuis longtemps, rejetés à coups de pied. De plus, la grève, n'est-ce pas le cœur sacré de la lutte de classes ? Qui ose dire le contraire ? 

Oui, la grève de novembre-décembre 1995 est sinon la lutte de classes, du moins son héritier direct. Deux classes économistes sont face à face, l'une voulant exploiter l'autre, chacune voulant doter la société d'un projet de gestion, d'une économie particulière, l'autre paralysant l'outil de production de l'une. Certes, il ne s'agissait pas exactement de ce que Marx appelait la bourgeoisie contre ce que Marx appelait le prolétariat, mais c'est bien le successeur de la bourgeoisie qui se trouvait face à une grève de successeurs de la classe ouvrière et de la petite bourgeoisie, du point de vue économique. Au fond, pour que la lutte de classes de 1995 ressemble à celle décrite avant que le monde ne révèle qu'il n'est pas essentiellement divisé en classes économiques, et avant que ce savoir ne modifie la guerre de l'humanité pour la réalisation de son concept, il n'a manqué que les dents. Ce qui mord a repoussé aujourd'hui la lutte de classes vers ce qui aboie. 

Comme, en 1848, la fraction la plus avant-gardiste de la société du siècle précédent – la petite bourgeoisie libérale – en avait gardé inchangé l'idéal, la conception et les formes d'expression, alors que le négatif était déjà passé dans l'action de la classe ouvrière naissante, celle-ci, un siècle et demi plus tard, a fusionné avec sa devancière, alors que la critique de son monde est déjà dans les actes de ces terribles gueux qui, depuis la révolution en Iran, se battent pour des projets qui font paraître dérisoires tous ceux jamais mis au bout d'une « lutte de classes ». D'ailleurs, à chaque révolte, même à chaque protestation dans le monde, on nous apprend que le mobile est la liberté et un Etat démocratique, c'est-à-dire la rengaine frelatée de la petite bourgeoisie de 1848 ; et l'écho ressasse : pas du tout, vous n'avez rien compris, c'est le prolétariat qui se soulève contre la bourgeoisie, remake avarié du prolétariat de 1848. Et si la lutte de classes continue d'exister, ainsi que ceux qui la croient passage obligé de l'avenir, ce n'est plus que dans la petite cloque, qui voudrait qu'on croit qu'elle est le monde, qu'est la middle class. C'est d'ailleurs là qu'elle pourra bientôt revenir à la mode. 

C'est le peu que la grève de novembre-décembre 1995 en France a dit.


 

(Texte de 1996.)


Editions Belles Emotions
La Naissance d’une idée – Tome I : Un assaut contre la société Précédent   Table des  matières   Suivant