Une conférence sur la paix au Proche-Orient s'est ouverte à Madrid le 30 octobre 1991, coparrainée par les présidents Bush et Gorbatchev. Si nous parlons ici de cet événement, c'est avec la plus vive admiration. La « paix au Proche-Orient » est l'événement le plus mythique qui occupe les dirigeants de ce monde depuis près d'un demi-siècle. Dans l'intervalle, plusieurs dizaines de guerres ont ravagé plusieurs dizaines de pays sur la terre ; mais la guerre autour de l'Etat d'Israël cherche et cherchera encore sa fin bien après que soit effacé le souvenir de son existence. Aussi, la conférence de Madrid mérite vraiment les applaudissements : le rapport spectacle/vide-de-contenu y est le plus élevé que le monde, pourtant gâté ces dernières années, ait connu, et en ceci, le record précédent, qui date des accords de Camp David en 1979, et qui portait déjà sur le même sujet, a été battu. Mais alors qu'à ce moment-là il s'agissait au moins de signer un traité partiel entre deux des quatre ou cinq belligérants d'une guerre qui avait duré quelques jours six ans plus tôt, à Madrid il ne s'agissait de rien d'autre que de fixer lieu et date d'une prochaine réunion. Ce qui ne fut pas fait.
Le seul affrontement dans cette région du globe est l'Intifada. Après la guerre du Golfe – pendant laquelle l'Etat d'Israël a prouvé qu'il maîtrise mieux l'apartheid que celui d'Afrique du Sud –, les mailles du filet policier sont devenues tellement serrées à Gaza et en Cisjordanie que de parler de l'Intifada comme de l'insurrection libre qu'elle a été relève désormais d'une indulgence optimiste hors de propos. Les maisons rasées, les cultures détruites, le couvre-feu, la colonisation accélérée, les déportations, les tortures, les arrestations et les morts, alliés au travail idéologique abrutissant des staliniens de l'OLP et des différents groupes islamiques, ont divisé, aveuglé, assourdi, décervelé, condamné et assassiné les perspectives d'une jeunesse sans gaieté qui continue pourtant encore de jeter des pierres sur l'occupant. Mais les règlements de comptes ont pris le dessus sur l'Intifada, et, comme en Afrique du Sud, il ne fait plus de doute que toutes les polices (Etat d'Israël, OLP, Hamas, mafia) ont trouvé dans l'assassinat des « collaborateurs » la manière la plus commode de se disputer la suprématie sur ces territoires et cette population ; l'Intifada leur est maintenant la couverture nécessaire de ces méthodes, et de ces buts inavoués.
C'est pourquoi, comme la « question du Proche-Orient », l'Intifada fera encore peur longtemps parce que ce qui s'opère maintenant, c'est le retournement de cette peur contre ceux qui lancent des pierres. L'ennemi a appris à les recevoir, et à les utiliser. Le 30 octobre 1991, les vainqueurs de ce jeu retourné (c'est le jeu !) sillonnent en vainqueurs les camps, les rues, les campagnes et les cerveaux de Palestine, à l'exception de la tripotée de salopes qui posaient la fin de leur peur devant les télévisions venues du monde entier à Madrid, capitale de l'Espagne.
(Extrait du bulletin n° 4 de la Bibliothèque des Emeutes, texte de 1992.)
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La Naissance d’une idée Tome I : Un assaut contre la société |
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